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Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

Publié le mardi 29 mars 2016 à 22h53min

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Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

Cette question fondamentale est difficile à prendre tant elle nous oblige de répondre à cette question, la mère de toutes les autres, urgentes et contemporaines : Oui ou non la mondialisation néolibérale est le Cheval de Troie qui acte le monde et les vivants que sont les Humains, les animaux, les végétaux et leur environnement comme un immense marché ?

La réponse positive nous conduit à réfléchir sur les moyens démocratiques de containment de cette évolution idéologique de chosification marchande de toutes réalités. Les moyens démocratiques sont alors l’antidote pour préserver la dignité humaine et subséquemment les contraintes légales et institutionnelles à construire au moyen du consentement des citoyens pour que les élus diligentent des politiques publiques audacieuses au service du progrès humain. L’humain est inscrit comme partie intégrante de l’environnement que nous empruntons aux générations futures comme le Mahatma Gandhi nous l’enseigne. Si la réponse était négative, paradoxalement, nous arrivons à la même conclusion que la prise en compte de la dignité humaine par la mondialisation engage une émancipation humaine comme poursuite optimale de cette mondialisation marchande et que de la sorte, seuls les élus des peuples doivent décider de cet intermède historique tissé de fabuleuses capacités de production des richesses et donc de redistribution équitable. Auquel cas, l’exigence marxiste de « à chacun selon ses besoins » est l’ultime terminus ironique de la mondialisation même néolibérale. Ainsi compris, il en découle une hypostase : les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21è siècle sont réalisées par la liberté des citoyens et l’innovation sociale pour déverrouiller et régénérer le socle démocratique de nos sociétés par un train de reformes constitutionnelles et institutionnelles. Ces reformes sont les expressions formelles et consignées des politiques de dignité humaine et donc de justice sociale et d’équité pour les citoyens au sein des républiques et royaumes, d’indépendance de la justice comme socle de la vie en cité dans les arbitrages des conflits entre citoyens, des conflits de compétence entre les institutions, régions administratives et les ordres de pouvoir. La période historique contemporaine est marquée parla floraison des accords de partenariat pour faire droit au libre-échange triomphant. De la sorte, il est nécessaire que les régimes libéraux de droit démocratique soient dans des régimes non hégémoniques et donc respectueux du droit international, fondement du libre-échange et du climat de paix pour la prospérité des affaires. Dans un premier moment j’aborderai, au plan mondial, cette advenue et les conséquences locales des floraisons des Traités de libre-échange adossés à des Tribunaux d’arbitration soustraits à la souveraineté judiciaire des Etats. Ensuite, je réfléchirai sur la proposition audacieuse du Président Uhuru Kenyatta, dernièrement énoncée au Ghana, invitant à la mise en place d’un Traité de libre-échange panafricain. Enfin, nous réaliserons au terme de ce parcours que le progrès partagé ne saurait être à la remorque de cette vision néolibérale triomphante. L’émergence, la seule incontestable, est celle du monde capitaliste sur l’ensemble du globe.

Le libre échangisme mondialisé

Le Partenariat Transpacifique a été signé à Auckland le 4 février 2016 et lie l’Asie et l’Amérique du Nord. Dans ses visées, il y a l’ouverture des marchés aux produits, matières textiles ou vêtements, procédures douanières et facilitations des échanges, commerce transfrontière, la levée des obstacles au commerce, dispositions institutionnelles et règlements des différends, recours commerciaux, droit et propriété intellectuelle. Ce résumé compact de l’Accord montre très bien que le libre-échange change totalement la vie des PMI, PME, la vie des citoyens et l’adaptions des institutions nationales à la promotion de la compétitivité des affaires et non dumping social, une fluidité qui, immanquablement, influe sur les revenus, le marché du travail et le droit du travail, l’élaboration et la marche des politiques publiques nationales. Pourquoi ? Parce que ce type d’Accord veut régenter la vie des citoyens et de la cité et aussi leurs rapports avec l’extérieur au point où, les élus locaux se trouvent parfois réduits à la portion congrue surtout par des hauts fonctionnaires non élus.

1. Les récriminations que les Canadiens exprimaient contre l’ALENA depuis l’Administration Mulroney (Accord de libre-échange nord américain, Mexique, USA, Canada) portaient sur les impacts négatifs sur le salariat, l’environnement, la redistribution sociale que l’Etat-Providence prenait en charge et qui, pourraient être assimilés à des formes dérogatoires, de subventions déguisées, de dumping social etc.

Les mécanismes de recours et le tribunal arbitral échappent aussi à la souveraineté judiciaire des Etats ayant signé ces types d’accords, au Canada comme au Mexique sans possibilité de saisine des citoyens, des communautés.

2. Il y a aussi entre l’Union européenne et le Canada, depuis que le lancement des discussions en 2008, ont donné naissance à la conclusion du Traité Transatlantique en novembre 2013. Ce projet de traité était l’enfant tant attendu par les multinationales et il intéresse aussi les Etats-Unis qui voudraient bien signer eux-aussi, un traité pareil avec le continent européen. Le même type d’accord de partenariat a été proposé par l’Union Européenne aux Etats membres de la CEDEAO. Les hésitations des Etats à signer a conduit certains dont le Ghana et la Côte d’Ivoire à avaliser des mécanismes ad hoc vu la structure essentiellement extravertie de leur économie (cultures de rente cacao, café à exporter) pour éviter l’imposition de droits de douane automatiques et dommageables à leur capacités d’exportation et subséquemment de perte de revenu national. Or, précisément, la signature d’accords ad hoc contribue à fragiliser le pouvoir de négocier de meilleurs accords pour l’ensemble tout en désignant des tribunaux qui arbitrent qui échappent aux juridictions nationales. Mais la Côte d’Ivoire et le Ghana n’avaient pas d’autre choix.

3. Il est donc établi que ce processus de mondialisation des échanges accroît seulement les profits des multinationales tandis que celles-ci ont ou se réservent le droit de traîner devant le Tribunal arbitral indépendant parce que composés d’avocats qui n’ont jamais de compte à rendre à un quelconque électorat populaire. Traîner les gouvernements légitimes des peuples pour manquement à faire droit à la prospérité totale de leurs profits (droit du travail, droit environnemental, système de protection sociale etc.) est désormais la norme admise. C’était déjà la visée finale de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) de 1997 regroupant les 29 Etats membres de l’OCDE. Dans les Amériques, il y a la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) défendu par le Président George W. Bush et le Partenariat Transatlantique USA-UE est en discussion depuis 2013. Les débats et discussions pour créer ce type d’accord de partenariat sont secrets, confidentiels, presque relevant du confessionnal.
Les citoyens, les Etats et leurs représentants élus n’entendent que de vagues murmures.

4. Ce type de mondialisation des échanges sans redistribution est une impasse, productrice de la croissance sans fin des inégalités et l’émergence, en raison inverse, d’une super élite (1% de Super riches) que le Professeur Robert Reich, ancien ministre du Travail du Président Bill Clinton, vient de décrire comme asymétries de revenus au niveau des Etats-Unis. Ces différents accords de partenariat économique ont donc remplacé les Empires coloniaux des siècles passés mais avec un renforcement bureaucratique et contrariant du pouvoir économique sur le pouvoir régalien des Etats-Nations, en déclin du reste. La conclusion partielle ici est celle-ci : il n’est pas possible de construire la prospérité partagée dans un environnement libre-échangiste mondialisé où les profits et privilèges des multinationales ont force de loi sur les législations sociales, protectrices des pauvres et des plus vulnérables des communautés nationales, droit de l’environnement. Au surplus, les formes de la représentation des démocraties et des Etats libéraux sont totalement en déphasage complet avec cette forme de mondialisation des échanges et de rognure des pouvoirs de représentation de la volonté nationale. La rupture des classes populaires avec les élites dirigeantes, en Europe, en Amérique du Nord est consommée. Si l’on y prend garde, pour l’Afrique, à la fragilité de nos Etats et processus de démocratisation, s’ajoutera une espèce de séparatisme social et ce durablement. Les populations retomberont dans les lieux de solidarité tribale, régionale en rupture avec la maturation démocratique attendue et la construction de la conscience nationale et panafricaniste et d’Etat de droit démocratique. L’ouverture économique est-elle, advenue depuis la chute du Mur de Berlin, en histoire de l’émancipation des Humains et de leurs droits, comme une fermeture ou à tout le moins comme un obstacle à la pleine démocratisation de nos sociétés ?

L’Afrique peut-elle alors, raisonnablement, penser la solidarité nationale au sein de ses Etats membres, réfléchir sur une politique de redistribution lorsque les sociétés d’Etat sont bradées comme ce le fut dans les années de programme d’ajustement structurel, des pans entiers du secteur non marchand de l’économie nationale aussi ?

Traité de libre-échange panafricain

C’est peu de dire que les panafricanistes sont heureux d’entendre une telle promesse de la part d’un président africain, Uhuru Kenynatta, dont le père fut un des plus farouches défenseurs de l’honneur et de la dignité des Africains. C’est une belle et audacieuse promesse. Elle ne relève pas de l’offre populiste. Elle tire les bonnes conclusions de la mondialisation marchande du globe et subséquemment, les contraintes qu’elle impose à l’Afrique, la nouvelle frontière de l’argent, pour assouplir le choc social, économique et environnemental par le redimensionnement de notre volonté émancipatoire, sculptée dans les volontés populaires. L’alternative à ce risque ploutocratique mondialisateur, comme le dirait l’historien Joseph Ki-Zerbo, c’est à mon sens, de penser un Contrat social africain dont le contenu porterait sur les prestations de santé, la définition de l’eau et l’environnement comme Biens Communs, les prestations en éducation et infrastructures communautaires, les prestations chômage, les retraites et aides sociales. Bref, il veillerait à mettre le progrès partagé au service de la mise à l’abri de la grande pauvreté. Dans l’exacte mesure où les accords de partenariats économique ne sont jamais au débat démocratique, il importe avant de souscrire à un projet de Traité de libre-échange panafricain, d’asseoir des balises légales strictes et insusceptibles de modification sans accord unanime de tous les Etats contractants, avant de réfléchir sur les modalités d’un tel traité. Pourquoi ? Parce qu’advenant un tel marché africain ouvert, il est probable que des puissances ou zones économiques puissantes proposeront des partenariats économiques. Or, l’Afrique n’a pas les mêmes contraintes sociales, infrastructurelles communautaires, l’identification et protection des Biens communs que ces probables zones partenaires en raison même des asymétries de progrès économique accompli ou à accomplir.

L’Etat-Providence comme cœur de la viabilité des partenariats économiques

Les contraintes africaines ou conditions politiques pour asseoir le progrès partagé, solidaire pour une société démocratique et de justice sociale, ne peuvent pas être remplies par les technocraties coextensives à l’émergence de ces types de partenariats, de tribunaux spéciaux animés par des avocats non élus et en charge, normalité oblige, de la protection des oligarchies constituées. Je ne parle même pas de la capacité de nos PMI, PME à rivaliser, à relever le défi de la compétitivité. Elles seront à la ruine dès l’entame. Il importe donc que le rôle régalien en de nos Etats comme instance de régulation, pourquoi pas, de repêchage des perdants (citoyens, communautés, pmi, pme, environnement, faune, flore) soit le prisme dominant sous l’empire duquel, toute discussion autour du Traité de libre-échange panafricain soit constitutive. Les prestations garanties par l’Etat-Providence sont le cœur vibrant de la viabilité de cette mondialisation marchande et libre-échangiste. Au plan symbolique il y a comme redistribution des dons sous forme de prestation par l’Etat-Providence comme dirait Marcel Mauss dans son désormais célèbre ouvrage intitulé Essai sur le don. Ces prestations sont donc des échanges. La pierre de touche de tout échange reste la réciprocité. C’est pourquoi, autant les multinationales exigent parfois des transferts du patrimoine commun comme biens marchands, autant la réciprocité leur impose des charges sociales consistantes comme contre- don. Les travailleurs cotisent pour les assurances et l’Etat-Providence redistribue en prestations sociales (assurances chômage et maladies pour que cotisent les travailleurs jamais chômeurs ou malades) structurent le fait social contre les inégalités. Cet élan refondateur du rôle régalien de l’Etat, garant de la redistribution, est donc vital pour la démocratie africaine, le peuple africain, l’élaboration et la mise en route des politiques publiques responsables. Le marché ouvert ne doit pas être le prédateur de la démocratie.

Le destin de paix que nous devons offrir à nos enfants nous impose que nous contraposions un modèle social et démocratique à la contre-révolution néolibérale rampante. L’histoire africaine est témoin de notre capacité de retour, de renaissance éclatante. Le peuple africain a du ressort : « Africa has always had what it takes to rise. Together, we can make it happen » dit le Président Paul Kagamé. Ensemble, cet espoir de rebond prodigieux doit vivre. Le Traité de libre-échange panafricain que vient de proposer à l’Afrique, aux Africaines et aux Africains n’est donc pas le traité de l’évidence. L’ancien et défunt directeur général de l’OMC, Renato Ruggiero, jubilant, disait de l’AMI ceci : « Nous écrivons la Constitution d’une économie mondiale unifiée » cf.1 Il nous revient, nous peuples et nos élus, de donner une âme africaine, un contenu de progrès partagé à ce Traité de libre-échange panafricain, un enjeu de civilisation. De la sorte, il sera non seulement une évidence, mais une évidence de type apodictique dont l’ancrage reste l’indépendance, l’efficacité et la crédibilité de la justice. Il s’agit de faire du libre-échange, un enjeu de civilisation, in fine.

Mamadou Djibo, Ph.D
Philosophy

Lire :
1. Lori M. Wallach, « Le nouveau manifeste du capitalisme mondial », in Le Monde diplomatique, février 1998.
2. Paul Krugman Challenging the Oligarchy, in New York Times, December 17, 2015
3. Robert B. Reich Saving Capitalism : For the Many, Not the Few. Knopf

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Vos commentaires

  • Le 29 mars 2016 à 22:04 En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Mon chèr tu es devenu lucide au file du temps, depuis le départ de ton Blaso, as tu reçu une dose de Modecate, ou bien un tranquillisant ? tu es devenu lucide

  • Le 29 mars 2016 à 22:05 En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Mon chèr tu es devenu lucide au file du temps, depuis le départ de ton Blaso, as tu reçu une dose de Modecate, ou bien un tranquillisant ? tu es devenu lucide

  • Le 30 mars 2016 à 00:40, par Philo Gombo En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Vous les philosophes vendus-la, vous nous faites c… maintenant. Vous avez montrer votre limite. On pitine pas les bijous de l’ avegle deux fois.

  • Le 30 mars 2016 à 09:40, par kwiliga En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Un bien bel écrit, un peu complexe néanmoins, pour démonter la prééminence du capital sur le social et qui nous engage, nous, citoyens Africains lambda, à plus de vigilance...
    Il manque peut-être une partie concernant les alternatives possibles.
    Quel pays, quelle nation, quel peuple, quel gouvernement ont opté pour des choix politiques privilégiant l’humain au détriment de l’économique ?
    Quelles voies ont-ils choisies ?
    Quels obstacles ont-ils rencontrés ?
    Desquels d’entre eux peut-on affirmer qu’ils sont sur la voie de la réussite ?
    Certains pays d’Amérique centrale et d’Amérique du sud ne devraient-ils pas être pour nous, source d’inspiration.
    La question qui restera alors à se poser est celle de la maturité politique de nos peuples et celle de la dignité, de la probité de nos gouvernants.
    Du coup, on a un peu l’impression de tourner en rond !!!

  • Le 30 mars 2016 à 17:40 En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Dr. Djibo, je n’ai pas aime votre comportement au temps de Blaise mais vous avez le droit de vous exprimer. Je vous demande une chose : otre francais est trop dur a comprendre. Si c’est pour vous faire comprendre que vous ecrivez, ne vous trompez pas de lectorat. Ce n’ est pas une revue pour des docteurs , lefaso.net. C’est pour des gens dont la moyenne ne depasse pas CEPE +4.

  • Le 30 mars 2016 à 20:31 En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    Mon frère merci pour cette contribution de qualité,c’est profond continuez a nous entretenir sur des sujets comme celui de liberalisme generateurs des travailleurs pauvres.Félicitations

  • Le 30 mars 2016 à 20:50 En réponse à : Les conditions politiques d’un Progrès Partagé pour l’Afrique du 21 è siècle

    @1er 3 j’ai des forts doutes sur votre intelligence.Qu’a produit la non-modification de l’article 37 ?Outre la misère,enrichissement personnel des "transicidaires" en 13 mois +80 milliards détournés 15 milliards de....des parcelles acquises au prix de non-loti et quoi encore ?Je vs informe qu’en 1988 lorsque le président Compaore a appris que les barons de l’odp/mt se sont octroyés des parcelles secteur zone du bois il a fait annulé tout.Si vs etes jaloux laissez le prof Djibo éclairer.

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