Les législateurs africains ont tenté de définir le terrorisme dans leur arsenal juridique respectif mais en réalité dans la plupart des cas, ce sont plutôt des textes codifiés et taillés sur mesure pour contenir les manifestations sociopolitiques des opposants et des syndicats afin de se prémunir des situations insurrectionnelles ; il ya même des Nations dites démocratiques comme Israël par exemple qui n’hésitent pas à assimiler à des terroristes les organisations politiques qui œuvrent pour l’indépendance de leur territoire ( le HAMAS). Tout cela complique l’acceptation d’une définition universelle. Retenons tout simplement que le terrorisme c’est entre autre ce que nous avons vécu le 15 Janvier 2016 à Ouagadougou. La France et le Mali ont connu l’horreur en Novembre 2015 ; la Côte D’Ivoire et la Belgique ont subi le même sort tragique les 14 et 22 mars 2016 ; au Niger, Nigeria, Cameroun…, les terroristes revêtus du manteau de Boko Haram attaquent, frappent et tuent en moyenne toutes les 48heures !! En Syrie et en Irak, les attaques et les tueries terroristes sont quasi-quotidiennes.

De nos jours, l’accent est mis sur le volet « lutte contre le terrorisme ». Les grandes réunions internationales sont essentiellement axées sur la lutte contre le terrorisme ; rares sont les colloques internationaux qui se penchent sur la ou les cause du terrorisme et de son expansion ; pour comprendre pourquoi le terrorisme perdure et gagne du terrain, il est important de citer quelques causes de cette émergence ; j’en vois deux principalement :

1. La volonté d’un groupe minoritaire d’individus se réclamant de l’Islam radical d’instaurer de gré ou de force dans le monde entier une gouvernance Islamiste dont le fondement essentiel serait la Charia, leur Charia
Refuser cette gouvernance c’est être à leurs yeux « un mécréant » à éliminer par tous les moyens. Naturellement, la lutte sera longue car aucun peuple, aucune Nation ne peut accepter qu’un groupe d’individus laïcs ou religieux, lui impose une gouvernance contre son gré, sa culture et son Histoire.
Ce serait de l’oppression d’où la résistance et le refus des Nations et peuples contre ce courant erroné minoritaire.

2. L’autre cause du terrorisme et de son ascension ce sont les comportements de certaines grandes Nations et leur volonté d’imposer leurs « normes », leur « civilisation », leur « vérité », leur « modèle » aux petits Etats.
Cette vision est également erronée et philosophiquement, elle s’apparente à celle décrite plus haut :

 En effet, c’est l’intervention injustifiée Américaine en Irak sous le règne de Bush fils qui a conduit à l’émergence et au rayonnement d’Al-Qaïda puis à la naissance de Daesh ( Etat Islamique) ; ce fut une intervention sans base légale, subjective, inutile et aux conséquences désastreuses pour l’Irak, ses voisins et pour le monde entier ; elle a conduit à l’exclusion politico religieuse de la communauté Sunnite et des partisans de feu Sadam Hussein de la gestion politique du pays. Les Chiites règnent en maîtres absolus et instaurent une gestion politico communautariste ; quand l’allié Américain s’est rendu compte de l’erreur, c’était trop tard ! l’administration du Président OBAMA qui était contre cette guerre insensée a tenté de ramener les Chiites à la raison mais le mal était déjà fait : la partition de fait du pays était déjà consommée.

Outre Al-Qaïda, un autre groupe terroriste aussi cruel et violent voit le jour : l’Etat Islamique (EI) ou Daesh en Arabe ; il est composé essentiellement des Sunnites et des pro- Sadam Hussein déçus. L’EI s’empare de vastes et riches territoires du pays et étend ses tentacules en Asie, en Afrique (Boko Haram) et en Europe.

Tant que certaines grandes Nations continueront de se comporter en gendarmes du monde, en parangon de la civilisation, des peuples et des Nations seront frustrés et humiliés ; de ces frustrations et humiliations naîtront les radicalismes puis les terrorismes.

 La guerre en Syrie est aussi l’une des causes de l’expansion terroriste ; ce fut d’abord des manifestations pacifiques des citoyens Syriens contre le régime autoritaire du Président Bachar El-Assad pour une meilleure gouvernance du pays ; puis des manifestations violentes et armées et enfin la guerre civile. Aussitôt, des Nations occidentales, les monarchies du golf et l’Iran s’ingèrent dans le conflit. Malgré les avertissements des autorités légales et légitimes de Syrie, les occidentaux et leurs alliés du golf ont fermé les yeux, bouché les oreilles et minimisé la capacité de nuisance des terroristes déjà infiltrés dans le conflit Syrien ; très intelligents et bien organisés, les terroristes infiltrent d’abord l’opposition armée Syrienne pro-occidentale, s’emparent ensuite des armes les plus sophistiquées que les occidentaux (Américains en tête) ont livrées à l’opposition ; une fois les armes Américaines, Britanniques Saoudiennes, Françaises… confisquées, les terroristes de l’EI et Al-Nostra (branche Syrienne d’Al-Qaïda ) mâtent l’opposition pro-occidentale (l’alliée d’hier), occupent sans grande difficulté de vastes territoires Syriens immensément riches en pétrole (Alep, Palmyre, Raka…) et menacent Damas la capitale. Mais les terroristes ne réussiront pas à prendre Damas grâce fort heureusement à l’armée Russe appelée au secours par le régime Syrien ; tout cet exploit des terroristes a été rendu possible à causse des ingérences et des immixtions des puissances étrangères dans le conflit interne Syrien. Les terroristes ne pouvaient pas conquérir autant de territoires en Syrie s’ils n’avaient pas eu ces armes sophistiquées des occidentaux ! Et ce n’est pas tout : le candidat à l’élection présidentielle Américaine M. Donald Trump a indiqué au cours d’un récent meeting que « plus de 20.000 tonnes de matériel et d’équipements militaires destinés à Daesh en Syrie et en Irak en provenance du Royaume Uni ont été interceptés par la Douane espagnole ».Cela se passe de tout commentaire !

 La même erreur interventionniste a été commise en Libye en 2011. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les terroristes émergent, rayonnent et contrôlent de nos jours une grande partie du pays. La Libye est divisée, disloquée en trois mini Etats ; chaque groupe a sa Libye et dicte sa loi.
La Libye jadis prospère et en paix a laissé la place à la misère et au chaos. Les terroristes profitent recruter à bon marché et tel un cancer, étendent leurs métastases à la Tunisie, à l’Egypte, au Niger etc… ;
Comme on le voit, ces quelques exemples montrent que les ingérences, les immixtions et les interventions de certaines grandes Nations dans la gouvernance interne des petites Nations sont les causes de l’expansion terroriste à travers le monde.
Pour empêcher le terrorisme de gagner le terrain, il est donc impérieux de mettre fin aux ingérences et aux interventions intempestives et illégales des grandes Nations. Au cas où l’intervention s’avère nécessaire, il serait sage de laisser l’O.N.U s’en charger conformément aux dispositions de sa Charte. Dans le cas contraire, le terrorisme aura encore malheureusement de beaux jours devant lui et les Etats interventionnistes, « parangons de tout » en seraient des complices objectifs.

Au Burkina Faso, les terroristes ont lâchement frappé le 15 janvier 2016 ; Al-Qaïda au Magreb Islamique (AQMI) a revendiqué les attaques.
AQMI reproche au pays des hommes intègres d’abriter des bases étrangères qui traquent ses « combattants » au Sahel. Quelques semaines après les horribles et barbares attaques de Ouaga, la France, depuis la capitale d’un pays voisin, annonce le renforcement de sa base militaire au Burkina Faso par l’envoi des gendarmes du G.1.G.N. Cette annonce si elle se concrétise, exposera davantage notre pays au terrorisme ; elle s’apparente à un défi lancé aux terroristes voire à la provocation. Si ne pas négocier avec les terroristes semble compréhensible et acceptable, les provoquer ou les mettre à l’épreuve est une sottise.

Fort heureusement, le président du Faso lors d’une conférence de presse tenue le 03 avril 2016 a exprimé son mécontentement sur la procédure de l’annonce de l’envoi des gendarmes français. En visite en France, du 5 au 7 avril 2016, le président Roch Marc Christian Kaboré, a également refusé le principe de déploiement des gendarmes du GIGN ; c’est une décision à saluer, mais il devrait avoir le courage de demander le retrait pur et simple de la base militaire française installée sur notre sol depuis 2010.
Le peuple burkinabè a toléré la présence de la base française sur notre sol parce qu’il pensait que cette présence était temporaire. En 2013, j’ai eu l’honneur d’être reçu en audience par le président Blaise COMPAORE ; au cours de nos échanges je lui ai signifié que mon association le Mouvement de la Paix désapprouvait la présence des bases militaires étrangères dans notre pays. Le président COMPAORE me dit ceci : « Docteur, la base dont vous faites allusion est de durée limitée ; elle est ponctuelle… ; après le 31 décembre 2014, il n’y aura aucun militaire étranger dans le pays exceptée une dizaine d’instructeurs… » Le Président COMPAORE a été renversé en octobre 2014 par un coup d’Etat militaro-civil suite à une insurrection populaire inachevée. Nous sommes en 2016 et la base française est toujours présente. Dés lors on se demande qui a bien pu renouveler le contrat. Les autorités de la transition ou celles de la IVème République du président Rock Marc Christian KABORE ?? Pour ma part, qu’importe les auteurs de cette prolongation du contrat, c’est une erreur. Il est important de respecter cette jurisprudence que le président Maurice YAMEOGO nous a léguée : en 1965, il a courageusement demandé et obtenu des français le retrait de la base militaire française de notre pays.

Les bases militaires étrangères n’ont jamais renforcé ni l’indépendance, ni la souveraineté, ni le bien être des populations du pays qui les abrite ; les bases étrangères sont un lourd fardeau pour le trésor public ; elles sont budgétivores ; elles créent un complexe d’infériorité au sein des forces armées locales et finissent par s’ingérer dans les questions politiques internes du pays hôte.

L’époque paternaliste est révolue ; les peuples veulent jouir de leur indépendance et de leur souveraineté ; il est donc souhaitable que la France comprenne cela et procède au retrait volontaire et dans un délai raisonnable de sa base militaire de notre sol. Une autre approche de la coopération militaire dans la lutte contre le terrorisme devrait être élaborée. La présence physique dans notre pays des soldats Français, Américains ou Russes n’est pas nécessaire pour lutter efficacement contre le terrorisme. Le Burkina Faso a suffisamment des hommes et des femmes valeureux et courageux pour affronter les terroristes même des plus cruels. Ce dont le pays a besoin pour mener avec succès cette lutte se résume aux dix points suivants :
 Des moyens logistiques, civils et militaires en quantité ;
 Des équipements militaires performants ;
 Des armes de guerre sophistiquées à l’instar de celles livrées à l’opposition Syrienne ;
 Des hélicoptères et des avions de guerre modernes ;
 La formation de nos soldats dans les grandes et meilleures écoles militaires à l’étranger afin de bénéficier de l’expérience et de l’expertise du pays formateur ;
 La formation des magistrats en nombre suffisant sur les questions du terrorisme ;
 La formation des agents dans le domaine de la police scientifique (médecins légistes, spécialistes d’ADN…). A ce jour, le Burkina Faso ne compte que deux (02) médecins légistes pour 15 millions d’habitants et zéro spécialiste en ADN ;
 L’élaboration d’un fichier biométrique (empreinte digitale) de toute personne âgée de dix ans au moins vivant sur notre sol ;
 La formation des journalistes et des communicateurs sur les questions du terrorisme ;
 La formation et la spécialisation des éléments des forces de défense et de sécurité dans le domaine des renseignements.
La coopération militaire de notre pays avec une autre puissance militaire du Nord devrait viser la réalisation de ces dix points. Tant que ce minimum n’est pas accompli, il est illusoire de croire à une victoire rapide et complète sur le terrorisme.

Au total, la lutte contre le terrorisme et son éradication au Burkina Faso, dans la sous région et dans le monde sera de longue haleine, de longue durée. L’une des meilleures réponses au terrorisme dans notre pays est l’édification d’une armée nationale forte et la formation transversale des civils et des forces de défense et de sécurité sur les questions du terrorisme. Il est impossible de construire une armée nationale forte en lui greffant des armées auxiliaires étrangères.

Au niveau mondial, les grandes Nations qui sont atteintes du « virus interventionniste » devraient se ressaisir, revisiter leur gouvernance politico- militaire et éviter de se comporter en Cow Boy, en parangon « de la civilisation et de la démocratie ».

Quant à ceux qui se réclament de l’Islam radical et qui veulent imposer au monde entier leur Califat et leur charia comme gouvernance universelle, ils se trompent et baignent dans un immense samsa rasagara car nulle Nation, nul peuple ne veut vivre dans une gouvernance imposée contraire à ses us et coutumes, à ses croyances et à son Histoire.

Le terrorisme peut être vaincu totalement et partout. Pour cela, donnons aux terroristes moins d’arguments, moins d’alibis en nous comportant en Nations responsables et pacifiques, en réduisant les inégalités socio économiques, en œuvrant pour l’élimination de l’analphabétisme et de l’ignorance dans le monde et plus particulièrement dans les Nations du Sud.

Dr Bangba Pièrre BIDIMA
Médecin
Président d’honneur du Mouvement de la Paix

NB : SAMSA RASAGARA mon d’origine hindou, signifie
« Océan d’illusions »