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Conférence des Procureurs : Vérités, contrevérités, non-dits et clairs-obscurs

Publié le lundi 29 janvier 2007 à 07h50min

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Le procureur, nous a-t-on accoutumé, est un personnage, qui traque les malfrats, les délinquants. C’est lui qui veille sur la société et qui poursuit toute infraction qui vient à se commettre. Il est en quelque sorte le « méchant ». Comme un chien-policier, il hume et suit la moindre odeur, qui peut le conduire au criminel. La mission du procureur consiste à rechercher et à faire rechercher l’existence d’infractions et d’en poursuivre leurs auteurs que ce soit des contraventions, des délits et des crimes.

Dans ce cadre, il contrôle l’activité de la police judiciaire pour les enquêtes de délits flagrants. Il ordonne des enquêtes préliminaires pour les affaires non flagrantes ou décide d’ouvrir une information par la saisine d’un juge d’instruction, notamment en matière de crime ou de délits complexes. En ce sens le procureur joue et possède un rôle éminemment important dans les dossiers criminels et plus particulièrement dans celui de Norbert Zongo.

Dans notre dernière édition, nous nous questionnons si le non lieu résistera à Moïse. La conférence de presse donnée par les procureurs le jeudi dernier est venue donner une réponse significative. Du reste, il n’y a rien d’étonnant à cela lorsqu’on sait que le procureur du Faso, El Hadj Adama Sagnon entend par éléments nouveaux pour rouvrir le dossier Norbert Zongo, des portraits robots ou des empreintes digitales, c’est-à-dire, somme toute des éléments dont il est sûr que neuf ans après le crime de Sapouy, il a toutes les chances de ne jamais en avoir. Cependant, cette conférence de presse était intéressante à plus d’un titre.

En effet, cela a permis au procureur d’affiner encore plus les éléments qu’il lui fallait. Cette fois-ci, il dit qu’ « il faut des éléments de police scientifique et technique pour décider.

Pour moi, et ça fait rire, d’autres personnes, lorsqu’on a des tests ADN, lorsqu’on a des traces pneumatiques, par rappor,t on disait qu’il avait une 4x4 qui était là, si on avait pu remonter à certaines empruntes digitales, cela allait être bien. Si on avait des mégots de cigarettes, en tout cas des preuves irréfutables pouvant remonter à certains auteurs (...) parce que si on a des empruntes digitales, c’est pour vous seul. On fait venir des gens, on les confronte à leurs empreintes, c’est ces genres de preuves que moi je veux ».

A l’école primaire élémentaire, on nous a appris qu’avec « si », on peut mettre Paris dans une bouteille et cela laisse à croire que c’est cette même intention qui préside à cette « scientificité » et à cette « technicité » neuf ans après le crime.

A l’époque, le Parquet ne s’est-il pas déporté sur les lieux plus précisément le 14 décembre 1998 ? Ne savait-il pas l’existence de tous ces « si » ?
Bref, nous disions plus haut que cette conférence était fort significative. En effet, elle permet de ressortir un certain nombre de points intéressants.

Selon le procureur général, El Hadj Abdoulaye Barry, « Il (ndrl : Moïse) a fait une déclaration de 12 pages devant le procureur du Faso. Le contenu des déclarations est pratiquement le même que ce que nous avons lu dans le journal, puisqu’il avait déjà fait son interview dans l’Événement. »
On peut donc retenir que monsieur Moïse est constant dans ses propos.

Moïse a dit qu’il a rencontré M. François Compaoré par deux fois. Ce que ni François Compaoré, ni Dieudonné Sebgo n’ont contesté selon le procureur du Faso El Hadj Adama Sagnon. Toujours dans le même registre, François Compaoré aurait dit que c’est par humanisme qu’il aidait Moïse et Dieudonné.

Et pourtant, Tiémoko Kéïta dans son intervention le 10 janvier dernier dit : « ... Je lui ai demandé comment je pouvais les aider. Il a dit qu’il voudrait de l’argent non seulement pour ouvrir un kiosque pour sa femme mais aussi pour survivre. Je leur ai dit si c’est la raison qui les a conduits chez moi, je ne peux pas dire que je peux leur donner de l’argent. Je leur ai dit de rédiger une demande pour que je remette à qui de droit. S’il peut les aider, il le fera. ». L’animateur Sidnaaba le relance : Ils sont venus vous voir parce que vous êtes le secrétaire de François Compaoré. Dans son entretien, il parle d’enveloppes qu’on leur donnait. Combien de fois avez-vous remis des enveloppes aux jeunes ?

Keïta : Il faut le leur demander. Depuis qu’ils ont envoyé leur demande, ils n’ont pas encore eu de réponse. Je pense que c’est ce problème qui fait que j’ai mon nom cité. Sinon, je ne leur ai donné aucune enveloppe. Ce que je leur ai donné vient de moi. Il est venu une fois pour me demander quelque chose pour fêter la Noël. Je lui ai donné un sac de riz et une somme d’environ 20 000 F.

Et pourtant ladite demande semble pourtant avoir été agréé puisque « par humanisme » François les aidait. Pourquoi donc monsieur Keïta veut-il dissimuler ce que son patron lui même reconnaît ?

Moïse a dit que le 13 décembre à 18h 30, lui et son cousin auraient rencontré un certain Lonfo, leur chef de section qui leur aurait dit : « vos gars ont assassiné Norbert ». Son cousin Dieudonné Sebgo affirme que c’est le 14 décembre 1998 au même lieu et à la même heure. Cela rappelle cette curieusement, cette autre histoire d’un certain Yaméogo Racine qui en savait des choses sur un certain 13 décembre 1998 et a fini par mettre du vin dans ces propos.

Selon toujours El Hadj Adama Sagnon, le DG de FASOPLAST, Mahamadi Sannoh lui a fait savoir que c’est par l’intermédiaire de François Compaoré qu’il a recruté Dieudonné Sebgo et par la suite Moïse Ouédraogo.

C’est tout de même édifiant. Chronologiquement, tout ce que Moïse Ouédraogo a dit se tient même si sur des points tels que ses échanges avec François Compaoré sont contredits par ce dernier et par Dieudonné Sebgo ; les propos avec le DG de FASOPLAST sont contredits par ce dernier.
Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, toutes ces rencontres ont eu tout de même lieu. A priori donc, autant on suppose que Moïse aurait agi par vengeance, pourquoi ne veut-on pas fait la même supposition à l’endroit de Dieudonné Sebgo qui aurait tout aussi bien pu contredire son cousin pour ne pas se créer des problèmes ne serait-ce qu’en perdant son boulot ?

Qu’on se le dise, le procureur du Faso El Hadj Adama Sagnon a une manière très particulière de mener ses investigations. En matière de crime, aucun élément aussi petit qu’il soit, aussi insignifiant qu’il puisse paraître à, première vue, ne saurait être négligé pour la manifestation de la vérité. Ainsi donc, le choix de ne pas entendre Moussa Kaboré, M. Sanson Sanou, l’aide de camp de François Compaoré , M. Tiémoko Kéïta et Malick Sidibé semble tout de même curieux.

En effet, M. Kaboré est formel. Il a enregistré sur une cassette M. Moïse et Dieudonné, cassette qu’il dit avoir remise à M. Tiémoko Kéïta et d’ajouter que le contenu de cette cassette est ce qui a été révélé dans le journal L’Evénement. Si cela est pas vrai, comment se fait-il que M. Dieudonné Sebgo qui a été enregistré en son temps, donc qui aurait dit et partagé avec Moïse les mêmes assertions, soit le même qui nie aujourd’hui en partie ses assertions ? Voilà pourquoi il aurait fallu entendre M. Kaboré et M. Kéïta.

Quant à M. Sidibé, ne dit-il pas dans ses propos sur la radio Savane FM le mercredi 10 janvier 2007 qu’il payait de son propre chef, le loyer de nos deux protagonistes ? Aujourd’hui, on sait que cela n’est pas fondé. En tant que directeur de FASOPARC à l’époque, il le faisait sur des directives bien précises. Alors pourquoi aujourd’hui de telles contrevérités ?

Moïse dit-il la vérité ou pas ? Cela aurait mérité une investigation plus poussée, car il semble rester beaucoup de non-dits et de zones d’ombre.
Si on rattache cela au dossier Norbert Zongo, bien obligé est-on de retenir que Moïse sans pointer un doigt accusateur sur un certain nombre de personnes citées, dit qu’ils savent qui a tué Norbert Zongo. Et cette affirmation est si importante qu’on ne saurait se contenter aussi facilement d’aide humanitariste ou de recommandations d’embauche comme réponse satisfaisante.

En vérité, avec ces fameux tests d’ADN, les empreintes digitales, les portraits robots, il serait fort étonnant que même si on amenait une cassette vidéo de l’holocauste de Sapouy en live, on ne trouve pas que ce soit une preuve insuffisante. Nous ne le répéterons jamais suffisamment, quelle que soit la gymnastique intellectuelle, quel que soit l’abus d’autorité, l’affaire Norbert Zongo est là comme le teck de Pabré et restera un dossier à résoudre.

Par Pabeba Sawadogo

Bendré

P.-S.

Lire aussi :
Affaire Norbert Zongo

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