LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

L’état de l’économie africaine : un léger mieux selon la BAD et l’OCDE

Publié le mercredi 5 juillet 2006 à 06h04min

PARTAGER :                          

L’économie africaine connaît un certain dynamisme comme le montre le cinquième rapport conjoint de la BAD et de l’OCDE. Mais le développement se fait toujours attendre.

Le cinquième rapport conjoint de la Banque africaine de développement (BAD) et de l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE) devrait mettre du baume au cœur des afro-optimistes quant au développement économique du continent noir. Rendu public à la mi-mai 2006 et intitulé « Perspectives économique en Afrique », ce document passe en revue l’économie de 30 pays- contre 29 dans l’édition précédente- représentant 86% de la population africaine et 90% du produit intérieur brut du continent.

Dans l’ensemble, l’économie africaine ne se porte pas si mal puisqu’en 2005, la croissance est estimée à 5% et devrait se maintenir en 2006 et 2007 à respectivement 5,8 et 5,5%. Un taux nettement supérieur à la croissance démographique, alors que dans le même temps, l’inflation s’est stabilisée autour de 10% et que l’investissement a connu une hausse plus forte qu’il y a sept ans.

« Pour la plupart des pays africains, l’avenir semble plus favorable qu’il ne l’a été depuis longtemps », écrivent les auteurs du rapport. Cette embellie de l’économie africaine est imputable selon eux, à la croissance mondiale persistante, à la demande soutenue de pétrole et de matières premières, à l’augmentation significative de l’aide publique au développement (APD) et à l’allègement de la dette. De plus, l’amélioration de la stabilité macro-économique dans de nombreux pays a également contribué à renforcer la confiance des entreprises, d’où un regain généralisé de l’investissement privé.

A l’image des deux précédentes années, la croissance du PIB a été particulièrement soutenue dans les pays exportateurs de pétrole et la situation devrait se renforcer en 2006 avec un taux annuel réel proche de 5,8% pour l’ensemble du continent. Toutes les zones géographiques ont enregistré une croissance positive avec certes, des disparités.

En Afrique du Nord, la croissance a été, comme en 2004, de 4,8%, mais elle devrait s’accélérer en 2006 à 6,3% avant de ralentir en 2007 à 5,6%. Pour 2006, les experts de la BAD et de l’OCDE tablent sur une croissance exceptionnelle de la Mauritanie (26,9%), du Soudan (13,4%) grâce notamment à une forte demande en gaz et en pétrole.

L’Algérie, l’Egypte, la Libye et la Tunisie devraient maintenir leur taux de croissance de 2005 (4,4%) en raison du prix élevé du pétrole et de l’essor du tourisme.
Comparée à 2004, la croissance en Afrique de l’Ouest a légèrement baissé (4,4% contre 4,9% en 2004), mais devrait passer à 5,3 en 2006 et à 5,5 en 2007. Cette région du continent subit le contre-coup de la crise ivoirienne, particulièrement au sein de la l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) composée du Bénin, du Burkina, de la Côte d’Ivoire, de la Guinée-Bissau, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo).

L’Afrique centrale affiche également une croissance en baisse, passant à 4,8% contre 10,5% en 2004. Les prévisions tablent sur une reprise en termes réels en 2006 à 5% et un net repli en 2007 à 3,6%, à cause principalement de la fin du développement de la production de pétrole en Guinée-équatoriale et au Tchad.

Quant à l’Afrique de l’Est, sa croissance a été de 5,6% en 2005 et devrait le rester dans les prochaines années. Ce sont surtout l’Ethiopie, l’Ouganda et la Tanzanie qui tirent la région avec des taux respectifs de 6,8, 5,8 et 6,9%. Ces trois pays devraient afficher de bons résultats grâce au dynamisme du secteur agricole.

Les perspectives économiques de Madagascar et de Maurice restent à contrario assombries par la concurrence des producteurs asiatiques de textiles (Bangladesh, Chine et Inde) aujourd’hui plus accrue après le démantèlement en janvier 2005 de l’accord multifibres (AMF).

Enfin, grâce à la mise en exploitation de nouveaux champs pétrolifères en Angola, le lancement de grands projets miniers au Mozambique et une forte demande en Afrique du Sud, la croissance économique de l’Afrique australe a atteint 5% en 2005 contre 4,6% en 2004. Toutefois, dans certains pays comme le Lesotho, le Malawi et la Namibie, l’activité économique a connu une certaine atonie, mais nettement moins marquée qu’au Zimbabwe où la croissance a reculé de 7%. Globalement, la croissance économique de l’Afrique australe devrait progresser à 6% en 2007, bénéficiant de fait du quasi-doublement prévu du taux de croissance de l’Angola de 15,6% en 2005 et de 26,4% en 2006.

D’après les auteurs du rapport, la bonne santé économique de l’Afrique repose sur les effets combinés du vif rebond du cours des matières premières, de l’insuffisance de l’offre des métaux et produits miniers, et de la hausse des cours de pétrole depuis l’année 2000. De fait, la hausse générale des cours mondiaux des matières premières a largement contribué à améliorer la balance commerciale de nombreux pays, même si la flambée du pétrole a été préjudiciable aux importateurs. Pour ces derniers, « les recettes des exportations de produits dont le cours s’est renchéri équivalent plus ou moins aux pertes dues aux importations de pétrole ».

Certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Mali ou le Burkina, ont même subi des pertes nettes avec la baisse du prix du cacao de (-12% entre 2003 et 2005), et du coton (-14%). D’où l’intérêt pour les pays dont l’économie repose sur les matières premières d’adopter une politique prudente dans la gestion de la manne résultant de la hausse des cours des produits de base afin d’éviter les cycles « accélérateur-coup de frein » que la volatilité des prix peut provoquer.

Depuis deux ans, le cours moyen du brut de pétrole ne fait que grimper, passant de 37,7 dollars le baril en 2004 à 54 dollars en 2005 et devrait se maintenir en 2006 autour de 56 dollars, mais retomberait légèrement à 52 dollars en 2007. Grâce à la forte demande de la Chine, les cours des métaux ont également connu une envolée, en particulier l’or qui ne cesse de grimper depuis 2001 en raison de la « réduction des opérations de couverture par les producteurs et des incertitudes sur le plan international ». Les cours des autres métaux tels le cuivre, l’aluminium ont aussi grimpé, à la grande joie des pays comme la Zambie, le Cameroun, le Ghana, la Guinée et le Mozambique.

Quant aux produits agricoles (cacao, thé, coton), le rapport indique que les cours sont restés aléatoires et déprimés, notamment ceux du cacao qui ont reflété les incertitudes liées à la crise politique que connaît la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002. « Après les planchers historiques du début des années 2000, les cours sont remontés pour atteindre de nouveaux sommets début 2003 avant de s’effondrer courant 2003 sous l’effet de la vigueur de l’offre, et de se stabiliser en 2004-2005 ».

Le cours du thé n’a pas connu d’évolution par rapport à 2004 et reste en deçà de son niveau d’il y a six ans d’environ 12% et aucun signe de redressement ne se pointe à l’horizon d’autant que la consommation est en baisse alors que la production augmente. En octobre 2002, le cours du coton avait atteint un niveau très bas avant de se redresser en 2004 mais les prix sont néanmoins restés inférieurs d’environ 2% par rapport à l’année 2003. Cette baisse a eu un impact sur les recettes d’exportation du Bénin, du Burkina et du Mali.

Pourtant, les cotonculteurs d’Afrique centrale et de l’ouest produisent du coton de grande qualité, très compétitif sur le marché international. Ils sont cependant confrontés à des cours mondiaux peu attractifs à cause des subventions accordées par les Occidentaux à leurs agriculteurs. Pis, pour les pays de la zone franc, l’appréciation de l’euro auquel est arrimé le franc CFA par rapport au dollar constitue une causse supplémentaire de perte de recettes. « L’initiative coton » lancée en septembre 2003 par le Bénin, le Burkina, le Mali et le Tchad dans le but d’obtenir le démantèlement des subventions a finalement été prise en compte en 2004 dans les négociations agricoles lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Mieux, suite à la plainte déposée par le Brésil contre les subventions et qui a abouti à la condamnation des Etats Unis par l’OMC, le Congrès américain a décidé en février 2006 de mettre fin d’ici août 2006 aux subventions à l’exportation et à l’importation du coton. Une bonne nouvelle pour les pays d’Afrique de l’Ouest où la culture du coton fait vivre près de 12 millions de personnes.

Le rapport de la BAD et de l’OCDE insiste sur la place de l’aide publique au développement (APD) dans l’embellie de l’économie africaine. Selon ses rédacteurs, l’APD n’a cessé d’augmenter depuis la conférence de Monterrey, au Mexique en mars 2002. Selon le Comité d’aide au développement (CAD), elle a progressé de 18%, et a atteint en volume 79,5 millions de dollars en 2004.

Mais, nuancent les auteurs du document, « cet accroissement est moins impressionnant lorsqu’on le mesure en pourcentage du Revenu national brut (RNB) des pays membres de l’OCDE car le ratio APD/RNB est passé de 0,22% en 2001 à 0,26% en 2004, une progression inférieure aux moyennes antérieures qui étaient de 0,33% entre 1980 et 1992. Ce qui était déjà loin des objectifs fixés par l’Organisation des nations unies (ONU) qui est de 0,7% ».

En regardant de plus près, on s’aperçoit que l’essentiel de l’aide est due à l’allègement de la dette au titre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE) dont bénéficient 24 pays pour un montant de 38,2 milliards de dollars.

Aux côtés des bailleurs traditionnels, d’autres pays comme la Corée du Sud, le Mexique, la Turquie, la Hongrie, la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie ont annoncé leurs participations à l’aide. La Corée du Sud s’est ainsi engagée à porter son aide d’ici 2010 à 0,10% de son revenu national brut (RNB), soit un milliard de dollars, et les autres à porter à 0,17% de leur RNB d’ici 2010 et à 0,33% d’ici 2015. La Chine a aussi annoncé qu’elle fournirait 10 milliards de dollars pour la réhabilitation des infrastructures et la promotion des entreprises.

Ces énormes flux de capitaux masque en réalité une répartition inégale selon les zones géographiques de l’Afrique et des pays. A elle seule, l’Egypte absorbe près de 49% de l’APD destinée à l’Afrique du Nord, tandis que le Ghana, Madagascar, le Mozambique, la République démocratique du Congo (RDC) et la Tanzanie se partagent 36% de l’aide allouée en 2004 aux 50 autres pays d’Afrique au sud du Sahara.

En dépit de cette évolution positive de l’aide, très peu de pays seront en mesure d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) d’ici 2015 fixés par l’ONU. Il s’agit de réduire de moitié la proportion de la population qui souffre de faim, d’assurer l’éducation primaire pour tous, de parvenir à l’égalité des sexes dans l’enseignement ou encore de réduire de 2/3 le taux de mortalité infantile des enfants de moins de 5 ans. En l’état actuel, seuls L’Algérie, l’Egypte, la Tunisie, Maurice, la Namibie, le Cap Vert, Seychelles et la Libye seront en mesure de les atteindre.

Parmi les multiples causes qui freinent le développement économique de l’Afrique, il y a le manque d’infrastructures de transports de qualité, indispensables pour assurer un accès efficace aux services sociaux et un essor du secteur privé. C’est pour cette raison que le rapport met en exergue la problématique des infrastructures des transports, soulignant la piètre qualité des services. « Les infrastructures sont dans un état déplorable et les services des transports coûteux et médiocres, de sorte que de nombreux habitants, notamment les plus pauvres sont littéralement confinés chez eux », soulignent les auteurs du document, ajoutant que « cette situation interdit en outre aux pays africains de tirer tout le parti d’une intégration de l’économie mondiale ».

Comparée à d’autres régions, la faiblesse des infrastructures en Afrique au sud du Sahara est frappante. Alors qu’elle représente 17% de la population et 7% du PIB des pays en développement, sa part dans le trafic aérien et ferroviaire de passagers ne s’établit qu’à 3%.

De même, l’Afrique subsaharienne dispose d’un réseau routier d’1,5 millions de km, mais seulement 19% des routes sont revêtues contre 27% en Amérique Latine et 43% en Asie du Sud. Résultats : c’est sur le contient noir que les d’accidents sont les plus nombreux. En 2004, près de 25% des accidents d’avion se sont produits en Afrique, alors qu’elle ne représente que 4,5% du trafic mondial. En 1999, environ 10% des accidents mortels sur les routes ont eu lieu en Afrique subsaharienne, une région qui ne représente que 4% des immatriculations mondiales de voitures.

Compte tenu des caractéristiques techniques et économiques du secteur des transports et de la faiblesse des revenus des usagers africains, le rapport préconise « la poursuite d’investissements publics conséquents dans les transports », d’autant que les espoirs suscités par le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) ont très vite été déçus.

Par Joachim Vokouma
Lefaso.net

Perspectives économiques en Afrique 2005-2006
Banque africaine de développement et le centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)