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Burkina Faso : Il y a Un an, le coup d’Etat le plus bête du monde ! (1/2)

Publié le vendredi 16 septembre 2016 à 01h40min

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Burkina Faso : Il y a Un an, le coup d’Etat le plus bête du monde ! (1/2)

Ils avaient fini par franchir le Rubicon cette fois. Le suspens n’avait que trop duré. A plusieurs reprises la soldatesque avait interrompu l’hebdomadaire conseil des ministres. Mais ce 16 septembre 2015, le Régiment de sécurité présidentielle en faisant irruption dans la salle où tous les ministres du gouvernement étaient réunis autour du président Michel Kafando, ils ne demandaient plus la tête de leur ancien compagnon d’armes et depuis Premier ministre Yacouba Isaac Zida. Non, ils avaient décidé ‘’de prendre leur responsabilité’’ en interrompant brusquement un processus qui était pratiquement à terme. La transition était comme fragile, comme un œuf que des millions de Burkinabè tenaient et protégeaient, mais l’ex garde prétorienne elle a décidé de lui tirer une balle.

Elle était fragile, cette transition. Les maitres d’hier avaient perdu le pouvoir et tous les avantages dont ils jouissaient depuis plus d’un quart de siècle. Difficile dès lors d’encaisser le coup.

Les troubles à la bonne marche de la transition commencent le 30 décembre 2014. Le Premier ministre Isaac Yacouba Zida, ancien cadre du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) est dans le collimateur de ses anciens compagnons d’armes. Il est sommé de venir ‘’s’expliquer’’ sur les velléités des nouvelles autorités de dissoudre leur unité.

Quelques mois après, soit le 4 février 2015, des rumeurs font état de menaces d’éléments du RSP contre le Premier ministre, obligeant le chef du gouvernement à se réfugier chez le Mogho Naaba et entraînant l’annulation du conseil des ministres. Cette fois, ils protestent contre les nominations intervenues dans la chaîne de commandement. Bien sûr les revendications pécuniaires sont également sur la table. Mais en réalité, c’est une guerre de clans qui se mène dans les tranchées entre le chef du gouvernement et son ancien patron le Gal. Gilbert Diendéré duquel il s’est affranchi depuis.

Quelques mois après encore, en juillet, la crise la plus longue survenait. Et « Papy » Kafando fatigué de se faire tourner en bourrique tranche. Un remaniement ministériel. Les insoumis demandaient le départ de Yacouba Isaac Zida et de tous les militaires du gouvernement. Finalement, c’est la tête de celui qui était considéré comme l’homme de main du PM, le ministre de la sécurité Denise Auguste Barry qui quitte l’équipe gouvernementale.

C’est un véritable jeu de cache-cache à la tête de l’Etat. Dès lors, chaque mercredi, tous les regards et les oreilles étaient tournés vers le palais présidentiel. Pas que les Burkinabè attendaient impatiemment le compte rendu du conseil des ministres, mais pour s’assurer que la soldatesque n’interromprait pas les travaux. Elle pouvait le faire comme elle voulait. Qui pouvait empêcher cette unité qualifiée d’élite de faire ce qu’elle veut, comme elle veut et quand elle veut ?

Chat échaudé craignant l’eau froide, le gouvernement trouve dès lors, la parade de tenir certains conseils de ministres en province, « pour être proche des populations et de leurs préoccupations ».

Il a fallu un autre conseil des ministres au palais présidentiel le 16 septembre 2015, pour que les bruits de bottes se fassent entendre, à nouveau. Les hommes font irruption dans la salle du conseil, aux environs de 14h 30. Le président Michel Kafando, le premier ministre Yacouba Isaac Zida et d’autres ministres sont pris en otage. Le téléchargement de la restauration était lancé.

Des heures d’incertitudes

Pendant les heures qui suivent, le Burkina Faso vit des moments d’incertitudes. Aucun communiqué, aucune autorité pour expliquer la situation qui prévaut. Les journalistes essaient alors d’aller aux nouvelles. Ils ne tardent pas à comprendre que cette fois ‘’l’affaire est grave’’. Aux derniers feux tricolores avant le palais, à la hauteur de la télévision BF1, les éléments du RSP sont armés, et affichent leurs intentions. Des journalistes et d’autres curieux sont matés. Certaines radios sont sommées d’arrêter toute émission.

Comme une trainée de poudre, la nouvelle s’étend dans les quartiers de la capitale, dans tout le pays et même au-delà des frontières du pays. Des tentatives de regroupements, au départ pour juste demander la libération des autorités prises en otages se soldent par des échecs. On ne disperse pas les manifestants à coups de gaz lacrymogène, mais par des tirs à balles réelles. Des crépitements de balles se font entendre, un peu partout. Le Burkina retient son souffle.

Une fois de plus le pays fait la Une, après les événements des 30 et 31 octobre 2014. Le soleil tombe sur la capitale, et ce que chacun se refusait à admettre se précise. Il s’agit bel et bien d’un putsch, ce d’autant plus que le dialogue engagé avec les protagonistes, durant toute la nuit par la haute hiérarchie militaire ne donne rien. Le putsch est consommé, le RSP a décidé de prendre ses responsabilités. Mais jusque-là, pas de visage de celui qui a osé !

La nuit porte conseils, dit-on. La nuit du 16 au 17 septembre a surtout été celle des questionnements. Pourquoi ont-ils osé faire ça à seulement trois jours de l’ouverture de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives du 11 octobre 2015 ? Ce scrutin tant attendu qui devrait consacrer le retour à une vie constitutionnelle normale ? A qui profite ce putsch qu’en chœur les Burkinabè et pas seulement, ont qualifié de plus bête du monde ?

La transition était loin d’être parfaite. Elle a pêché sur plusieurs fronts, certains acteurs se sont progressivement éloignés des idéaux de l’insurrection populaire, mais le jeu en valait-il la chandelle ?

En tout cas, la journée du 17 septembre 2015 donnait l’occasion au peuple burkinabè de prouver que l’insurrection populaire était loin d’être un hasard. Les jeunes qui pour la plupart n’ont jamais connu de coup d’Etat allaient montrer que face à la férule humiliante du RSP, ils étaient prêts, mains nues pour démontrer que la forfaiture ne passerait pas par eux. Ils allaient prendre eux aussi « leurs responsabilités ».

Rendez-vous dans la deuxième partie pour revivre cette journée du 17 septembre 2015 teintée de communiqués, de contre-communiqués, de tirs à balles réelles, de morts, de blessés, de condamnations tous azimuts et surtout de résistance !

Tiga Cheick Sawadogo (tigacheick@hotmail.fr)
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