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Vote des Béninois à Ouagadougou : Ça relance le débat sur les Burkinabè de l’étranger

Publié le mardi 7 mars 2006 à 08h48min

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C’est un secret de polichinelle, permettre aux Burkinabè de l’étranger de prendre part aux différents scrutins nationaux est un des vœux chers au président de l’Union nationale pour la déocratie et le développement (UNDD), Me Hermann Yaméogo. A la faveur de l’élection présidentielle béninoise dont une partie s’est jouée sur notre sol, Adama Ouédraogo, conseiller municial à Koudougou embouche la même trompette.

Ce n’est pas pour rien que l’Observateur Paalga n°6592 du lundi 06 mars 2006 a couvert le vote des Béninois de Ouagadougou aux élections présidentielles du Bénin du 05 mars 2006. C’est vrai que cette élection présente un intérêt particulier pour les Béninois et même pour l’opinion internationale.

C’est, faut-il le souligner, un autre cas malheureusement encore trop rare d’élections qui se déroulent sans que le président sortant ne charcute la Constitution afin de se représenter pour un mandat non conforme. C’est aussi, autre marque d’intérêt, une consultation qui par le fait même de l’absence sur la ligne de départ du président en poste, ouvre les perspectives d’une alternance au pouvoir.

Mais si l’Observateur Paalga a couvert le vote des Béninois à Ouagadougou, c’est aussi pour mettre en exergue les efforts que déploient le gouvernement béninois pour permettre qu’effectivement, conformément à la loi fondamentale, tous les Béninois puissent jouir sans discrimination de leur droit de vote.

Et le quotidien, plutôt élogieux vis-à-vis du Bénin, n’a pas manqué de s’étonner que ce pays voisin, qui n’a pas les mêmes possibilités que le Burkina Faso, ait réussi à faire voter ses ressortissants de l’étranger alors que ce n’est pas le cas pour notre pays. C’est là, il faut le reconnaître, une contribution du journal qui vient renforcer le combat que mènent depuis des lustres certains burkinabé sur ce fiont.

Il s’agit en tout premier de Me Hermann Yaméogo qui a en quelque sorte ouvert le bal en déclenchant cette lutte pour obtenir que les Burkinabé, dont on dit que le nombre à l’extérieur équivaudrait à ceux de l’intérieur, puissent exercer ce droit qui, rappelons-le, est prévu à l’article 12 de la Constitution qui stipule que « Tous les Burkinabè sans distinction aucune, ont le droit de participer à la gestion des affaires de l’Etat et de la société. A ce titre, ils sont électeurs et éligibles dans les conditions prévues par la loi ».

Un combat vieux de trente ans

Dès la IIIe République, à l’époque de l’UNDD version 1978, Me Yaméogo s’est préoccupé de la question. A l’avènement du Front Populaire en 1987, avec le MDP, il popularisera l’idée. Lorsque le MDP lui fut retiré comme on sait, suite à une conspiration d’Etat et qu’il fut contraint de créer l’ADF, il poursuivit sa lutte en la faisant partager par d’autres forces politiques. Ainsi, les partis suivants (ADES, ADF, CNPP/PSD, PCLI, PPS et PTB) dans une déclaration liminaire au cours d’une conférence de presse le 17 mai 1991, exigèrent entre autres « le vote des Burkinabé dans leurs pays d’accueil ».

Au « KIBARE », organe bien connu de la seconde République et de la période du Front populaire, qui tînt à savoir le pourquoi et le comment de cet acharnement pour le vote des Burkinabé de l’étranger qui est son « credo », pour reprendre le terme du journal, il répondit ceci : « Effectivement, c’est un problème de taille, c’est un problème important parce que nous constatons que le Burkinabé, même s’il est à l’étranger, se préoccupe toujours de son pays.

Quand le pays est en difficultés, il participe et nous pensons que si on sollicite son concours en période de difficulté, on doit leur reconnaître le droit au suffiage, c’est suffisamment clair.

Faut pas vouloir imposer aux Burkinabé à l’extérieur de faire face à des fonds énormes pour venir voter dans le pays. Nous constatons que certains pays tels que le Bénin, Sao Tome et Principe, permettent à leurs ressortissants à l’étranger de voter dans leurs pays d’accueil, la France également.

Pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, nous inspirer de cet exemple là et permettre que nos ressortissants à l’extérieur puissent voter. D’autant que j’ai lu dans un journal, je ne sais plus très bien lequel, que les Burkinabè à l’étranger contribuent pour près de 50 milliards d’argent qui rentre dans le pays.

Ca c’est une donnée importante et les arguments qui sont avancés pour nous ne sont pas des arguments solides. On devrait leur permettre de pouvoir voter d’autant qu’ils sont très importants et cela représenterait plus d’expression de la volonté populaire" (in KIBARE n°0018 du 23 juillet 1991).

C’est dans la même veine qu’il dira, dans une interview accordée à Fraternité Matin du 8 octobre 1991 ce qui suit : « Je ne vois pas pourquoi on met les Burkinabé à contribution quand il s’agit d’autres sacrifices nationaux et que pour les élections (également un devoir national) on leur dit qu’ils n’ont pas droit d’expression. Il est important que l’on puisse arriver à cela même s’il faut repousser les élections ».

Le combat s’est poursuivi jusqu’à nos jours faisant alterner aux déclarations dans les médias, les visites aux Chancelleries pour demander leur appui à la réalisation de ce vœu, des visites sur le terrain, notamment en Côte d’Ivoire, pour demander que les ressortissants qui s’y trouvent mettent la main à la pâte comme ce fut le cas en fin 2005.

Mais pourquoi donc le pouvoir n’a-t-il jamais donné suite à une demande constante, satisfaite il y a belle lurette au-delà le Bénin, par bien de pays comme le Maroc, l’Algérie... mais aussi le Sénégal, le Mali, le Niger... ?

Après sept échéances cumulées

Les arguments généralement avances etalent liés au manque de temps, de moyens, aux réticences qu’éprouveraient les autorités des pays d’accueil à voir se mener sur leurs territoires des activités politiques de militants et de dirigeants d’autres pays.

Sur tous ces points, des propositions ont été faites : se donner le temps d’une échéance électorale pour régler la question. Nous en sommes aujourd’hui à plus de 7 échéances cumulées. Rien n’est toujours fait.

La proposition a été faite d’approcher les bailleurs de fonds pour négocier sinon la prise en charge totale de ce volet, à tout le moins, leur participation. Rien n’a été fait alors que des visites au niveau de certaines Chancelleries, notamment à l’Ambassade des USA, Me Hermann Yaméogo y a trouvé un écho favorable.

Quant à l’argument lié aux réserves des autorités des pays d’accueil, formulées notamment du temps où il était Ministre de l’Administration territoriale par Léonard Compaoré ( qui disait qu’il n’était pas sûr que les pays voisins acceptent que les partis politiques aillent y faire campagne), il a été depuis lors balayé puisque ces pays acceptent les votes des ressortissants d’autres pays qui viennent même y battre campagne et puisque surtout nous-mêmes au Burkina Faso, accordons la possibilité aux ressortissants d’autres pays de voter chez nous, ce qui devrait supposer au minimum la réciprocité.

Mais il faut reconnaître qu’à force de frapper et de re-frapper, même si la porte n’a pas été ouverte, elle a été quelque peu entr’ ouverte. Il faut dire que plusieurs mains se sont jointes à celle de Me Yaméogo pour tambouriner sur la porte de telle sorte qu’aujourd’hui, les réserves ne sont plus aussi tranchées si elles ne sont pas levées.

Depuis en effet que Albert Ouédraogo, avec son « TOCSIN » est entré dans la danse, multipliant à son tour les initiatives et depuis surtout que les partenaires techniques et financiers ont été sensibilisés sur la question, le pouvoir a baissé de plus en plus la garde pour finir par admettre par des voix autorisées (comme celles du Ministre des Affaires étrangères Y oussouf Ouédraogo et du Maire central de Ouagadougou, Simon Compaoré) qu’il n’y était pas opposé. Il ne resterait plus maintenant que des questions liées à la situation interne de quelques pays dont en particulier la Côte d’Ivoire.

Sur ce point justement, Me Hermann Yaméogo suggère ceci : faire économie de temps et d’argent en s’en remettant à la communauté internationale pour qu’elle nous aide, grâce au travail qu’elle fait en Côte d’Ivoire, à y faire voter nos ressortissants à l’occasion de nos consultations à venir.

En effet, c’est bien la communauté internationale qui s’est engagée à assurer non seulement la surveillance de ces consultations mais à prendre les dispositions financières, techniques, logistiques, diplomatiques... pour que toutes les opérations en amont et en aval, puissent être conduites à bonne fin.

Jusqu’à preuve du contraire, ces arguments n’ont pas davantage convaincu le pouvoir puisqu’il reste silencieux cependant que nationaux Ivoiriens et communauté internationale continuent de préparer activement ces élections en terre éburnéenne en dépit des obstacles sécuritaires que nos autorités avancent.

C’est dire qu’il ne faut pas desserrer l’étreinte, et qu’à l’exemple de l’Observateur Paalga, il est grand temps que les autres médias entrent en danse et révèlent entre autres incongruités, celle qui consiste pour le Burkina Faso à se payer le luxe de prêter des urnes aux Béninois pour leur permettre d’avancer dans leur processus démocratique alors que lui-même maintient toujours l’apartheid électoral vis-à-vis de ses nombreux ressortissants de l’étranger.

Adama Ouédraogo

L’Observateur

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