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Soumabéré Dioma, vice-président du CIC-B : "Le marché céréalier n’est pas bien organisé"

Publié le mercredi 4 avril 2007 à 08h01min

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Soumabéré Dioma

Aléas climatiques, fluctuation des prix, inorganisation, enclavement... autant de maux qui minent le développement de la filière céréalière au Burkina Faso. Mais déterminés qu’ils sont à vivre de leur travail, les différents acteurs de la filière se sont organisés en un Comité interprofessionnel des céréales du Burkina (CIC-B).

Dans cette interview, le vice-président du CIC-B, Soumabéré Dioma évoque dans les détails toutes les préoccupations qui sont les leurs. Il estime par ailleurs que l’introduction des OGM doit se faire avec tact et prudence.

Sidwaya (S.) : Qu’est-ce que le comité interprofessionnel des céréales du Burkina Faso (CIC-B) ?

Soumabéré Dioma (S.D.), vice-président du CIC-B : le comité interprofessionnel des céréales a été créé le 16 juillet 2003 à Bobo-Dioulasso. Il est composé de cinq collèges d’activités : les producteurs, les commerçants, les transporteurs, les transformateurs et la société privée (vendeurs d’intrants et d’équipements agricoles).
Le CIC-B couvre le territoire burkinabè. C’est une interprofession qui regroupe les acteurs de la filière céréalière.

Le CIC-B joue un rôle d’interface entre les acteurs de la filière d’une part et l’Etat, et d’autre part, entre les acteurs de la filière et les partenaires. Le CIC-B est un cadre de concertation où l’ensemble des acteurs de la filière céréalière se retrouve pour discuter des enjeux, les difficultés etc. L’objectif c’est de travailler de sorte que chacun puisse vivre de la filière à travers l’activité qu’il mène.

S. : En février 2007 s’est tenue l’assemblée générale du CIC-B à l’issue de laquelle un nouveau bureau a été mis en place. Quelles sont les ambitions de la nouvelle équipe dirigeante ?

S.D. : Les 12 et 13 février 2007, l’assemblée générale du CIC-B a été une occasion de passer en revue la vie organisationnelle et administrative de l’interprofession, d’adopter le budget et le programme d’activité 2007 et de renouveler les instances de l’interprofession. Nous avons à l’heure actuelle un conseil d’administration de dix-sept (17) membres, un bureau exécutif de sept (7) membres, un comité de contrôle de cinq (5) membres. Le nouveau bureau a un mandat de trois ans. Il s’est assigné trois ambitions majeures.

Il s’agit tout d’abord d’œuvrer à renforcer l’assise organisationnelle de l’interprofession. Il faut mettre tous les acteurs de la filière à un bon niveau d’organisation. La deuxième ambition vise le renforcement du dialogue entre l’interprofession et l’Etat. La mise en place de l’interprofession est une volonté de l’Etat certes, mais le CIC-B mérite d’être mieux compris par les différents partenaires et les structures techniques.

L’interprofessionnalisation est un nouveau concept qui mérite d’être mieux compris d’où la nécessité de renforcer le dialogue avec l’Etat. La troisième ambition que nous poursuivons consiste à jeter les bases de réflexion sur l’organisation d’un marché céréalier libre au Burkina Faso. Il convient de définir clairement le rôle de l’Etat et de tout un chacun dans le contexte de libéralisation, de mondialisation afin de permettre à la filière de se porter mieux.

S. : Depuis la création de l’interprofession à nos jours quel bilan tirez-vous du chemin parcouru ?

S.D. : Les premières années d’existence de notre structure ont été consacrées à la création de structures de représentation dans toutes les treize (13) régions du pays. Appelées comité interprofessionnel régional, ces structures visent à combler un vide organisationnel. Bien que n’ayant pas de statut juridique, ces structures constituent des relais pour mieux véhiculer l’information au niveau de la base et faciliter la coordination des activités.

Le CIC-B a par ailleurs organisé des sessions de formation pour le renforcement des capacités des acteurs de la filière. Il a également mis en place un mécanisme d’approvisionnement en intrants. Cela consiste pour le producteur de donner sa céréale au CIC-B. Le stock est vendu pour avoir un disponible financier qui sera utilisé pour l’achat d’engrais au profit des producteurs. Bon nombre d’activités ont été menées depuis la création du CIC-B dans son rôle d’interface afin que chaque collègue puisse tirer profit de ses activités au sein de la filière.

Pour revenir aux activités menées dans le sens du renforcement des capacités des différents acteurs, on peut citer quelques sessions de formation sur plusieurs modules : la démocratie au sein d’une organisation paysanne, la maîtrise des coûts de production, l’organisation du marché, le lobbying, le marketing, la libre circulation des personnes et des biens, la comptabilité simplifiée etc.

S. : Quelle est à l’heure actuelle, l’état des lieux de la filière céréalière au Burkina Faso ?

S.D. : Les céréales (maïs, sorgho, mil) constituent l’alimentation de base des burkinabè. Chaque année, les superficies emblavées en céréales dépassent de loin celles des autres filières. La commercialisation des céréales occupe une place importante dans l’économie de notre pays. Il reste que dans un contexte sahélien comme le notre, la filière est tributaire des aléas climatiques à telle enseigne que la production varie d’une campagne à une autre.

Au cours de ces dernières années, le gouvernement, à travers des initiatives comme la production de contre saison a donné un coup de fouet à la production céréalière. Mais en tant qu’acteur de la filière, on s’interroge parfois sur la place du producteur dans le mécanisme de gestion de la sécurité alimentaire dans notre pays. Aussi, le marché céréalier est très mal organisé en ce sens que n’importe qui peut du jour au lendemain devenir acteur de la filière.

Ailleurs, pour devenir commerçant, importateur ou transformateur de céréales, il faut remplir certaines conditions. Le commerçant de céréales par exemple, doit avoir de bons entrepôts.
Mais ici au Burkina, même s’il faut entreposer les céréales dans la rue, sous le soleil, on vous accorde l’autorisation d’exercer comme commerçant dans le domaine des céréales. Beaucoup de choses restent à faire dans la filière céréalière afin qu’elle soit bien organisée. Mais en attendant, une chose est sûre, la filière céréalière est une filière porteur.

S. : Depuis la création du CIC-B, avez-vous l’impression que l’Etat vous soutient et qu’il vous accompagne dans tout ce que vous faites ?

S.D. : Le plan d’action céréale a été adopté en 2002. Une des recommandations du plan d’action était la création de l’interprofession qui regroupera l’ensemble des acteurs de la filière. Mais comme déjà dit, notre préoccupation majeure reste comment arriver à concilier les années de déficit céréalier et les années d’excédent céréalier. En 2004-2005, le prix des céréales a connu une véritable flambée suite au déficit. Cette année cependant, on est dans un contexte où les prix de céréales sont trop justes pour que l’acteur ne puisse pas rentabiliser son investissement. Notre préoccupation c’est de savoir comment concilier les moments de déficit et d’excédent au profit des consommateurs.

Pour le producteur, il ne s’agit pas de gagner beaucoup une année et ne rien avoir l’année d’après. Il s’agit plutôt de bâtir un plan de financement de son exploitation et espérer en retour des retombées plus ou moins constantes régulières et durables.

S. : En tant que professionnel de la filière céréalière, quelle est votre position vis-à-vis de l’agrobusiness prônée par les autorités du pays ?

S.D. : je suis d’avis que dans les pays développés l’agrobusiness soit une bonne chose compte tenu des mesures prises pour protéger les travailleurs contre toutes les formes d’exploitation. Dans notre contexte par contre, je ne suis pas convaincu que les ouvriers agricoles employés par les agrobusinessmen soient rémunérés conséquemment pour leur permettre de s’occuper de leur famille. Je ne crois pas que dans une situation où il y a beaucoup de pauvres en milieu rural, (au Burkina Faso, sur quatre pauvres, trois vivent en milieu rural), l’agrobusiness soit une solution contre la pauvreté de la majorité.

Je crois plutôt qu’on gagnerait à aller vers la consolidation de l’exploitation familiale. Lors de la journée nationale du paysan à Dori, nous avons été mis au courant de l’arrivée d’environ 700 tracteurs. Si ces tracteurs étaient mis à la disposition des groupements ou d’autres organisations de producteurs, ceux-ci travailleraient à accroître leur productivité.

Voilà des questions qu’il faille approfondir afin de mieux consolider l’assise de nos exploitations familiales. Dans un tel cas de figure tout le monde gagnerait à ce que ce ne soit pas le cas dans l’agrobusiness. Dans l’agrobusiness, je doute fort que l’exploitant agricole préoccupé par l’idée de faire de bonnes affaires, puisse bien traiter ses ouvriers afin qu’à leur tour, ils fassent vivre dignement leurs familles.

S. : Quel est le coût de production d’un kg de maïs, de mil ou de sorgho ?

S.D. : La maîtrise du coût de production est une des principales préoccupations de l’interprofession. Compte tenu de la fluctuation des prix des céréales, il serait bien qu’on ait des prix de référence. Et la maîtrise des coûts de production constitue une référence pour le producteur. Cela lui permet de savoir à quel prix il a produit et donc à quel prix il peut vendre sa production sans trop de spéculation.

Mais à l’heure actuelle le coût de production reste presqu’un mystère. Mais retenez cependant que d’une région à une autre, d’une production à une autre, selon qu’on soit grand, moyen ou petit producteur les coûts de production varient.
Le fait de ne pas maîtriser les coûts de production est un véritable handicap pour nous. Nos partenaires techniques et financiers n’ont de cesse de nous demander à quel coût nous produisons.

S. : Est-ce à dire qu’à ce jour vous n’êtes pas en mesure ne serait-ce qu’approximativement de dire à quel coût vous produisez ?

S.D. : Il y a tellement de paramètres non maîtrisés dans le processus de production en ce moment que nous ne pouvons donner une idée juste ou approximative de nos coûts de production.

S. : Le CIC-B entretient-il des rapports avec d’autres interprofessions des céréales dans la sous-région étant donné que le marché des céréales ne connaît pas les frontières ?

S.D. : Le mode d’interprofessionnalisation diffère d’un pays à un autre. Mais il existe des structures de producteurs, de commerçants et autres dans tous les pays de la sous-région.
Dans le cadre du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), les acteurs de la filière se retrouvent régulièrement pour échanger sur leurs préoccupations communes.

Le CIC-B s’est même rendu à un moment donné en France pour s’inspirer de l’organisation de l’interprofession française. Une des perspectives au plan local c’est d’œuvrer à ce qu’une loi soit votée pour les interprofessions. A l’heure actuelle, le CIC-B est régi par une loi qui, juridiquement, ne correspond pas tout à fait aux réalités d’une interprofession.

S. : Que faites-vous au niveau de l’interprofession pour la promotion de la transformation des céréales étant donné que cela peut être un autre moyen pour faciliter leur écoulement ?

S.D. : La transformation des céréales donne une valeur ajoutée à la production et à la commercialisation. La transformation des céréales peut constituer une bouffée d’oxygène pour la filière. Une grande capacité de production peut permettre d’éviter le pourrissement des céréales pendant les campagnes excédentaires. C’est un volet important malheureusement confronté à des difficultés. Le fait qu’à tout moment on peut passer d’une campagne excédentaire à une campagne déficitaire n’est pas pour inciter des opérateurs à s’investir dans la transformation.

Mais il reste qu’à travers le plan d’action céréale, des subventions ont permis d’acquérir de petits matériels de transformation au profit des transformateurs. Cependant, ce sont des matériels de faible capacité qui ne peuvent pas véritablement booster la filière. Néanmoins, s’il existe un collège de transformateurs dans l’interprofession, c’est la preuve que la transformation est pour nous une préoccupation.

S. : On assiste parfois à l’organisation de Bourses céréalières à travers le pays, le CIC-B est-il partie prenante de cette initiative ?

S.D. : Les Bourses céréalières constituent un carrefour où l’offre et la demande se confortent. Ce sont des rendez-vous qui offrent des opportunités d’affaires pour les acteurs de la filière. La dernière bourse céréalière en date dans notre pays est celle organisée par l’ONG Afrique verte à la Boucle du Mouhoun. C’était le 26 mars 2007 à Dédougou. Une des contraintes majeures de la bourse céréalière demeure la contractualisation des offres et des demandes. D’habitude, les gens préfèrent conclure les marchés oralement et cela ne laissent pas de traces. Il est donc difficile de mesurer l’impact réel des bourses céréalières.

Outre les bourses céréalières, le CIC-B de concert avec Afrique verte et le comité inter professionnel du riz organisent par moments des journées promotionnelles qui peuvent également tenir lieu de bourse en ce sens que c’est souvent l’occasion de mettre en contact l’offre et la demande, de nouer des relations d’affaires. Toujours est-il que nous ne sommes pas là aussi, capable de capitaliser l’ensemble des opérations qui se mènent en de pareilles occasions.

S. : Comment fonctionne le mécanisme de fixation des prix des céréales ?

S.D. : Le marché céréalier n’étant pas bien organisé, il y a une diversité de prix. A un premier niveau, le producteur a son prix. A un deuxième niveau, le collecteur se promène avec sa boîte de tomate pour acheter les productions même en petite quantité. Puis interviennent les grossistes qui achètent chez les collecteurs. Mais en général, ils s’intéressent aux appels d’offre ou à l’exportation. Tous ces intervenants contribuent à rendre difficile la gestion de la filière céréalière.

Chacun de ces intervenants tire un profit de son activité. Et au final, c’est le consommateur qui paie le prix fort. Si la filière était bien organisée, il y a des intervenants à certains niveaux qui doivent disparaître.
Il faudra pourtant en arriver à là un jour sinon le principal acteur qu’est le producteur ne tire pas grand chose de son labeur.

S. : Que pensez-vous de l’introduction des OGM dans l’agriculture burkinabè ?

S.D. : J’ai souvent pris part à des rencontres sur les OGM mais je retiens que sur le projet, les positions sont divergeantes. Pour l’introduction des OGM, il faut que les résultats de recherches soient partagées par l’ensemble des acteurs. Il nous faut savoir vers où on va. La position de l’opinion publique doit également être prise en compte. La question des OGM doit être gérée avec beaucoup de tact. On ne doit pas se contenter d’un ou de deux essais et s’engager sans réserve.

A l’heure actuelle, je puis dire que sur 100 producteurs, il n’y a qu’un seul qui sache réellement de quoi il s’agit quand on parle d’OGM. Je ne doute pas de la capacité scientifique ou visionnaire de nos autorités et de nos chercheurs, mais je suis d’avis qu’il faut une bonne maîtrise de tous les contours de la chose avant de procéder à sa vulgarisation. Il faut éviter de compromettre l’avenir des générations futures.

S. : Lors des dépouillements d’appels d’offres sur la fourniture de céréales, on se rend compte que la compétition n’est pas seulement ouverte qu’aux acteurs de la filière. Pouvez-vous nous éclairer sur cette situation ?

S.D. : Le 15 février dernier, j’ai assisté au dépouillement d’un appel d’offre de la SONAGESS. Parmi les postulants, il y avait des entreprises de construction de bâtiments, des entreprises de fournitures et mobilier de bureau, etc. Ces entreprises qui n’ont rien à voir avec la filière céréalière interviennent comme elles veulent dans le domaine. On ne sait plus où on va. Il va falloir mieux préciser à l’avenir les termes de référence des appels d’offre afin de n’autoriser qu’une compétition entre les acteurs réels de la filière. Dans le cadre du dialogue avec l’Etat, nous devons trouver des solutions à tous ces problèmes qui minent le développement de la filière céréalière.

Interview réalisée par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
(rabankhi@yahoo.fr)


Les fruits de la recherche sous-exploités au Faso

S’il y a un débat qui défraie la chronique ces derniers temps au Faso, c’est bien celui de la recherche. Selon certains observateurs, la recherche agonise au pays des Hommes intègres. Un avis que le délégué général du Centre national de la recherche scientifique et de la technologie, Basile Guissou ne partage pas. "

Nos chercheurs sont très productifs. Nous n’avons pas mal de résultats dans les tiroirs non encore exploités. Nos chercheurs publient dans les grandes revues scientifiques. Regardez les derniers résultats du CAMES. Nous avons fait un taux impressionant d’admis", rétorque M. Guissou lors d’un atelier de valorisation des résultats de la recherche dans le secteur agro-alimentaire, à ceux qui doutent des chercheurs burkinabè. L

e Premier ministre burkinabè est d’avis avec le patron du CNRST. "Vous faites des affirmations gratuites. Nous faisons beaucoup dans le domaine de la recherche et nos chercheurs cherchent et trouvent", a martelé le Premier ministre, Ernest Yonli, en réponse à un député lors du discours sur la situation de la Nation le 29 mars 2007. Le hic c’est que chercheurs et gouvernants restent convaincus que la recherche se porte bien. Pourtant, pour certains observateurs, les résultats des recherches ne sont pas visibles dans les supermarchés, les entreprises...

En réalité, la recherche au Faso souffre d’un transfert vers les populations. Ce n’est pas pour rien que la semaine dernière les chercheurs sont montés au créneau pour faire valoir les résultats de leurs recherches dans le domaine de l’agro-alimentaire... Une initiative salutaire d’autant plus que les résultats d’une recherche n’existent que par la vulgarisation.

Les chercheurs ont touché du doigt le mal de la recherche au Faso. Parmi les handicaps, il y a la non prise en compte des actions de valorisation dès la conception du projet, la faible implication des chercheurs dans les transferts et accompagnements des produits dans les entreprises. Les chercheurs ont même fait cas de l’inexistence d’un cadre juridique et des textes d’application relatifs au statut d’Etablissement public à caractère scientifique, culturel et technologique (EPSCT).

Vivement que la volonté politique et l’appel des chercheurs à l’endroit du secteur privé permettent une meilleure exploitation des fruits de la recherche.
Hamadou

Sidwaya

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