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Michel Noir, Ancien ministre français, ancien maire de Lyon : "Il faut un chevauchement des compétences en matière de décentralisation"

Publié le mercredi 21 mars 2007 à 07h56min

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Michel Noir

Présent à Bobo-Dioulasso dans le cadre du colloque national sur la décentralisation tenu du 18 au 20 février 2007, Michel NOIR a exposé sur les enjeux et stratégie de mise en œuvre de la décentralisation ; exemple de l’expérience française. A l’issue de cette communication nous l’avons rencontré.

Ancien ministre de France, ancien maire de Lyon que devenez-vous aujourd’hui ?

Michel NOIR (MN) : J’anime une équipe de chercheurs qui mettent au point des logiciels pour entretenir les capacités cérébrales des personnes qui avancent en âge. C’est un sujet très important dans nos vieux pays où avec l’allongement de la durée de vie, on essaye de maintenir en bon état le cerveau des personnes en concevant des logiciels qui permettent de stimuler les capacités cérébrales des personnes âgées.

Vous êtes à Bobo-Dioulasso dans le cadre du colloque national sur la décentralisation. Par rapport à ce que vous avez appris de l’expérience burkinabè en matière de décentralisation, quel commentaire pouvez-vous faire ?
(MN) : J’ai l’impression que le Burkina est allé beaucoup plus vite que la France puisqu’en 15 ans votre pays a mis en place un dispositif de décentralisation qui commence à se mettre en application ; nous en France on a mis 200 ans pour y arriver.

La deuxième remarque c’est que le bon choix a été fait de dire qu’il faut que ça soit simple et compréhensible pour les habitants et efficace au niveau des décisions à prendre. Il y a ces deux niveaux, (commune et région) ce qui est clair avec des élus locaux à ces deux niveaux et en face des représentants de l’Etat qui vont dialoguer et qui vont faire en sorte que dans le cadre des lois du Burkina, il puisse être exercé ces compétences par des élus locaux.

Ce qui est un progrès tout à fait extraordinaire. J’admire le Burkina sur ce plan puisqu’en France on a mis beaucoup de temps. Les premières lois de la décentralisation en France datent de 1982-1983 alors que le processus existe depuis belle lurette.

C’est vrai que nous sommes sur la bonne voie, mais les difficultés ne manquent pas, surtout la cohabitation entre représentants de l’Etat et élus locaux. Comment la France a-t-elle géré ces genres de problèmes ?

(MN) : Il y a des sujets sur lesquels il est utile qu’on se mette à plusieurs niveaux de collectivités compte tenu de l’ampleur du projet. En ce moment on parle de chevauchement de compétence.
Quand par exemple on conduit un métro à Lyon, il est évident que la ville de Lyon, la commune urbaine de l’ensemble de l’agglomération lyonnaise, le département du Rhône, la région Rhône-Alpes et l’Etat mobilisent des ressources, additionnent ces ressources pour qu’un équipement qui est aussi lourd et coûteux puisse être réalisé. L’idée c’est que quand il y a des grands projets il est normal qu’il y ait des compétences qui vont s’ajouter pour être capables de faire face à l’ampleur du projet. En revanche, je ne sais pas si c’est le cas au Burkina, en France parfois entre départements et villes il y a des chevauchements.

Par exemple la protection de l’enfant ou dans le domaine scolaire, ce qui est un peu plus compliqué aux yeux des habitants. Mais nous avons beaucoup de strates (de niveaux) de décentralisation. Vous avez été beaucoup plus efficaces en choisissant deux et là vous avez eu raison.

Le président du Faso est un grand partisan de la coopération décentralisée. Il se déplace régulièrement en France profonde à la rencontre des amis du Burkina profond.
Croyez-vous que ce genre de partenariat puisse être profitable aux populations à la base ?

(MN) : L’exemple a plusieurs centaines de cas, c’est celui des coopérations qui existent entre la ville de Saint-Etienne et Bobo-Dioulasso, la ville du grand Lyon et Ouagadougou...

On pourrait énoncer comme ça des dizaines et des dizaines d’exemples où des communes où des régions (la région de Hauts-Bassins avec la région Rhône-Alpes en France) où on voit un effort qui est fait en commun ; c’est très efficace parce que c’est concret ; c’est sur un projet précis qu’on sort une école, qu’on réalise tel ou tel équipement... C’est une bonne manière de faire ; je pense que c’est vraiment la bonne voie. Les Français ont une responsabilité à aider des partenaires a fortiori en Afrique et au Burkina parce que c’est défini dans les finances.
Les communes, les départements où les régions ont de l’argent pour le faire, autant aider nos amis ici.

En France, on remarque qu’au niveau du pouvoir central, notamment pour la présidence de la République, l’alternance est beaucoup plus régulière qu’au niveau des collectivités locales où certains maires sont régulièrement élus pendant plus de 20 ans parfois. Qu’est-ce qui explique cela ?

(MN) : Quand les habitants sont satisfaits du travail que fait leur maire, ils leur réélisent 6 ans plus tard.
C’est comme ça que des maires ont été réélus plusieurs mandats de suite. Est-ce que c’est utile ou pas ? Dès l’instant où ce sont les habitants qui choisissent à travers l’élection en quoi ça pourra être critiquable. C’est vraiment l’électeur qui a le pouvoir de décider s’il veut le garder ou s’il veut le remplacer.

Quand on parle de Lyon, on pense aussi à son équipe de football qui depuis un certain temps règne en maîtresse sur la ligue 1 française. Est-ce que la performance de l’OL a des retombées sur la commune de Lyon ?

(MN) : Bien sûr ! La médiatisation que représente par exemple la participation de Lyon depuis 5 ans à la champion’s league aide beaucoup à faire connaître Lyon dans tous les pays européens et même au-delà. En me posant cette question c’est parce que vous savez que Lyon est en ce moment en tête du championnat ; vous voyez les matchs à la télévision. Cela aide beaucoup au développement d’une ville, au rayonnement d’une ville, indéniablement.

En collaboration avec la ville de Bobo, votre voisin Saint-Etienne est en train de créer un centre de formation de football qui sera basé ici...

(MN) : C’est une belle initiative qui a été prise par les autorités de Bobo-Dioulasso et nos amis de Saint-Etienne. Ils se sont dits qu’ils vont bâtir ensemble un centre de formation pour faire en sorte que tous les jeunes qui jouent au football dans la rue puissent demain d’abord réussir leur vie en conduisant une scolarité ; c’est le premier élément du projet qui est de suivre une scolarité et en même temps développer le talent de footballeur potentiel pour peut-être en faire des footballeurs, voire des footballeurs professionnels. Mais d’abord et avant tout, ils auront reçu une instruction et ils auront en leur main la possibilité de réussir dans leur vie parce qu’ils auront appris un métier.

Les élections françaises pour désigner le président de la République c’est pour bientôt ; pour qui allez-vous voter ?

(MN) : Je me garderai bien de le dire parce que par principe on ne s’exprime pas sur ce sujet quand on est à l’étranger. C’est une vieille tradition française. Mais chacun sait en France quelles sont mes préférences. J’ai été élu gaulliste pendant 25 ans, on imagine bien que j’ai quelques faveurs pour le candidat Nicolas SARKOZY.

Par Drissa KONE
Bobo-Dioulasso

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