LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Dossier Norbert Zongo : Ainsi donc, c’est lui, François Compaoré... qui attrait L’Evénement en justice !

Publié le mardi 2 janvier 2007 à 07h41min

PARTAGER :                          

L’année 2007 commence pour L’Evénement par un procès en diffamation. Ce n’est pas une perspective souhaitable, mais c’est le lot de tout journal qui fait son travail.

Un matin, nous sommes réveillés par des coups de fils des amis très inquiets qui demandent tous à nous voir prestement. Depuis que nous sommes dans ce métier, ces genres de sollicitations ne manquent pas. Mais cette fois il s’agissait quand mêmed’amis très importants. Nous prenons donc rendez-vous. Certains sont si effrayés, qu’ils demandent que nous entourions l’entrevue de toutes les précautions possibles, convaincus qu’ils étaient que nous devons être très "fliqué" en ce moment.

Les rendez-vous sont pris avec d’infinies précautions. Et tous nous disent la même chose. Ecoutes "Newton, nous ne savons pas exactement ce qui se trame, mais nous avons appris que François Compaoré et ses conseils Maîtres Ouatttara et Abdoul Ouédraogo se sont réunis et ils sont entrain de tramer quelque chose contre toi. Essayes de te renseigner, mais nous avons terriblement peur". Un de mes amis me conseille même de quitter discrètement le pays, parce que avec ces gens là on ne sait jamais.

Evidemment pour nous, il n’est pas question de quitter le pays. Et de toute façon avec les moyens qu’il a est-ce que nous pouvons échapper à François Compaoré, s’il décide quelque chose contre nous ? Non évidemment ! Mais nous essayons d’imaginer ce que nous avons pu faire qui puisse conduire François Compaoré à tramer quelque chose contre nous.

Nous pensons tout de suite à nos écrits. Et notamment au dernier Evénement dans lequel nous sommes revenus sur ce que nous considérions, comme les aspects bizarres de l’affaire Norbert Zongo. Notamment que tous ceux qui avaient œuvré dans l’intérêt du pouvoir s’étaient vus promus, tandis que tous les autres n’ont eu de cesse d’avoir des problèmes, surtout quand ils sont de l’administration publique. Nous avions également évoqué le fait que François Compaoré personnellement aurait eu à rencontrer et à faire entretenir les cousins " rebelles " de David Ouédraogo, alors le frère direct de ce dernier, Arthur Ouédraogo n’avait eu droit au même traitement.

Quand nous avons été informé du projet de François Compaoré contre nous, nous avons pensé particulièrement à cette affaire des cousins de David, puisque depuis un certain temps visiblement, ces derniers seraient remontés contre leur bienfaiteur qu’ils accusent de ne pas avoir totalement rempli ses promesses. Et comme ils ne sont pas dupes, ils semblent s’être donné les moyens de perturber François Compaoré. Nous nous sommes alors demandé est-ce que c’est pour savoir jusqu’où nous sommes au courant de cette affaire, que le "petit président" veut entreprendre quelque chose contre nous ? Mais en même temps, nous nous sommes dit que si c’est pour ça, c’est déjà trop tard. Le mal est déjà fait.

Et puis voilà, quelques jours après, un huissier est venu nous servir, la citation pour répondre plutôt d’un autre article paru dans L’Evénement n° 102, pour lequel nous avions mis François Compaoré à la Une. Une "Une" qui renvoyait à un dossier de trois articles tous incriminés par la citation. Pour éviter naturellement de tomber sous le coup de la loi, nous n’avons pas le droit de reproduire les parties incriminées par la citation. Nous renvoyons donc le lecteur à L’Evénement N° 102 dont la Une était "Affaire Norbert Zongo, Ainsi donc c’est lui !", avec la photo de François Compaoré en manchette.

Ce dossier faisait suite à la requête de RSF, pour tenter de rouvrir le dossier Norbert Zongo, qui depuis le "non lieu" du juge Wenceslas Ilboudo est déposé au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Ce dossier est déposé, mais non enterré, comme n’a eu cesse de répéter le procureur général Abdoulaye BARRY. C’est prenant au mot les autorités judiciaires burkinabè, que RSF a pris l’initiative d’introduire sa requête.

Le dossier incriminé consistait donc, comme nous avons l’habitude de le faire, de rendre intelligible pour nos lecteurs la démarche de RSF. Et à ce propos nous écrivions ce qui suit : "...pour celui qui suit l’affaire Norbert Zongo, la mise en cause de François Compaoré coule de source. Le dernier acte de Reporters sans frontières (RSF) a seulement le mérite de ne plus continuer à tourner autour du pot et a pour intention de contraindre la justice à reprendre le dossier par le bout des commanditaires et non des exécutants." La réaction épidermique des procureurs, qui ne s’attendaient pas à cette "vacherie" de RSF, montre que la justice ne permettra pas la mise en cause de François Compaoré de quelque façon que ce soit.

Au début, la procédure avait été engagée par le bout des exécutants, dans l’objectif de remonter jusqu’aux commanditaires. Il en avait été ainsi dans le dossier David Ouédraogo (...) Avec le dossier Norbert Zongo, on a procédé de la même façon. L’inculpation de Marcel Kafando, exécutant, aurait dû conduire à circonscrire les choses à l’exemple du dossier "David".

Mais il faut croire qu’un grain de sable s’est glissé dans la machine. Les exécutants auraient-ils décidé, cette fois, de ne pas prendre sur eux un crime qui les conduirait droit à la potence ? On peut le penser en considérant les propos de Marcel Kafando confiés en "off" au juge d’instruction Wenceslas Ilboudo.

Marcel Kafando aurait dit en effet, que "C’est une affaire de militaires...mais ce sont des civils qui sont derrière" Qui sont donc ces civils qui sont derrière ? Mais plus précisément, qui sont ces civils qui peuvent commander à la garde présidentielle ? Si on se réfère à l’affaire David Ouédraogo, François Compaoré serait un de ces civils, puisqu’il a déjà commandé au chef de la Sécurité rapprochée du chef de l’Etat, de retrouver les auteurs de vols de numéraires chez lui.

Ensuite, il y a eu les dépositions du sergent Naon. Il affirme avoir parlé avec François Compaoré de l’affaire Norbert Zongo et ce dernier ne l’aurait pas apprécié. Et pour lui, c’est de là que datent les déboires qui le conduiront dans un premier temps à être éjecté de la garde présidentielle et ensuite à lui ouvrir les portes de la prison..." Voilà les éléments d’analyse que nous donnions à nos lecteurs pour leur permettre de comprendre la démarche de RSF. On sait depuis, la réponse des procureurs à cette requête.

Comment expliquer la démarche de François Compaoré ? De prime abord, il faut saluer l’initiative, puisque cette fois, en tant que citoyen, il a décidé d’exercer son droit. Et nous lui en savons gré pour cela. Quand nous écrivons que la devise de L’Evénement c’est "L’Information est un Droit", nous admettons implicitement le devoir de rendre compte de ce que nous écrivons. C’est pourquoi nous sommes reconnaissant à monsieur François Compaoré, d’avoir choisi de recourir à la justice pour demander réparation.

Ensuite, est-ce que cette démarche est dictée par la volonté de François Compaoré, après le " non lieu " qui signifie dans la réalité enterrement du dossier Norbert Zongo, de contraindre la presse à ne plus évoquer sa responsabilité supposée dans les affaires David et Norbert Zongo ?

A ce propos, en introduisant une procédure contre L’Evénement et en obtenant la condamnation de ces principaux responsables par le tribunal de grande instance de Ouagadougou, il les obligerait à se taire et du même coup effrayerait les autres journalistes. Si c’est cette démarche qui est choisie, on peut déjà voir ses limites. C’est fort possible que le parquet demande et obtienne l’incarcération des deux responsables de L’Evénement.

Le procureur Sagnon n’avait-il pas déjà, dans un accès de colère, alors que nous avions écrit un article mettant à nu les pratiques dans son parquet, menacé de nous faire enfermer ? Mais est-ce pour autant que l’on cessera de citer François Compaoré dans l’affaire Norbert Zongo ? Cela nous parait illusoire.

Mais plus largement, cette action en justice contre L’Evénement, nous parait être un prélude pour préparer l’entrée en "politique active" de François Compaoré. Le premier acte de cette démarche est justement le fait que cette année, c’est le même François Compaoré qui est pressenti pour parrainer l’USSUBF, le Sport scolaire. Et justement la décision du ministère des Sports, décision très louable, de téléviser et de faire diffuser sur notre télévision nationale les moments forts de ces compétitions des plus petits.

Ce sera donc incontestablement une excellente tribune pour monsieur François Compaoré qui cette fois sûrement et au regard de ce qui s’est passé au dernier congrès du CDP, va certainement mettre les pieds dans le plat. Une éventuelle candidature aux législatives prochaines de François Compaoré n’est plus un secret pour personne. Surtout au regard de l’intense activité des "ABC" ces derniers temps. La bataille politique pour les législatives est engagée.

Et surtout la bataille pour occuper le perchoir de l’Assemblée Nationale. En raison des dispositions de notre constitution, l’occupant du perchoir de l’Assemblée Nationale est de droit dauphin constitutionnel du chef de l’Etat. Or, comme nous l’avons régulièrement écrit, il nous paraît que l’après Blaise Compaoré n’est plus un tabou. Pour le dire, le même François Compaoré avait mis en avant, un certain Yonli, qui a nouvellement rejoint son clan. Mais ce dernier s’est heurté à une telle résistance, qu’il ne chercherait plus rien d’autre qu’une porte de sortie honorable. Il ne reste plus à François Compaoré lui-même désormais que d’évoluer à visage découvert. C’est ce qu’il va faire aux prochaines législatives. Les prémices sont déjà très claires.

Dans la perspective des remous inévitables dans la confection des listes du CDP, les "ABC" sont actuellement besogneuses pour trouver dans un premier temps, les meilleurs candidats à placer sur la liste CDP et à défaut voir comment placer d’autres camarades sur d’autres listes. Mais la seule ombre au tableau, reste tout de même cette affaire Norbert Zongo.

La justice a momentanément circonscrit la procédure, il reste maintenant à obtenir de la presse qu’elle n’en fasse plus cas. En tout cas qu’elle laisse François Compaoré tranquille. C’est l’un des objectifs du procès contre L’Evénement. Il n’est pas impossible que François Compaoré gagne le procès. Mais cela contraindra t-il forcement la presse au silence ?

C’est inimaginable. C’est possible que les journalistes au niveau national, par diverses intimidations, en viennent à s’auto censurer. Mais au niveau international, le nom François Compaoré sera chaque fois évoqué, lorsqu’on parlera du dossier Norbert Zongo. A moins qu’un procès juste et équitable ne vienne établir son innocence. Pour l’instant ce n’est pas le chemin qui est pris.

Par Newton Ahmed Barry


Saga sur la presse

La famille présidentielle burkinabè semble avoir décidé de mettre la presse sous contrôle. Notre confrère "Le Citoyen" qui a eu des informations très précises sur la volonté du ministre du Commerce de tailler un monopole sur l’exportation des Cuirs et Peaux, pour la belle mère nationale "Alizeta Gando", a fait un article qui lui a valu les foudres de la Belle mère.

Que dit cet article ? En substance, notre confrère écrit que "...par lettre confidentielle, le ministre du Commerce, Benoît Ouattara a saisi son homologue des Finances pour lui expliquer la nécessité de protéger la filière peaux et cuirs. Mais de la filière, il s’agirait précisément de la Société TAN ALIZ qui aux dires du ministre, ferait face à des problèmes de compétitivité et d’exportations frauduleuses de peaux brutes qui la prive de sa matière première... A ce propos, suggère Benoît Ouattara à son homologue Jean Baptiste Compaoré, il est opportun de protéger notre tissu industriel et renforcer cette entreprise (TAN-ALIZ) par l’établissement d’un duo opérationnel avec le ministre des Finances et du Budget. A ce propos, la Coordination de la lutte contre la fraude devrait être instruite pour mener une enquête sur les exportations illégales de peaux brutes. Une activité qui sera menée avec la douane nationale sur financement de la société TAN ALIZ ".

Après la parution du journal, la belle mère n’aurait pas apprécié et aurait tenu à le faire savoir à notre confrère. En voici les bribes de cette chaude conversation avec la belle mère. Propos rapportés par notre confrère : " Yacouba (c’est le prénom de notre confrère du Citoyen NDLR), je pourrais être ta mère, je ne te veux aucun mal...Je te laisse avec cette journée de dimanche, je te laisse avec la terre de Ouagadougou, je te laisse avec Gaoa. Si tu ne sais pas ce que c’est Gaoa, renseigne toi à Kaya".

C’est vraiment dommage, que la belle mère ne puisse pas se maîtriser. Mais en réalité dans cette affaire c’est le gouvernement burkinabè qui est fautif et non la belle mère, même si l’injustice lui profite. Les autres Burkinabè exportateurs des peaux et cuirs ont aussi droit à la protection de l’Etat.

Si les collecteurs ne vendent pas directement à TAN ALIZ, c’est tout simplement parce qu’elle ne propose pas des prix rémunérateurs. Or, tant que ce sera comme ça, l’Etat peut prendre toutes les mesures, il n’arrêtera pas la fraude. Elle va devenir plus pernicieuse, elle ne disparaîtra pas.

Mais il faut seulement rappeler que déjà, en 1994, l’Etat avait déjà pris une mesure semblable en faveur de TAN ALIZ. C’était sous le ministre Talata Dominique Kafando. En son temps aussi,la presse en avait parlé. Mais à l’époque la belle mère était à ses débuts et n’avait pas l’assurance qu’elle a aujourd’hui. Mais il faut savoir qu’une injustice est une injustice, même quand elle vous profite.

NAB

L’Evénement

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina/médias : BBC et VOA suspendus pour deux semaines