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Lutte anti-corruption de la Banque mondiale : Songer à l’intérêt des populations

Publié le jeudi 28 septembre 2006 à 08h09min

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La Banque mondiale veut faire de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Mais, elle doit aussi revoir sa propre copie. Sinon, elle continuera à se faire plus de « bons élèves », alors que les populations continuent de souffrir sur le terrain.

« A travers le monde, les dirigeants réformateurs des citoyens, des entreprises nationales, des organismes donateurs et des investisseurs étrangers restent convaincus qu’une bonne gouvernance est primordiale pour l’amélioration des conditions de vie ». Cette phrase de Daniel Kanfmann, directeur de la gouvernance mondiale à l’institut de la Banque mondiale traduit clairement la nouvelle vision de ladite institution à l’égard des pays en voie de développement. Selon M. Kanfmann, les gouvernements des pays pauvres doivent se lancer dans une politique de réformes, afin d’améliorer la transparence des affaires publiques, notamment dans le domaine de la passation des marchés, du patrimoine et de la gestion financière.

« Ces initiatives peuvent permettre d’améliorer la gouvernance, augmenter l’efficacité de l’aide et de réduire la pauvreté », a-t-il ajouté.

Les propos de M. Kanfmann se fondent sur le nouveau rapport Governance Matters, 2006 : Worldwide, Governance indicators au cours de l’assemblée annuelle de Singapour le 15 septembre 2006. Ce rapport, selon ces conclusions, apporte la preuve que la gouvernance peut être mesurée. Aussi il stipule que les problèmes de la mauvaise gouvernance ne concernent pas uniquement les pays en développement. Les réformes toujours selon ce rapport, peuvent réduire la corruption en l’espace d’un temps relativement court, parfois moins d’une décennie. Les conclusions du rapport sont des indicateurs calculés pour plus de 200 pays et basés sur des centaines de variables et une compilation de plus de 120 000 réponses de citoyens, d’experts et d’entreprises du monde entier, provenant de 30 sources différentes.

Traquer la corruption

Selon la Banque mondiale, ce recueil représente la base de données publique sur la gouvernance la plus complète qui soit. Ces mesures empiriques fondées sur des données factuelles, selon ladite institution, sont là pour aider les acteurs du développement à suivre la qualité des institutions, à appuyer le renforcement des capacités, à améliorer la gouvernance et lutter contre la corruption. Les indicateurs de cette bonne gouvernance « nouvelle formule » se base sur six piliers. Le premier consiste à être à l’écoute et à rendre compte. Il mesure les droits politiques civils et les droits de l’homme.

Le deuxième prend en compte la stabilité politique et l’absence de violence. Le troisième se penche sur l’efficacité des pouvoirs publics. Le quatrième mesure la qualité de la réglementation d’où l’incidence politique ou favorable au marché. Le cinquième se penche sur l’Etat de droit et le dernier pilier est la maîtrise de la corruption. Selon la Banque mondiale, ces unités de mesure de la gouvernance contenues dans Worldwide Governance sont utilisées par la US millenium Challenge corporation ou par pays comme le Pays-Bas et certaines ONG.

C’est pourquoi la Banque mondiale reste convaincue que les nouveaux indicateurs sont les bienvenus. Les différentes parties présentes à Singapour sont convenues, au titre de la lutte contre la fraude et la corruption d’un accord de principe des définitions normalisées des notions de manouvre frauduleuses et d’acte de corruption pour les besoins des enquêtes menées en la matière dans le cadre des activités qu’elles financent. L’échange d’informations, ou encore un accord en vue de maintenir à l’étude les moyens devant permettre aux mesures de mise en conformité et des sanctions prises par une institution d’être reconnues par les autres.

Ainsi, le groupe de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la Banque européenne d’investissement et la Banque interaméricaine forment désormais un puissant bloc de sanction à l’endroit des Etats corrompus. La mesure est salutaire dans la mesure où de nombreux pays en voie de développement sont sous l’emprise de véritables « Ali Baba ».

Ils s’en mettent plein les poches, sans songer aux intérêts des populations, tandis que celles-ci croupissent dans la misère. Aucun effort n’est fait par certains gouvernements pour lutter contre la faim, améliorer la qualité du secteur de la santé et augmenter le taux de scolarisation, des objectifs visés à l’horizon 2015. Aussi, de nombreuses ONG, sur le terrain, ne sont pas en reste.

Elles élaborent de gros documents « irréalistes », dilapident les fonds et certaines finissent par disparaître. Toutefois, les pays africains pris au piège de ces maux pourront-ils s’en sortir si des sanctions financières, sont à leur encontre ? C’est vrai que Paul Wolfowitz et son équipe veulent sanctionner et améliorer les conditions de vie surtout en Afrique où le nombre de personnes vivant dans la pauvreté ne cesse d’augmenter. Mais la sanction financière peut être suicidaire. En Afrique, bien des pays dépendent de l’aide.

Aussi, on est en passe de se demander si la mesure anti-crruption n’est pas rétroactive. Car de nombreux pays pauvres sont déjà prisonniers de la corruption. Une chose est sûre, ce sont encore les pauvres populations qui en patiront en cas de sanctions lourdes à l’encontre de leurs gouvernants. Toutefois, le Fonds monétaire international (qui vient de faire une vaste réforme après 60 ans d’existence) et la Banque mondiale doivent eux-mêmes revoir leur copie.

Ils ont eux aussi, des mesures « irréalistes » et le Programme d’ajustement structurel en est une belle illustration. En réalité, de nombreux pays font tout pour se conformer à leurs indicateurs. Ainsi, des pays sont cités « bons élèves » tant les chiffres d’évaluation sont satisfaisants. On parle de stabilité, de progrès économique. Mais il n’en est rien sur le terrain.

Les populations continuent de souffrir et la pauvreté va parfois même grandissante. C’est pourquoi, dans la lutte anti-corruption, la Banque mondiale doit veiller à adapter ses sanctions au contexte. Le tout est de songer à l’intérêt des populations pour qui la Banque mondiale se bat.

Hamadou TOURE (hatoure@yahoo.fr)

Sidwaya

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