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Aviculture au Burkina : Touchée durement par la grippe aviaire, l’entreprise Moablaou renaît et croit en la main tendue de l’Etat

Publié le mardi 4 juillet 2023 à 22h15min

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Aviculture au Burkina : Touchée durement par la grippe aviaire, l’entreprise Moablaou renaît et croit en la main tendue de l’Etat

Frappé de plein fouet par la grippe aviaire en décembre 2021, le complexe avicole du Burkina, Moablaou SA se relève petit à petit après un arrêt de la production qui a duré près de dix mois. Malgré une reprise timide grâce au soutien de trois banques de la place, le promoteur Abou Simbel Ouattara espère toujours la main tendue de l’Etat burkinabè, avec qui les échanges sont en cours.

Pour ceux qui s’en souviennent vaguement ou qui ont manqué l’épisode, Moablaou S.A, l’entreprise qui produisait près de 50% des œufs consommés au Burkina Faso, n’a pas été épargnée par la grippe aviaire en décembre 2021. L’épidémie a décimé le cheptel de près de 200 000 poules pondeuses et poulettes. En 2022, le promoteur évaluait les pertes de production à plus de trois milliards de francs CFA. En détresse, le promoteur avait sollicité le soutien de l’Etat burkinabè qui lui avait recommandé de ne pas licencier le personnel.


Désillusion sous le régime Damiba

Alors que les discussions étaient en cours pour tenter de sauver l’entreprise qui employait 83 personnes, survient le coup d’Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, le 24 janvier 2022. Alors que le promoteur de Moablaou pensait trouver une oreille attentive auprès des nouveaux tenants du pouvoir, grande fut sa désillusion. Aucun contact n’a été noué avec l’entrepreneur qui comptabilise 36 ans d’expérience dans l’aviculture. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir relancé les autorités à l’époque sur la situation que traversait le complexe avicole.

Abou Simbel Ouattara se réjouit des contacts noués avec les autorités burkinabè

Face au désarroi de son promoteur, qui avait pris l’engagement de ne pas se séparer de ses employés, Moablaou S.A finit par mettre sur la touche une quarantaine de personnes. « C’est à mon corps défendant que je l’ai fait », regrette l’entrepreneur. Le récit des tourments du promoteur avait provoqué la compassion de certains lecteurs du Faso.net qui avaient joint leurs voix à celle du journal pour porter haut le cri de détresse. D’autres lecteurs par contre, estimaient qu’au nom de la lutte contre le terrorisme, il n’était pas du rôle de l’Etat d’aider une entreprise privée qui fait un chiffre d’affaires de 2 et 3 milliards de francs CFA.

Reprise timide des activités

Que devient Moablaou, 18 mois après la catastrophe ? L’Etat a-t-il finalement prêté une oreille attentive aux préoccupations de l’entreprise ? Nous avons fait un tour du côté de la direction commerciale de l’entreprise, vendredi 16 juin 2023.

Il est 8h30, lorsque nous arrivons sur les lieux, à quelques jets de pierre de la Brigade ville de gendarmerie de Kossyam. Quelques employés effectuent un déchargement de plaquettes d’œufs acheminés par camion depuis la ferme avicole, sis à Koubri. C’est tout de même calme, même si un an plus tôt, c’est un silence assourdissant qui régnait sur les lieux. Un coup de fil du promoteur et celui-ci nous demande de passer à son bureau, près de l’ancien siège de l’institut africain de management.

Des plaquettes d’œufs disposés au sein commercial de l’entreprise sis à la Patte d’Oie

C’est un Abou Simbel Ouattara souriant que nous rencontrons. Il a plutôt bonne mine. « Tel un malade qui sort de l’hôpital, nous nous portons beaucoup mieux qu’il y a un an et surtout beaucoup mieux qu’en décembre 2021. Nous avons repris partiellement nos activités. Nous avons reconstitué nos effectifs à hauteur d’environ 50 %. Nous nous portons beaucoup mieux parce qu’une partie des employés, les revendeuses et les revendeurs ont pu reprendre leurs activités ».

Biosécurité renforcée

Selon le promoteur de Moablaou S.A, les procédures ont été revues par le directeur et les techniciens de l’entreprise afin de renforcer la biosécurité au sein de la ferme. « Le virus de la grippe aviaire est dans l’air, donc se transmet par voie respiratoire comme le coronavirus. Même si un être humain, qui a été en contact avec ce virus dans une autre localité, suit tous les principes d’assainissement avant de rentrer dans la ferme, le virus peut s’abriter dans ses poumons. Et s’il se retrouve au milieu de la volaille du fait de sa respiration, il peut contaminer cette volaille. C’est assez complexe. Le maximum que nous pouvions faire avec le peu de moyens dont nous disposons, nous l’avons fait », rassure M. Ouattara.

Une partie du personnel rappelée

Grâce à l’accompagnement des banques qui a permis une reprise des activités, l’entrepreneur affirme avoir rappelé de façon progressive et au fil des besoins, le personnel. Sur les 14 employés qui avaient été mis en chômage technique, 13 employés, toutes qualifications confondues, ont repris du service. Seul, un employé n’a pas souhaité rejoindre l’équipe car exerçant déjà une autre activité.

Aussi, sur la trentaine d’employés qui avaient été licenciés, Abou Ouattara indique qu’une dizaine a repris le chemin du travail. « Selon la progression que l’entreprise connaîtra dans les semaines et mois à venir, tous ceux qui seront disponibles et qui avaient été licenciés seront rappelés. », foi du promoteur.

Le promoteur de Moablaou nous a reçu au siège de l’entreprise sis au quartier Ouaga 2000

« Nous avons des interlocuteurs »

Quid des doléances émises pour un soutien de l’Etat au plan de relèvement de l’entreprise ? A cette question, Abou Simbel Ouattara confie qu’après avoir fait une année sans interlocuteur au sommet de l’Etat, les choses semblent bouger avec le gouvernement d’Apollinaire Joachimsson Kyélèm de Tambela.

« Aujourd’hui, nous avons des interlocuteurs qui sont conscients que cette entreprise représente quelque chose au Burkina. Quand on dit " Produisons et consommons burkinabè’’, ce n’est pas qu’un slogan politique, c’est du réalisme. Aujourd’hui, une entreprise qui a quand même 36 ans d’activité, qui a fait la preuve de son utilité sur le plan économique et social, il serait quand même frustrant de la voir disparaître à cause des aléas d’une maladie internationale qui est combattue ailleurs. Que ce soit aux États-Unis, en Europe ou en Afrique, ce sont les États qui aident les victimes de cette maladie à se relever », rappelle le promoteur de Moablaou.

Selon le promoteur, trois banques ont apporté un crédit à l’entreprise d’un total de 350 millions de francs CFA

« Aider l’entreprise Moablaou, ce n’est pas aider son promoteur »

Selon lui, aider l’entreprise Moablaou à relancer ses activités, ce n’est pas aider son promoteur. « Nous nous sommes retrouvés pendant près de dix mois sans 5 francs, aussi bien pour le personnel, pour l’Etat (nous sommes à la division fiscale des grandes entreprises) que pour tous ceux qui sont adossés à l’entreprise par la revente des œufs. Tout le monde perd. Je suis certes le promoteur, mais les conséquences sont grandes pour ceux qui gagnaient leur pain grâce à cette entreprise. Imaginez un peu ces dames et ces jeunes qui revendent les œufs et qui se retrouvent du jour au lendemain sans revenus ! C’est difficile », convient Abou Simbel Ouattara.

Équipements assurés mais pas le cheptel

A la question de savoir si l’entreprise avait souscrit à une assurance, son promoteur répond par l’affirmative. Mais il précise que même si tous les équipements de fonctionnement de l’entreprise sont assurés, aucune société d’assurance n’assure pour l’instant le cheptel vivant (ici les poules) au Burkina Faso.

« Supposons que nos 200 000 poules coûtent un milliard de francs CFA. L’assurance va nous coûter au minimum un milliard de francs CFA. Si nous sommes seuls à nous assurer, le risque sera de 100%. S’il survient une catastrophe, comme celle de décembre 2021, la société d’assurance sera obligée de calculer notre prime d’assurance sur la totalité du risque et de nous le faire supporter à nous tout seul parce que nous n’avons personne qui partage ce risque avec nous », explique Abou Simbel Ouattara.

Un camion prêt à démarrer près un déchargement de centaines de plaquettes d’oeufs

Diversifier, oui, mais…

Au regard des risques qui entourent le secteur avicole, ne serait-il pas temps pour M. Ouattara de penser à une diversification de ses activités en faisant par exemple de l’embouche bovine ? A cette question que se sont posés les internautes, l’entrepreneur Abou Simbel Ouattara répond sans détours.

« C’est une affaire de sensibilité. Vous ne pouvez pas décider d’aller à telle spéculation sans en avoir étudié le marché, sans vous assurer que vous aurez des débouchés. Dans notre cas, la diversification serait plutôt de multiplier les centres de production à travers le pays. Il est rare qu’une maladie comme la grippe aviaire touche toutes les régions du pays en même temps. Cette diversification nécessite d’énormes investissements. Pour installer une nouvelle ferme de cette envergure, il faut entre 6 à 8 milliards de francs CFA sur un terrain totalement vierge à une certaine distance du premier site », estime M. Ouattara.

Après déchargement, un employé procède au tri afin de soustraire les œufs abimés

Il a annoncé être à la recherche d’investisseurs nationaux et étrangers pour consolider l’existant mais également envisager une extension de sa ferme en créant d’autres sites de production. Des projets qui tiennent à cœur à l’entrepreneur qui veut poursuivre dans ce qu’il sait faire de mieux depuis 36 ans.

HFB
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Vos commentaires

  • Le 4 juillet 2023 à 15:12, par Alpha2025 En réponse à : Aviculture au Burkina : Touchée durement par la grippe aviaire, l’entreprise Moablaou renaît et croit en la main tendue de l’Etat

    Je suis M. OUATTARA depuis quelque temps à travers les réseaux sociaux. Son exemple est très inspirant. Je lui souhaite de trouver une solution pour pouvoir relancer pleinement ses activités et limiter le risque car ce n’est pas facile. Sans être pessimiste, je ne crois pas trop au soutien de l’état, qui à mon avis ne va se faire que sous forme d’exonérations fiscales limitées dans le temps. Je dis cela en tenant compte du contexte sécuritaire. Mais si l’état arrivait à faire cela, à mon avis ce serait bon à prendre. Je m’apprête à me lancer dans l’agro-pastoral avec très peu de moyens. Mais je crois que M. OUATTARA à commencé aussi très petit. Nous commencerons nous aussi comme nous pouvons, en espérant fortement que l’état puisse aider M. OUATTARA. Ce serait un signe pour nous aider à nous formaliser. Sinon, autant rester dans l’informel. Bon courage à M. OUATTARA.

  • Le 5 juillet 2023 à 09:52, par Patriota En réponse à : Aviculture au Burkina : Touchée durement par la grippe aviaire, l’entreprise Moablaou renaît et croit en la main tendue de l’Etat

    Le faso.net vous auriez dû citer ces banques qui ont permis a cette entreprise patriote de se reléver. C’est un exemple à suivre. Sans les connaitre je leur tire mon chapeau et encourage les autres banques a soutenir nos entrepreneurs surtout dans les domaines agro.

  • Le 5 juillet 2023 à 10:28, par Bigbale En réponse à : Aviculture au Burkina : Touchée durement par la grippe aviaire, l’entreprise Moablaou renaît et croit en la main tendue de l’Etat

    C’est un vraiment triste de croire qu’un États-Unis peut protéger comme un oeuf toutes les étapes enprises privée fussent-elles grandes, moyennes ou petites ! Ce qui n’est pas économiquement imaginable et supportable, qu’on ne le commence pas car ces entreprises privées sont des milliers au Burkina. Si les Assurances ne proposent pas des produits adaptés à ce type d’entreprise, alors qu’elles trouvent un système de dépôts de fonds pour venir à la rescousse en cas de besoin. Comment une entreprise qui a brassé des milliards sur plusieurs décennies peut-elle être sonnée du coup et de cette manière ? Acceptons que les Burkinabe n’ont pas encore la culture de la diversification, on court pour avoir un monopole et on ne pense que même les aléas sur le plan international suffisent à enterrer une entreprise qui refuse de faire de la diversification ! Arrêtons de rendre l’Etat responsable de nos choix personnels souvent incohérents !

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