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FFS : "La misère des opposants conduit à des compromissions"

Publié le mercredi 15 novembre 2006 à 07h49min

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Une délégation du Front des forces sociales (FFS) conduite par son président, Nestor Batio Bassière, a rendu une visite de courtoisie aux Editions "Le Pays", le mercredi 8 novembre dernier. A cette occasion, le remplaçant de Norbert Tiendrébéogo a bien voulu répondre aux questions de la rédaction sur les démissions au sein de son parti, les prochaines élections législatives, les problèmes rencontrés par les sankaristes et l’opposition burkinabè, etc.

Le Pays : Dans quel cadre placez-vous votre visite aux Editions "Le Pays" ?

Nestor Batio Bassière : Je voudrais tout d’abord, au nom de la direction et de l’ensemble des militants du FFS, vous présenter nos condoléances pour la disparition de votre collègue , feu Alassane Kogoda Ouédraogo. Cela dit , c’est une visite de courtoisie parce qu’il est de notre devoir de savoir comment la presse travaille. Nous voulons surtout vous remercier pour le travail abattu aux côtés des partis politiques parce que nous sommes des partenaires. Je suis accompagné par deux camarades, à savoir Drissa Komo, 1er vice-président et Alexandre Sankara, secrétaire général.

En tant que nouvelle direction du FFS, quels sont les chantiers auxquels vous allez vous atteler ?

Au congrès tenu à Bobo Dioulasso, la nouvelle équipe a pris l’engagement de travailler à implanter véritablement le parti sur l’ensemble des 45 provinces. Il faudra renforcer notre capacité sur le terrain pour aborder les législatives 2007 avec plus de sérénité.

Comment appréciez-vous justement les démissions qu’a connues le FFS ?

C’est vrai, des camarades sont partis. Mais, pour nous aujourd’hui , l’essentiel a été sauvé. Au congrès, la majorité a triomphé et le nouveau bureau a été mis en place. Mieux, nous avons eu des adhésions.

De quel type de sanakarisme se réclame le Front des forces sociales ?

Au FFS, depuis 10 ans, nous avons une ligne directrice par rapport au sankarisme. Il ne s’agit pas de dire qu’on est sankariste alors qu’on travaille contre les intérêts du peuple. Comme l’a dit le capitaine Thomas Sankara, il faut vivre avec les masses

Drissa Komo :

Il y a certaines valeurs cardinales que Sankara incarnait de son vivant : l’honnêteté, le sens du sacrifice, le don de soi. Le FFS est né du constat qu’il y avait beaucoup de personnes sérieuses qui se réclamaient de l’idéal de Thomas Sankara. Et nous avions créé le comité de réflexion et d’action pour l’unité des sankaristes. Mais des querelles de personnes empêchaient cette unité. Parmi les sankaristes, nous sommes taxés de rigides et de radicaux. Mais, en réalité, ce n’est que la constance dans la défense de notre idéal. Les préoccupations de type pécuniaire ne nous intéressent pas.

On vous reproche de n’avoir pas pu capitaliser la traversée du désert de Norbert Tiendrébéogo dans la perspective de la présidentielle....

Nestor B. Bassière : Après la sortie de prison du camarade Norbert Tiendrébéogo, nous avons eu énormément de problèmes au sein de l’opposition. On a refusé de reconnaître la valeur intrinsèque de certaines personnes. Pour nous, le cas Norbert Tiendrébéogo devait être capitalisé pour être profitable à toute l’opposition. Mais, tout le monde n’a pas vu cela ainsi. Certains ont même travaillé à salir l’image du président, ce qui fait que nous avons eu plusieurs candidats à la présidentielle passée. Nous avons demandé aux autres de soutenir Norbert Tiendrébéogo mais ils n’ont pas voulu le faire. Et les résultats sont là : si on était allé en rangs serrés, on aurait pu engranger plus de voix.

Qu’est-ce qui explique l’incapacité de l’opposition burkinabè à s’unir ?

Drissa Komo :

L’opposition burkinabè est fortement misérable en termes financiers. Et cette misère des dirigeants et des structures conduit facilement à des compromissions avec le parti au pouvoir qui a pratiquement tous les moyens. La politique est donc devenue un fonds de commerce pour certaines personnes. On crie sur les toits, et on attend d’être appelé quelque part pour recevoir quelque chose.

Justement, n’est-ce pas l’argent qui a divisé les sankaristes, notamment depuis le don de millions de francs fait à une époque donnée par Mariam Sankara, la veuve de Thomas Sankara ?

Je suis d’accord avec vous. Ce péché originel nous poursuit jusqu’aujourd’hui. Le FFS est né après la déception de certains camarades qui étaient au MTP de Nayabtigungu Congo Kaboré. On a donc créé le CROS, pensant surmonter tout cela. Pour l’unité des sankaristes aujourd’hui, il faut attendre que le fruit soit mûr. Si nous nous précipitons pour créer un cadre, l’autre camp va monter aussi son sankarisme. Ce label n’est pas la propriété de quelqu’un. N’importe qui peut sortir du CDP , se proclamer sankariste et on va le soutenir à coup de millions dans le seul but de discréditer ceux qui pensent réellement que la lutte vaut la peine d’être menée.

A vous entendre, vous êtes fataliste. Avez-vous espoir...

On pourrait effectivement penser que c’est un rêve, au regard de la triste réalité que nous voyons sur le terrain. Nous ne sommes plus seuls à rêver car le nombre de rêveurs s’est multiplié. Nous sommes taxés de radicaux parce que nous avons su rester fidèles à notre logique et à nos principes. Je pense quand même que nous sommes optimistes. Au sein du parti au pouvoir, cette façon peu catholique de gérer la destinée du peuple de manière impunie ne peut pas continuer. A un moment donné, il faudra revoir les choses.

Le FFS ne se sentira -t-il pas, un jour, marginalisé vu les alliances qui se font entre les partis sankaristes, la dernière en date étant celle du FDS de Fidèle Kientéga et de l’UNIR/MS de Me Sankara ?

Au FFS, nous nous sommes dit que l’unité ne doit pas être mécanique. Il faut vraiment que les gens se préparent parce que nous avons toujours travaillé pour l’unité. Mais quand nous nous sommes rendu compte, à un certain moment, que la CPS que nous voulions mettre en place n’était pas celle que les autres attendaient, nous avons vu le danger à l’avance et nous avons proposé d’attendre, de prendre un peu de temps encore. Les gens ont refusé, ils ont créé la CPS. Il ne s’agissait pas de faire l’unité d’un parti pour quelqu’un. Lorsqu’on va parler de l’unité des sankaristes, il faut que ce soit un parti pour toujours et non de deux ou trois. Pour cela, il faut qu’on prenne le temps. Au début, on ne définit pas les bases de cette unité et c’est pourquoi on se retrouve toujours dans de telles situations.

Quelle appréciation le FFS fait-il du non-lieu dans l’affaire Norbert Zongo ?

Par rapport au non-lieu, nous avons, au sein du G14, pris des décisions ensemble en tant que regroupement. Le dossier Nobert Zongo ne sera pas enterré. Nous croyons toujours à la réouverture du dossier et nous allons nous battre pour cela en changeant de méthodes. Personnellement, je pense que c’est sous la pression que nous avons écrit certains articles et jusque-là le pouvoir ne réagit pas. Nous allons donc essayer d’autres méthodes pour contraindre celui d’en face à revoir les choses par rapport aux dossiers de Norbert Zongo et de Thomas Sankara.

Pourquoi le président sortant Norbert Tiendrébéogo n’a-t-il pas renouvelé son mandat à l’image de certains dirigeants qui modifient les textes pour conserver leur fauteuil ?

Dans nos textes, le président est élu pour trois ans et ne peut remplir que deux mandats. Norbert Tiendrebéogo avait fait six ans, et était en fin de mandat. Il fallait donc respecter le principe. Nous avons prévu de relire nos textes pour dire que ce que nous avons prévu doit être fait. Il l’a accepté et au congrès, il a cédé son fauteuil à un autre camarade. Pour combattre celui d’en face, il faut que nous-mêmes nous servions d’exemple. Il pouvait modifier les textes au congrès et redevenir président. Sur ce plan, nous l’avons salué et c’est aux journalistes de dire qu’il faut cela au sein des partis. Un parti ne se résume pas à une personne. Il faut donc permettre l’alternance pour former d’autres cadres qui seront appelés à diriger demain.

En tant que nouveau président du parti, comptez-vous poursuivre l’oeuvre entamée par votre prédécesseur, ou avez-vous d’autres initiatives ?

Le FFS est un parti qui a une ligne politique. Le président sortant a travaillé dans le respect de nos textes et le président entrant aussi va travailler en gardant cette ligne et en respectant nos textes. C’est vrai que Norbert Tiendrebéogo est une personne qu’on ne peut pas remplacer du jour au lendemain, mais nous disons que c’est une continuité dans la vie du parti.

Avez-vous des relations avec les autres partis sankaristes ?

Au G14, nous nous retrouvons parfois pour faire des propositions et prendre des positions. Ce ne sont pas des rapports fermés. Nous restons ouverts.

Etes-vous en contact particulièrement avec l’épouse de Thomas Sankara et leurs enfants ?

Au sein du FFS, nous ne sommes pas en contact permanent avec Mme Sankara, mais nous avons un droit de regard par rapport à ses interventions. Nous n’avons pas une ligne directe pour l’appeler et dire qu’il y a tel ou tel problème. Au sein du bureau, il y a des camarades qui sont parentés à la famille, qui entretiennent des relations avec Mariam Sankara.

A l’instar d’autres partis politiques, le FFS a-t-il déjà reçu de l’argent du gouvernement ?

Nous n’avons jamais pris et nous n’en voulons même pas. Si ceux d’en face veulent donner de l’argent aux partis un jour, ils ne vont pas citer le nom du FFS parce qu’ils savent que nous n’allons même pas prendre. Nous tenons à garder cette ligne. Nous refusons ce qui n’est pas clair, car nous n’avons rien à cacher. Nous sommes un parti pauvre, c’est vrai, mais nous ne sommes pas prêts à prendre tout ce qu’on nous donne au risque de compromettre la ligne du parti et de nous compromettre nous-mêmes par rapport aux valeurs que nous défendons.

Quelles sont vos stratégies pour préparer les législatives de 2007 ?

Nous avons déjà envoyé des directives à l’ensemble des présidents régionaux pour faire le travail sur le terrain c’est-à-dire mobiliser et rendre les structures viables pour permettre une bonne implantation du parti. Nous sommes également en train de nous concerter parce qu’il sera très difficile d’aller seul à ces élections. Nous prenons donc contact avec d’autres partis. Il ne faut pas se flatter, il faut faire des regroupements pour aller à ces élections.

Propos recueillis par la rédation et retranscrits par D. Parfait Silga et Christine Sawadogo


A la fin de sa visite, Nestor Batio Bassière, le président du FFS, a signé le livre d’or des Editions "Le Pays".

Voici ce qu’il y a écrit :

"Je suis très marqué par le travail que vous abattez pour le peuple. Je vous encourage surtout à travailler pour une presse à l’écoute de la population.

Merci pour le travail déjà fait"

B. Bassière, président du FFS

Le Pays

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