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Nadine Koné, Directrice pays de l’ONG Diakonia au Burkina Faso : « Il est de la responsabilité de tous les Burkinabè de travailler pour préserver la paix et le vivre-ensemble »

Publié le dimanche 12 juillet 2020 à 21h30min

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Nadine Koné, Directrice pays de l’ONG Diakonia au Burkina Faso : « Il est de la responsabilité de tous les Burkinabè de travailler pour préserver la paix et le vivre-ensemble »

Diakonia, une ONG suédoise installée au Burkina Faso depuis plusieurs années, s’investit pour plus d’équité et de justice dans la société. Cela, à travers plusieurs programmes qui portent sur les renforcements de la gouvernance démocratique, de la responsabilité socio-économique et de la résilience aux catastrophes. Pour en savoir davantage, nous avons rencontré sa directrice pour le Burkina, Mme Nadine Koné.

Pouvez-vous nous rappeler ce que signifie Diakonia ?

Diakonia est une Organisation Non Gouvernementale suédoise dont l’action fondamentale est de contribuer à bâtir des sociétés justes et équitables. Pour cela, Diakonia s’est fixé pour mission d’inverser les dynamiques susceptibles de miner le développement des Etats et l’épanouissement des individus, telles que l’injustice, le manque de transparence, etc. La transparence, la démocratie, et la justice font partie des valeurs de Diakonia qui travaille à l’implication de toutes les parties prenantes en l’occurrence, les détenteurs de droits dans la construction d’un monde plus juste et plus équitable.

"Diakonia" est tiré du grec et signifie « soins » ou « service ». Le travail de Diakonia prend en compte les besoins des détenteurs de droits. Notre approche est basée sur les droits humains.

Diakonia compte plus de 300 organisations partenaires dans une trentaine de pays dont le Burkina Faso. Implantée dans notre pays depuis plus de 30 ans, nous collaborons avec une quarantaine d’organisations, associations et institutions partenaires.

Quels sont les principaux programmes de Diakonia au Burkina ?

Nous mettons actuellement en œuvre trois (3) Programmes axés sur six (6) domaines d’intervention. Il s’agit essentiellement du :
-  Programme 1 : « Renforcement de la Gouvernance Démocratique au Burkina Faso » qui renferme les 5 domaines d’intervention suivants : les Droits Humains, la Démocratie, la Transparence, l’Egalité des sexes, les Conflits et la justice.
-  Programme 2 : « Renforcement de la responsabilité socio-économique au Burkina » qui s’articule autour de deux domaines d’intervention : la Justice sociale et économique et la résilience.
-  Programme 3 : « Renforcement de la réponse d’urgence et de la résilience aux catastrophes » dont le domaine d’intervention est l’humanitaire.
De façon plus spécifique, nous exécutons les programmes ci-dessous dénommés
-  Programme Justice Economique et Social (JES)
-  Programme Education pour le Changement Social
-  Programme de renforcement de la redevabilité politique et économique : monitoring citoyen des politiques publiques à travers les TIC « PRESIMETRE »
-  Programme Fonds Commun Genre dont nous sommes le Gestionnaire
-  Programme d’Appui au Processus Electoral (PAPE)
-  Programme pour le Renforcement de l’engagement citoyen et de la responsabilité des gouvernants dans la mise en œuvre de la politique de l’Assurance Maladie Universelle

Quel bilan pouvez-vous faire de la mise en œuvre de ces programmes ?

Il serait assez difficile pour nous de faire ici un bilan exhaustif de la mise en œuvre de tous nos programmes. Cependant, nous pouvons vous dire, sur la base d’évaluations d’un certain nombre de nos actions sur le terrain, que nous sommes parvenus, conformément à notre mandat qui est de réduire la vulnérabilité et renforcer la résilience d’un certain nombre de détenteurs de droits, parmi les plus vulnérables, à travers notamment nos actions dans le domaine de la promotion de la justice du genre, la protection des droits humains, et la réponse humanitaire.

Nous avons aussi apporté notre modeste contribution pour l’ancrage démocratique et la culture de la redevabilité à travers notre programme d’appui au processus électoral et celui sur le suivi citoyen de la mise en œuvre des engagements du Président dénommé, PRESIMETRE. Les actions et efforts conjugués de tous les acteurs, nous ont permis d’avoir des élections apaisées et acceptées en 2015. Nos émissions « dialogue citoyen » animées mensuellement sur la RTB et les actions de redevabilité au niveau communautaire permettent aux gouvernants (Ministres et élus locaux) de rendre compte de leur gestion et de la mise en œuvre des engagements du Président dont ils ont la charge.

En matière de la justice de genre, nos actions sur la question ont permis à certaines femmes et filles d’amorcer des activités génératrices de revenus et des actions d’insertion socioprofessionnelle. Ces acquis sont à mettre à l’actif de tous les partenaires de Diakonia. Ils sont aussi le résultat de l’engagement des détenteurs de droits qui prennent une part active pour inverser la tendance et changer les structures qui les maintiennent dans la pauvreté. Il s’agit-là de quelques résultats qui méritent renforcement, soutien et pérennisation.

Rencontrez-vous des difficultés particulières dans la mise en œuvre de ces programmes ?

Encore une fois, nous saluons la collaboration dont nous bénéficions de la part des autorités de notre pays, mais aussi du soutien que nous avons auprès des PTFs et de nos partenaires locaux. En termes de difficultés, nous pensons pouvoir dire que nous faisons face aujourd’hui aux mêmes défis que tous les autres acteurs avec lesquels nous travaillons, y compris les communautés. C’est pour vous dire que nous avons dû suspendre ou annuler certaines de nos activités en raison de l’insécurité qui prévaut dans plusieurs zones de notre pays. Plus récemment, la pandémie du Covid 19 a également impacté nos interventions.
Néanmoins il va sans dire que nous ne pouvons pas rester insensibles et indifférents à la situation que vivent les populations du Burkina Faso qui font courageusement et dignement face à tous les défis.

A travers nos partenaires nous travaillons au sein des communautés, avec des hommes, des femmes, des jeunes qui sont plus ou moins exposés à ces différents risques, nous essayons donc d’en tenir compte dans les différentes actions que nous menons tout en veillant au respect de la dignité des détenteurs de droits en faveur desquels nous agissons

Quels sont vos principaux partenaires ?

Diakonia Burina Faso a deux catégories de partenaires : les partenaires techniques et financiers (PTFs) d’une part, et les partenaires de mise en œuvre avec qui nous collaborons pour la réalisation des actions sur le terrain. Pour les PTFs, nous en avons plusieurs. Les plus réguliers et actuels sont entre autres l’Ambassade de Suède au Burkina Faso, la Délégation de l’Union Européenne, l’Ambassade Royale du Danemark, le Bureau de la Coopération Suisse, l’UNICEF, la Hewlett Foundation, l’UNFPA.
Concernant les partenaires de mise en œuvre, nous en avons une quarantaine repartie dans sur l’ensemble du territoire et réunissant une grande diversité de profils, de compétences et de domaines d’interventions. Cela vous laisse donc voir que nos actions couvrent véritablement l’ensemble du territoire national.
Envers tous ces partenaires, nous sommes reconnaissants pour la confiance et l’engagement soutenus à notre endroit. Nous travaillons à renforcer les assises d’une société civile plurielle et forte au Burkina Faso capable de produire des changements durables pour le bien-être des populations de nos villes et campagnes.

Nous sommes dans une année électorale qui s’annonce avec beaucoup de défis : quelle est votre implication dans leur organisation ?

Tout comme en 2015, nous avons encore bénéficié de l’appui financier de nos bailleurs de fonds pour soutenir le processus électoral. Plusieurs actions sont déjà en cours de mise en œuvre sur le terrain pour éduquer, sensibiliser et motiver les citoyens burkinabè à prendre activement part au processus électoral (inscriptions sur les listes électorales) pour parvenir à des élections libres, transparentes et apaisées en novembre 2020. Nous menons ces actions en collaboration avec près d’une quinzaine d’organisations de la société civile dont, la Convention des Organisation de la Société Civile pour l’Observation Domestique des élections (CODEL).

Comment appréciez-vous la liberté d’expression au Burkina Faso ?

La liberté d’expression est une quête permanente. Cependant, nous pouvons dire sur la base d’un certain nombre de constats, que la situation n’est pas très alarmante dans notre pays même s’il y a encore des progrès à faire. Nous notons de temps en temps quelques dérives tels que des incitations à la haine, les appels à la violence ou à porter atteinte aux droits de certains défenseurs de droits humains, notamment sur les réseaux sociaux. Il s’agit-là de pratiques condamnables à tout point de vue. Mais nous pensons également qu’on ne devrait pas remettre totalement en cause la liberté d’expression d’un grand pan de la société sous prétexte qu’il y a des brebis galeuses. Il est de la responsabilité de tous les Burkinabè (gouvernants, gouvernés, leaders politiques et communautaires) de travailler pour préserver la paix et le vivre-ensemble dans notre pays.

Quelle est votre lecture de la participation politique des jeunes au Burkina ?

Il est évident que les jeunes constituent une proportion très importante de la population de notre pays. Les jeunes sont également l’un des maillons forts du processus électoral. Cependant, lorsque nous observons les statistiques et la représentativité au niveau politique, nous nous rendons compte que les jeunes sous presqu’absents des instances de décisions. Les statistiques nous montrent que la frange des jeunes représente près d’un tiers de la population burkinabè à prédominance féminine (53%). Plus de 60% des jeunes ont moins de 25 ans.

Malheureusement, en observant de près les chiffres, on se rend compte que les jeunes ne sont pas vraiment présents ni au gouvernement, ni à l’Assemblée Nationale. En effet, le plus jeune ministre du gouvernement a 41 ans. À l’Assemblée nationale (en place depuis décembre 2015), les deux plus jeunes députés ont respectivement 38 et 39 ans. Il faut noter que la Charte africaine de la jeunesse définit comme « jeune » toute personne âgée de 15 à 35 ans. Il y a par conséquent encore des efforts à faire pour encourager, acter et capter la participation effective des jeunes dans les instances de décision dans notre pays.

Avez-vous l’impression qu’il émerge des femmes politiques au Burkina ?

Tout comme les jeunes, les femmes burkinabè sont peu présentes dans les instances de décision politiques bien qu’elles constituent la majorité de la population (52%). Nous avons à peu près 11% de femmes à l’Assemblée nationale (AN), 14% dans les conseils municipaux et 3% de femmes maires au Burkina Faso. Les hommes occupent plus de 80% des postes de responsabilité politico-administratifs. Malgré cette situation, il faut dire que le choses évoluent tant bien que mal : nous voyons de plus en plus de femmes leaders qui émergent dans la sphère politique et des actions sont en en cours pour soutenir l’engagement et le leadership féminin au Burkina Faso.

La question sécuritaire est aujourd’hui une grosse préoccupation au Burkina ; que préconise Diakonia ?

La situation sécuritaire du Burkina est effectivement de plus en plus préoccupante. Nous avons une pensée pour toutes les victimes des attaques des groupes armés. Nous présentons nos condoléances aux familles éplorées tant du côté des forces de défense et de sécurité que des populations civiles.

Nous notons avec consternation l’accroissement du nombre de personnes déplacés internes, avec comme conséquence l’aggravation de la vulnérabilité au sein des communautés, notamment en ce qui concerne les femmes et les enfants.
Comme déjà mentionnée ci-dessus, Diakonia met en œuvre un programme humanitaire et de renforcement de la résilience des communautés, au travers duquel, nous menons quelques actions en réponses aux différentes crises qui affectent les populations.
Le programme PRESIMETRE développe également des actions en lien avec la cohésion sociale, la résolution des conflits communautaires et le dialogue au sein des communautés.

Nous avons aussi des partenaires tels que, l’Institut Free Afrik et le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD) qui ont contribué à l’élaboration de la politique de sécurité nationale.
Nous encourageons tous les acteurs à œuvrer davantage pour la paix dans notre pays, dans le respect des droits humains

Et pour finir ?

Avant de clore nos propos, nous tenons à remercier nos partenaires techniques et financiers qui nous font confiance ainsi que l’ensemble des partenaires de mise en œuvre de nos programmes pour la qualité de la collaboration. Nous vous remercions également pour l’opportunité que vous nous avez offerte de pouvoir mieux faire connaitre notre organisation. Pour finir, nous en appelons à la responsabilité individuelle et collective des Burkinabè pour relever les défis auxquels fait face notre pays. Nous souhaitons que les différents obstacles qui se dressent sur le chemin des uns et des autres, soient considérés non pas comme une cause de résignation, mais plutôt comme un appel à redoubler d’effort pour la construction d’un Burkina Faso résilient, reposant sur les piliers de la démocratie et de la bonne gouvernance. Nous vous remercions.

Entretien réalisé par E. K. Samboé
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