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Rupture de timbres fiscaux à Ouagadougou : « La dématérialisation permettra de résoudre le problème », selon le DG des impôts, Daouda Kirakoya

Publié le dimanche 19 mars 2023 à 22h51min

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Rupture de timbres fiscaux à Ouagadougou : « La dématérialisation permettra de résoudre le problème », selon le DG des impôts, Daouda Kirakoya

Depuis courant 2022, les usagers de la capitale sollicitant soit la légalisation soit l’authentification de leurs documents font face à une pénurie de timbres fiscaux. Afin de donner un éclairage, le directeur général des impôts (DGI), Daouda Kirakoya, a accordé une interview à une équipe du journal en ligne Lefaso.net, ce vendredi 17 mars 2023, à Ouagadougou. Cette rupture, à l’en croire, est indépendante de la volonté de la DGI, chargée de la gestion du stock au plan national. Pour atténuer un tant soit peu les effets de cette pénurie, une commande d’urgence a été lancée. « Il y a un stock d’urgence avec le fournisseur qui va arriver en cours de semaine prochaine. Nous allons indiquer un lieu où les gens peuvent aller acheter. Également, nous allons essayer de réglementer la vente pour que les gens ne fassent pas de la spéculation », a annoncé le DGI.

Lefaso.net : A Ouagadougou, on assiste à une rupture des timbres fiscaux. Qu’est-ce qui explique cette situation ?

Daouda Kirakoya : Effectivement, on a constaté ces derniers temps une pénurie de timbres dans certains de nos guichets de vente notamment au niveau des grands centres comme Ouagadougou. Ce sont essentiellement les quotités de 200 et 100 francs qui sont concernées. Par contre, dans les petites recettes, il y a toujours un peu de disponibilité. Cette situation est due au fait que nous sommes dans le registre du commerce. Lorsqu’on commande les timbres, tout citoyen qui vient pour les acquérir, il n’y a pas une limitation du nombre. Ce qui fait qu’il y a certains qui achètent plus que leurs besoins. On constate qu’il y a des timbres de 100 et 200 francs CFA qui circulent en ville alors que dans nos guichets, il y en n’a pas. Également, les timbres font l’objet de commandes publiques parce qu’ils ne sont pas fabriqués sur place au Burkina Faso. C’est fabriqué sur les mêmes supports que les billets de banque. Et le processus est long également.

Au regard de la lourdeur du processus, pourquoi ne pas mettre en place un autre système ?

Il y a des alternatives dont la dématérialisation du timbre qui est envisagée par le gouvernement. Avec la situation du pays, il y a des projets qui ne peuvent pas aller très rapidement comme on le souhaite. Sinon l’optique, c’est de passer à la dématérialisation avec deux possibilités. La première possibilité, c’est d’avoir des machines à timbrer. La deuxième possibilité, c’est d’avoir des comptes pour les utilisateurs comme un portefeuille de monnaie qu’on peut utiliser à chaque fois qu’on a besoin. La réflexion est en cours. Certainement que le gouvernement va passer bientôt à la dématérialisation des timbres. En attendant, il y a un stock d’urgence avec le fournisseur qui va arriver en cours de semaine prochaine. Nous allons essayer de réglementer un peu la vente pour que les gens n’en fassent pas de la spéculation. Également, nous allons indiquer un lieu où les gens peuvent aller acheter.

Quel est le processus de la dématérialisation ?

Pour dématérialiser, il faut suivre un processus. C’est un marché public qui va être lancé. Il faut faire des commandes. Ensuite, nous allons faire des essais, puis mettre le dispositif en place. Déjà, nous allons essayer dans la mesure du possible de voir comment on peut atténuer les effets de la rupture. Il y a quelques localités qui ont quelques quantités de timbres qu’on est en train de redéployer dans les grands centres. Vous avez vu que La Poste Burkina avait un stock. Dès qu’elle a annoncé qu’il y avait une disponibilité, les gens sont allés tout acheter. Ils sont placés devant les lieux où on les utilise les timbres pour les revendre. Si on prend des mesures tout de suite à leur encontre, les gens diront que nous sommes en train de créer d’autres situations. L’esprit de certains citoyens est à revoir. Si le timbre à une valeur faciale de 200 francs CFA et qu’on le revend à 300 ou 350 francs CFA, c’est exagéré.

Quel est l’impact de cette rupture ?

D’abord pour le citoyen, avec la rupture des timbres, les gens sont obligés d’aller de gauche à droite. Ce qui est quand même difficile pour un citoyen. Ensuite, il y a le temps qu’il faut perdre. Certainement qu’on aurait pu avoir de façon diligente, des actes administratifs au regard de la non disponibilité des timbres. Ça peut prendre un peu plus de temps.

Il faut qu’on puisse aussi interpeller l’ensemble des Burkinabè sur ces questions de pénurie parce que ça devient des situations que des gens favorisent à dessein pour pouvoir avoir de l’argent. Ce n’est pas intéressant dans le contexte dans lequel nous sommes. La vente des timbres est réglementée. En principe, on ne peut pas vendre des timbres en dehors de nos guichets si on n’est pas un distributeur agrée. Mais vous constaterez avec nous qu’il y a des citoyens qui s’approvisionnent et qui vendent à des prix exorbitants.

Du constat général, ce sont les provinces qui approvisionnent la capitale en timbres fiscaux. Où est-ce que les revendeurs se les procurent ?

Lorsque les timbres viennent au niveau de la DGI, nous gérons le stock national. Mais l’ensemble des receveurs, des comptables publics et des percepteurs viennent s’approvisionner. Également, La Poste Burkina qui a une convention avec le ministère pour pouvoir distribuer les timbres. Ce sont des biens qui sont vendus. C’est comme le carburant, lorsqu’il n’y avait pas de pénurie, si vous aller à la station et vous dites que vous voulez 1000 litres, on vous vend la quantité demandée.

Donc, au niveau de nos guichets, les gens viennent acheter le nombre de timbres qu’ils souhaitent. Après, quand nous n’en avons plus, ils se mettent à spéculer. C’est un peu cela la difficulté. Mais comme je l’ai dit, lorsque nous allons avoir le stock la semaine prochaine, nous allons essayer de régler cela en attendant que nous puissions avoir une solution définitive à travers la dématérialisation. La commande ordinaire de chaque année qui est dans le circuit va certainement être approuvée.

Concrètement qu’est-ce qui sera fait pour recadrer la vente des timbres qui seront disponibilisés dans les jours à venir ?

Nous allons dire à nos guichets de ne plus vendre les timbres à volonté. Par exemple, si vous et moi on achète des timbres de 200 pour 1 million de francs CFA, on n’a pas autant d’actes qu’on veut légaliser ou des demandes pour les utiliser. Pour ces situations, on peut, par exemple dire qu’on ne peut pas vendre au-delà d’un certain montant. C’est ce que nous envisageons en comptant aussi sur le civisme et le patriotisme des Burkinabè. Parce qu’on sait que même avec la mise en place des points de vente de vivres à prix sociaux, en exigeant même les CNIB, il y a des gens qui se débrouillent pour envoyer plusieurs personnes pour acheter au fur et à mesure.

Pour la rumeur, cette rupture a un rapport avec la dégradation des relations entre le Burkina Faso et la France. Quelle est votre réponse à cette opinion ?

Cela n’a rien à voir avec la dégradation des relations entre le Burkina Faso et la France. De plus, les timbres ne sont pas fabriqués en France. Cela fait des années qu’ils sont produits au Canada. Je ne sais pas si la France peut interférer dans cette situation. Ce sont des spéculations. Lorsque les commandes sont faites, il y a des délais de livraison qui sont généralement respectés. La difficulté, c’est que les timbres sont fabriqués sur les mêmes supports que les billets de banques. La question de la matière première se pose des fois mais nous avons toujours pu avoir les timbres dans les délais prescrits.

A combien peut-on estimer le besoin en timbres ?

C’est en fonction de la demande. Chaque année, nous avons une certaine quantité de timbres qui sont dépotés. Et c’est en fonction de cela que nous évaluons la commande de chaque année qui est programmée pour son utilisation. Aujourd’hui, les gens demandent mais comme c’est chacun avec ses besoins, on ne peut pas savoir combien de timbres il nous faut. On sait seulement qu’il y a une rupture de timbres. Mais, nous savons qu’il y a toujours des timbres au niveau de certaines recettes même si ce n’est pas beaucoup. Nous avons fait le point des 45 provinces avec quelques départements.

Il vous est reproché le manque de communication sur ce sujet qui ne date pas d’aujourd’hui...

Au niveau de l’administration, on doit communiquer sur certaines situations mais on a besoin aussi de regarder pour avoir des éléments précis et puis ne pas rester dans le sensationnel. Pour nous, il est de la responsabilité de l’administration de permettre que les services puissent être délivrés aux citoyens. Si on a besoin de timbres qu’on puisse les avoir. Mais il y a des éléments aussi qui dépendent du contexte dont il faut suivre les procédures. L’option du gouvernement s’est vraiment d’aller vers la digitalisation.

C’est un processus qui est un peu long et complexe mais qui va nous permettre d’avoir des solutions définitives à long terme. Si on pouvait acheter les timbres sur le marché puis revendre, le gouvernement l’aurait fait. Malheureusement, ce n’est pas possible. C’est comme les billets de banque, on doit les commander pour produire selon les normes de sécurité. Aujourd’hui par exemple, si on a des soupçons, on doit pouvoir certifier si le timbre est vrai ou faux. Ce sont des valeurs comme on le dit dans notre jargon au même titre que les billets de banque.

Lorsque les timbres vont venir la semaine prochaine, nous allons indiquer un lieu où les gens peuvent aller acheter. C’est en ce moment qu’on peut vraiment communiquer. Voilà pourquoi il y a ce timing qui n’est pas également votre timing parce que vous avez besoin d’informer tout de suite et maintenant les gens. Nous, nous avons besoin de plus d’éléments pour pouvoir informer les gens. Nous ne voulons pas aussi créer une panique.

Combien est-ce que l’État injecte dans la commande des timbres ?

Le montant peut être estimé à des centaines de millions de francs CFA ou encore des milliards de francs CFA. Tout dépend du volume de la commande. Vous avez des timbres de 10 000 et 5 000 francs CFA. Si vous voulez 10 millions ou 20 millions de timbres, vous n’allez pas payer la même chose que celui qui veut 100 mille ou 200 mille timbres.

Votre mot de fin…

Je voudrais vous remercier pour la démarche d’information des citoyens. Je voudrais également rassurer l’ensemble de la population que, en ce qui concernent les timbres, des solutions sont envisagées au niveau du gouvernement dont la mise en œuvre va permettre de régler définitivement les problèmes à travers les quantités que nous avons. Comme je l’ai dit, ce sont des valeurs. La commande coûte. Elle est en fonction des besoins.

C’est vrai qu’il peut avoir des fluctuations mais la digitalisation va permettre de résoudre tout cela. Il y a beaucoup de chantiers à la fois. On souhaiterait que les gens puissent avoir aussi un peu d’indulgence vis-à-vis de certaines situations. Et surtout leur demander de ne pas créer des situations de pénurie pour spéculer. Ce sont des actes répréhensibles. Il faudra qu’on évite cela au maximum.

Interview réalisée par Aïssata Laure G. Sidibé
Vidéo et montage vidéo : Auguste Paré
Lefaso.net

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