C’est en vain qu’ils essaient, parfois, de faire usage de la carte de visite que le grand camarade leur avait donnée pendant la campagne. Ils comprennent qu’ils ont été instrumentalisés, et procèdent à la réforme de leur propre sagesse. C’est alors qu’on peut entendre : « il n’y a pas d’amis en politique ». « La prochaine fois, je ne mettrai plus mon doigt dans cette affaire ». Que n’a-t-on pas pris Aristote au sérieux quand il répétait à ses élèves : « Ô mes amis, il n’y a pas d’amis ! ».

Le grand camarade, de son côté, sait qu’on lui demande l’impossible : il ne peut continuer à magnifier la solidarité africaine comme en pleine campagne électorale qu’en transformant son salaire en... grenier, au nom de cette solidarité, au profit d’une famille, cette fois-ci, démesurément élargie.

D’une déconvenue à l’autre, le phénomène de l’intermittence de la communication politique marque négativement les esprits. Contre la formation d’une véritable culture démocratique, ce phénomène laisse à penser que les pratiques démocratiques constituent un marché de dupes. La corruption, le clientélisme, le nomadisme, la non participation aux votes,... en sortent toujours plus accrus.

Cela signifie que la communication politique moderne burkinabé peut et doit se frayer son propre chemin. A côté des notabilités villageoises par exemple, un professionnel de la communication est capable de « monter de toutes pièces » une personne ressource redoutable. Comme il peut faire du Burkina Faso, devant la communauté internationale, le premier pays hospitalier du monde. Parlant de cette nouvelle science conquérante, la communication, Jacques Donnedieu de Vabres écrit : « ... elle donne une idée de l’infini. Définie par son rapport à la masse des connaissances acquises, elle croît avec la science et son progrès ». On peut alors se demander si l’ambiguïté de la communication politique qui vient d’être stigmatisée ne découle pas de son incapacité à créer ses propres objets, c’est-à-dire de son amateurisme.

Dans les milieux politiques burkinabè, on pense volontiers que le passage du journalisme classique à la communication politique contemporaine est automatique. On oublie tout l’investissement intellectuel en psychologie, sociologie et politique qu’il faut consentir pour aller du journaliste au communicateur. L’auto-promotion médiatique est également prisée au Burkina, ce qui renforce notre point de vue que, par manque de moyens et d’intérêt, la communication politique burkinabé est une communication d’amateurs.

Cette communication dont la raison d’être est de faire la promotion des hommes politiques et de leurs projets de société, si elle est incapable, concomitamment, de créer des conditions pertinentes pour l’émergence d’une culture démocratique, est bel et bien de l’ordre du non pertinent...

Les passions politiques qui deviennent très vives en périodes électorales ne peuvent être, à la longue, endiguées par une communication de l’à peu près. Or, nous pensons que pour l’heure, dans notre pays, le vrai pouvoir appartient à ceux qui savent et peuvent maîtriser les faits sociaux.

Ibrahiman SAKANDE (ibra.sak@caramail.com)

Sidwaya