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Menaces contre la liberté de la presse au Burkina : Des responsables de rédactions pointent une dégradation des conditions de travail

Publié le jeudi 20 octobre 2022 à 21h55min

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Menaces contre la liberté de la presse au Burkina : Des responsables de rédactions pointent une dégradation des conditions de travail

« Régime de Transition : Sauvegarder les libertés individuelles et collectives ! » C’est sous ce thème que le Burkina Faso commémore, ce jeudi 20 octobre 2022, la Journée nationale de la liberté de la presse. Un thème cher aux défenseurs de la liberté d’expression et de la presse qui ont vu des vertes et des pas mûres de janvier à septembre 2022. À l’occasion de cette 24e journée, nous avons recueilli les propos de quatre journalistes. Il s’agit de Samuel Somda de Lefaso.net, Idrissa Birba du journal Le Quotidien, Abdou Zouré de Faso7 et Noufou Kindo de Burkina 24.

Samuel Somda, rédacteur en chef chargé des plateformes numériques de Lefaso.net

« En termes de liberté de presse, il est vrai que je ne suis plus journaliste de terrain depuis très longtemps, mais des informations qui me reviennent, je ne pense pas que le Burkina Faso ait un problème avec l’exercice de ce noble métier de journaliste. Un bémol, toutefois, puisque vous parlez de la transition sous l’égide des militaires depuis janvier 2022, il me revient encore cette rencontre avec l’ancien président du Faso Paul-Henri Damiba, à l’initiative de la présidence. C’était le jeudi 14 avril 2022 à Kosyam, si ma mémoire ne se joue pas de moi.

À cette rencontre entre le lieutenant-colonel Damiba et quelques directeurs de médias et rédacteurs en chef à laquelle j’ai pris part, le président a alors tenu un discours pour le moins surprenant. Au sujet de la lutte contre le terrorisme, il a demandé en des mots à peine voilés qu’il fallait fouler au pied l’éthique et la déontologie qui guident notre métier d’information, pour faire de la communication pour le gouvernement. Sans plus. Cela a alors scandalisé plus d’un. Passé cet impair, chacun est reparti à ses activités avec sa propre religion. Il fallait être dupe de croire que les journalistes lui obéiraient au doigt et à l’œil. En tout cas, au sein de notre rédaction, cela n’a eu aucune incidence sur notre mode opératoire dans notre traitement de l’information.

L’autre fausse note est encore récente qui fait état de ce que notre confrère du groupe Oméga Médias est dans le viseur de certains « inconditionnels du régime en place ». Un de ses animateurs serait ouvertement indexé. Cela me permet d’aborder le volet liberté d’expression. Le cas Oméga n’est pas isolé. Il nous est revenu qu’un leader politique a failli passer de très mauvais moments pour avoir osé contester la volonté dite populaire de répudier le partenaire français pour préférer la Russie (dans le cadre de la coopération militaire). Ce n’est pas toujours le fait de ceux qui nous gouvernent, mais j’ai personnellement fait le constat que beaucoup de nos compatriotes ont du mal à accepter la contradiction. Et tant que nous resterons dans la logique du « si tu n’es pas avec moi, c’est que tu es contre moi », nous nous retrouverons inévitablement dans une dérive suffisamment dangereuse pour ébranler les fondements de la nation. À mon avis, le principe du tiers exclu ne nous grandit pas ».

Idrissa Birba, rédacteur en chef du journal Le quotidien

« La liberté de la presse n’est jamais définitivement acquise. C’est un combat permanent. Vous avez remarqué depuis le coup d’Etat du président Damiba, le 24 janvier 2022, jusqu’ aujourd’hui, la liberté de la presse ne fait que se dégrader dans notre pays. Ce n’est pas moi seul qui le dis. C’est un constat. Plusieurs journalistes ont été molestés dans le cadre de leur travail, plusieurs journalistes ont été menacés et ça continue. Vous avez vu la déclaration du groupe Oméga Médias sur les menaces contre le journaliste Alain Alain et le fondateur du média, Alpha Barry.

C’est malheureux de le dire, mais le contexte sociopolitique influence beaucoup la liberté de la presse. Quand il y a la stabilité et que les institutions fonctionnent normalement, chacun réfléchit par deux fois avant de poser un acte. Mais, quand il y a l’instabilité, chacun se croit tout permis. Avec les réseaux sociaux, les gens en profitent. Ceux qui ne pouvaient pas le faire ouvertement passent par les réseaux sociaux pour proférer des menaces. La liberté de la presse au Burkina s’est considérablement dégradée depuis janvier 2022 et on espère que ceux qui vont venir prendront les dispositions nécessaires pour que la presse puisse travailler convenablement. Il faut une armada institutionnelle, il faut que qu’il y ait une certaine symbiose et une convergence de vues entre les journalistes.

L’armada institutionnelle, ce sont les textes juridiques, les institutions… Depuis Paul-Henry Damiba, le Conseil supérieur de la communication ne fonctionne pratiquement plus, alors que cette institution était là pour réguler et être un tampon entre les citoyens, les journalistes et tout ce qui concerne la communication. On espère qu’avec les nouvelles autorités, tout va changer et que la presse va pouvoir librement exercer son métier qui est, comme on le dit, le quatrième pouvoir. »

Abdou Zouré, co-directeur de publication de Faso7

« D’une manière générale, nous constatons que les libertés individuelles et collectives connaissent des entorses répétées de janvier 2022 à nos jours. Sur le plan de liberté d’expression des citoyens de façon générale, il y a eu plusieurs atteintes de la part des autorités. Il y a eu la coupure par deux fois de la connexion Internet au « Pays des Hommes intègres », l’interdiction des manifestations publiques et la condamnation d’un militant de la société civile, en l’occurrence Ollo Kambou, par la Justice pour ses opinions.

Nous avons également des menaces de mort proférées par des citoyens contre d’autres citoyens du fait de l’expression de leur avis sur la marche du pays. L’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Newton Ahmed Barry, a été menacé de mort et d’atteinte à l’intégrité de son domicile. Nous avons remarqué des Burkinabè se sont donnés le droit de bastonner ou de fouetter d’autres Burkinabè, parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’expression de leur droit de manifester.

Enfin, vous avez noté avec moi cet autre militant de la société civile qui a vu sa voiture être incendiée à cause de ses prises de position publiques.
Sur le plan de la liberté de la presse, la situation n’est guère meilleure. Le code pénal modifié continue de planer sur la tête des journalistes comme une épée de Damoclès, les poussant à l’autocensure en ce qui concerne la couverture de l’actualité sécuritaire.

Des journalistes sont menacés dans l’exercice de leurs fonctions. Et les exemples sont malheureusement nombreux. Vous avez notre confrère Bernard Bougma de la télé 3TV qui a fait cas de menace contre sa personne. Vous avez tout fraîchement le cas du journaliste/animateur d’Oméga Médias, Alain Alain, qui a été ouvertement menacé pour l’une de ses chroniques. Sans compter des médias en ligne qui sont souvent apostrophés par des internautes, sur leurs pages Facebook, à cause de leur ligne éditoriale ou simplement à cause des informations qu’ils ont publiées.
La trajectoire est assez inquiétante et nous espérons que les Burkinabè et leurs dirigeants vont rapidement rectifier le tir pour que la plus grande atteinte à nos libertés, et la plus grave d’ailleurs, c’est-à-dire le terrorisme, ne trouve pas des renforts qui seraient véritablement dommageables à notre vivre ensemble. »

Noufou Kindo, rédacteur en chef de Burkina 24

« Le Burkina Faso occupe jusque-là une place honorable en matière de liberté de la presse. En 2021 selon RSF, le pays occupait la première place en Afrique francophone. Mais la liberté de presse s’exerce difficilement au Burkina Faso, il faut le reconnaître. Cela est marqué entre autres par l’interdiction de filmer le président Paul-Henri Damiba à l’époque avant d’être rectifiée, en plus de la quasi-impossibilité pour les médias de couvrir des activités présidées par le président Damiba.

Il y a aussi des limites dans la diffusion des informations sur le terrorisme avec la révision du Code pénal ; la supposée présence d’une liste de personnes à faire taire encore sous le président Damiba, vu que la rumeur n’a pas officiellement été démentie par les autorités. Il y a également des menaces contre certains journalistes ou hommes de médias sous le président Damiba. Récemment avec le groupe Oméga Médias et même une conférence de presse sur le dossier “Lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana” a été boycottée, hier 19 octobre, parce qu’un organisateur a rejeté la question d’un journaliste dans un ton pas trop catholique.

Sur le plan collectif, on voit la difficulté dans la régulation des réseaux sociaux, etc. Cependant, avec le capitaine Ibrahim Traoré, on espère que les journalistes auront un environnement juridique et institutionnel favorable à l’exercice de leur métier, vu que déjà les journalistes sont associés à des couvertures d’activités présidées par le capitaine Traoré. »

Propos recueillis par Fredo Bassolé
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 21 octobre 2022 à 08:24, par TANGA En réponse à : Menaces contre la liberté de la presse au Burkina : Des responsables de rédaction pointent une dégradation des conditions de travail

    Il y a des gens, quand on leur donne la main ils prennent tout le bras.
    Libertés d’informer, de s’exprimer n’est pas liberté d’insulter ni de traiter l’autre de X ou Y. Ce ne sont pas des libertés e juger mais plutôt de dire ce que l’on voit et c’est à celui qui écoute de juger pour lui-même.
    On appel quatrième pouvoir la presse par ce qu’elle est capable de par son opinion propre de conduire les peuples sur une voie. pourtant, elle devait s’arrêter à l’information telle qu’elle est. Certaine presses bien averties ajoute ’’NDR’’ (Note de la rédaction) pour faire comprendre que c’est leurs dires et non ce qui a été observé. Ca par exemple c’est du professionnalisme. Mais quand on analyse soit même et on vient vous dire que c’est ce qui a été vu, ça laisse à désirer ; surtout que nous sommes dans des pays où la capacité de compréhension est liée au niveau scolaire des lecteurs et lecteurs. bref.
    Ayez quand le courage d’avoir tord de temps en temps car cela vous grandira et vous rendra plus crédibles.

  • Le 21 octobre 2022 à 09:19, par Sonni ALIBER En réponse à : Menaces contre la liberté de la presse au Burkina : Des responsables de rédactions pointent une dégradation des conditions de travail

    VOUS ÊTES VRAIMENT PERDU 😡 /CE PAYS LE BURKINA FASO 🇧🇫 N’A MÊME PAS DE LIBERTÉ ET VOUS NOUS INVITEZ À PARLER DE LIBERTÉ DE LA PRESSE /c’est le degré 0 de l’imaginaire de la part de vous soit disants journalistes !De quoi ?Peut être que certains quotidiens de la place sont financés DIRECTEMENT PAR L’IMPÉRIALISME FRANÇAIS ET AMÉRICAIN !Le combat de l’heure c’est la liberté et la sécurité du pays,car ce pays peut devenir l’azawad tant rêvé par les français pour les Touareg de KIDAL //

  • Le 21 octobre 2022 à 09:30, par PIONG YANG En réponse à : Menaces contre la liberté de la presse au Burkina : Des responsables de rédactions pointent une dégradation des conditions de travail

    J’ai un amour pour la liberté d’expression. Elle est aussi vitale que la nourriture. Cependant, pour qu’elle produise de doux fruits, ils faut des citoyens éduqués, instruits, qui ont un minimum de discernement. Autrement, on a ce que nous vivons : un désordre morbide où la manipulation et les fake news gouverne presque la pays. Cela ne tiendra pas et constitue une menace pour tous.

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