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Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

Publié le vendredi 11 mars 2016 à 01h28min

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Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

Dans beaucoup de pays africains, les femmes sont la majorité sociologique avec 52%. Il n’y a donc pas d’émancipation économique d’un pays qui puisse s’opérer en rupture ou parfois contre cette majorité. La raison en est bien simple : l’on ne se développe pas dans l’oubli d’une aussi grande force de production et de régulation sociale.

La femme africaine, de par le processus de socialisation, est la pierre angulaire de d’impulsion et du succès des politiques publiques touchant la santé, l’éducation, l’alimentation et la sauvegarde du cadre et de l’environnement. Il y a aussi subséquemment, que la femme africaine est plus portée par une éthique de la responsabilité, de la redevabilité sociale et donc de la bonne administration du bon gouvernement. Il s’ensuit que les questions de parité sont posées d’autant plus que les hommes sont plus enclins aux pratiques de corruption, d’incompétence, toutes choses créatrices d’inégalités sociales.

En Côte d’Ivoire, le nouveau Code de la Famille a, plus mis l’accent sur la cogérance de la chefferie familiale (thème cher aux femmes élites) que sur les préoccupations qui touchent l’immense majorité de la gent féminine. Comme s’il s’agissait, primordialement, d’une question de pouvoir plutôt que d’accès au droit et à la représentation, régulés par les préoccupations écrasantes des populations. Le Sénégal avec 48% de femmes élues au Parlement et le Rwanda avec plus de la moitié, reçoivent la palme d’honneur. Dans le présent éditorial, nous porterons les interrogations sur l’une de ces questions de priorités, c’est le droit familial comme volonté décisoire des femmes et liberté contractuelle dans le cadre du mariage, institution sociale, prépondérante. Quels sont les mariages prégnants chez nous ? Ont-ils les mêmes effets civils (financiers) ? Quel est l’impact social de la coexistence, parfois au sein d’un même noyau familial, de codes culturels matrimoniaux différents ? Enfin, quel débat social s’impose, mené par les femmes leaders africaines, les hommes laïcs africains et les africaines de progrès, pour l’atteinte, l’accès universel de droit et représentation citoyenne ?

I.Les multiples codes matrimoniaux et mariages africains
Le moins que l’on puisse dire, c’est le constat de scission entre les codes, les mariages religieux, civils et coutumiers africains qui, dans la coexistence, prétendent régenter la vie sociale, les rapports sociaux entre femmes et hommes. En Afrique de l’ouest et dans l’ancien territoire de l’Empire du Mali, il y a chevauchement entre trois types de mariages, donc de conflits :

1. Le mariage coutumier africain Bamana par exemple repose sur l’interdiction totale et définitive de l’adultère. Un homme marié, monogame ou polygame en pays bamana est formellement interdit, de commettre l’adultère. Le fétiche le lui rappelle et le franchissement de cet interdit est ruineux pour sa vie.

2. Le mariage musulman, arrivé avec les Almoravides et le premier Mansa du Mali musulman date de 1070, autorise la polygamie et remet le droit de répudiation de la femme, droit au cœur des coutumes moyen-orientales judéo-arabes, dans les mains des hommes. Une inégalité statutaire et sociale pérenne qui parie sur la minorité juridique perpétuelle de la femme. La grande nuance, c’est que l’Islam autorise le divorce comme acquiescement de l’homme, la répudiation comme acquis de l’homme et la demande de divorce comme seul pouvoir de la femme, tandis que la compensation versée à la femme par son ex-mari est un réquisit sur lequel les époux s’entendent, préalablement, à la célébration du mariage. Si avant la célébration, l’on s’entend qu’advenant l’échec du mariage, la femme accepte que l’homme lui offre une belle rose rouge, c’est la compensation mutuellement acceptée. Elle doit être exécutée. Par contre, le code de mariage juif depuis des millénaires reste intact et reconnait au seul mari le droit de répudiation ou de divorce. De la sorte, les femmes juives, tout comme leurs sœurs chrétiennes maronites et catholiques, sont dans l’impossibilité de divorcer. Le mariage juif ou chrétien est pour l’éternité. Sur ce plan, le code musulman est une grande avancée dans le respect des droits des femmes.

3. Enfin, le mariage civil dont le nouveau code de la famille fut la pierre de touche, est le préféré des femmes ouest-africaines (rurales comme élites). Tandis que le mariage bamana dissocie le mariage de ses effets économiques, hormis la dote compensatoire versée aux parents de la mariée, le mariage civil suivant le code civil ne vaut que parce qu’il est ancré dans un corpus de lois comme obligations et effets économiques. Ces effets civils de ce type de mariage font de lui, le plus sécurisant pour la femme dans le foyer conjugal et advenant le divorce (domicile, partage de la pension du mari comme ça l’est au Canada si l’épouse était femme au foyer pour l’éducation des enfants, tâche sociale la plus noble de toutes ; garde des enfants mineurs versus domicile). Ce mariage civil met au cœur de ses préoccupations, la cause de la femme comme épicentre de la cause des enfants et donc de l’avenir de la société.

Les mariages religieux (musulman, chrétien) sont en retraite par rapport au mariage traditionnel africain qui autorise la femme, pleinement, à travailler, à œuvrer de façon autonome à sa propre émancipation économique par l’insertion au travail (économie informelle et activités rémunératrices). La seule inégalité statutaire reste, hélas, le droit d’accès à la propriété foncière que le patriarcat ne reconnaît pas comme droit de la femme. Tout en autorisant la femme à travailler pour sa propre émancipation économique (d’aucuns y voient corrélée à la polygamie, une forme d’irresponsabilité sociale et familiale des hommes qui contractent ainsi beaucoup de mariages et se soustraient des obligations économiques induites pour laisser les femmes dans la rivalité de faire le travail d’éducation, d’offrir les instruments de réussite sociale à leurs progénitures), la femme africaine dans le code coutumier ne jouit pas de son autonomie de la volonté contractuelle d’acquiescer ceci ou de rejeter cela. Puisque le mariage, tribalisé, forcé ou arrangé existe et persiste encore.

II. Impact de la coexistence confligène des différents mariages au sein du couple

La question est d’ailleurs posée de savoir si l’homme ouest-africain qui contracte un mariage suivant le code civil avec X et un autre mariage coutumier africain avec P, fonde-t-il un couple, un foyer avec deux couples ou deux couples avec deux mondes ? Les palabres, les reniements, les histoires de légitimité et de ceci et de cela, pourrissent la vie des familles et contribuent à affaiblir la capacité productrice de la richesse des sociétés africaines en se focalisant sur la redistribution sociale. Le désir d’amours fiables est-il résorbable dans la pirouette d’ubiquité du mari ? La question de primauté juridique est entière relativement ou non à la question de l’antériorité de tel mariage sur tel autre. Au surplus, l’Etat reconnaissant, depuis la colonisation française, est l’Etat régulé suivant le Code civil qui défend bien sa définition de la famille, du couple, de l’époux et de l’épouse, des conjoints de fait, du régime matrimonial, des biens communs ou séparés, du livret familial. Divine surprise, l’adjointe au Maire de Cocody, a ajouté au cours d’une célébration, avec beaucoup d’autorité, que le livret familial ivoirien, contient 11 pages. Comme si, l’Etat reconnaissant le couple, l’invite implicitement à devoir remplir d’enfants les 11 pages. Injonction amicale et compensatoire de la reconnaissance ou régime parental impératif ? Les sociologues du couple et de l’Etat nataliste nous éclaireront.

Au Québec, le régime parental impératif, quant à lui, porte sur les effets de la naissance d’un ou de plusieurs enfants, advenant de possibles pertes de revenus liées à la présence de l’un ou l’autre membre du couple auprès des enfants. Je répète que l’éducation des enfants est plus noble que toutes autres activités en termes de gains pour la collectivité nationale. Il s’ensuit, suivant mon présupposé théorique, que nul ne peut rétribuer convenablement, par exemple, la femme, la maman qui nous a donné les instruments d’émancipation socio-économique, et partant, les moyens du vivre ensemble, durable. Ce que les Québécois décrivent comme la prestation compensatoire parentale non proportionnelle à la possible ou probable perte pécuniaire subie par la femme ou la mère, nous autres hommes laïcs et progressistes africains, disons qu’un débat social, une réflexion doit être menée pour que les femmes puissent s’émanciper de ce piège de la matérialité du monde que sont les questions légales et financières. Ces questions sont essentielles d’autant plus que les femmes dans l’énamourement sont dans une impossibilité pratique de poser la question des lois civiles et questions financières sans tomber dans le soupçon de la conditionnalité du sentiment amoureux. Or précisément, l’amour naissant se moque, éperdument, de la matérialité du monde ou plutôt la range du côté de la sordidité du monde (contrat de mariage). L’énamourement est le gai vivre et le gai et sincère attachement à l’autre. Le contrat et l’argent du couple rappellent ou renvoient au détachement lucide des amoureux. Il y a comme une contraposition de l’attachement inconditionné et du détachement conditionné. D’où la question soupçonneuse du conditionnement matériel de l’amour naissant. Tout un monde à dévoiler ! Verra-t-on que l’amour et la lucidité se font dos comme les époux ou conjoints fâchés au lit ?

III. De la nécessaire réflexion sur la volonté décisoire et la liberté contractuelle
Chez les Tumbuka d’Afrique, la sagesse populaire asserte que l’autorité est dans la main. Autrement, la libéralité est le meilleur instrument de gouverner. C’est essentiellement cette question de revenus que le Député de Ferkéssédougou, le Très Honorable Guillaume Soro Kigbafori et ses collègues se sont posée l’année dernière en votant et actant le nouveau Code de la famille. L’épouse est co-cheffe de la famille si la femme est aussi, également, en possession de la libéralité, meilleur moyen de gouverner. Cette question de l’accès des familles aux revenus (autonomie financière) de l’émancipation juridique assurée par les revenus du travail. Cette réflexion impose le constat que la question statutaire a pris le pas sur le garde-fou juridique pour préserver la volonté décisoire et la liberté contractuelle des contractants (femme ou homme).

La fin de la puissance parentale et l’autorité maritale sont donc les horizons d’attente des femmes et des hommes progressistes. Les pouvoirs publics sont à la manœuvre en appoint à ces femmes et hommes visionnaires à travers deux initiatives salutaires. Le forum de l’entrepreneuriat féminin, initiative ivoirienne est donc à saluer comme accès au pouvoir économique. L’expertise féminine est aussi répertoriée, à l’initiative du Président Alassane Ouattara, dans le compendium féminin. Ce compendium a le mérite d’exister et donc nous sommes passés de la réflexion à la mise en oeuvre des résultats obtenus par cet instrument de progrès et d’innovation sociale. Le pouvoir exécutif ivoirien comprend 25% de femmes ministres et la représentation nationale doivent pouvoir nommer beaucoup de femmes dans maints domaines socio-économiques et à des postes de responsabilité. Les femmes sont compétentes et en phase, plus que les hommes, avec les concepts de redevabilité sociale, de préservation des acquis sociaux, de poches de moralité contre les enflures inégalitaires sociales.

Quelle conclusion, allons-nous, tirée ? Nos pays sont jeunes et très complexes dans leur fonctionnement. Il ne sera jamais opéré un décollage économique sans relève générationnelle d’une part et d’autre part, sans accélérer la marche du renouveau féminin comme masse critique et dense pour dérider la société africaine dans son entièreté. La Renaissance africaine, horizon d’attente des générations de femmes et d’hommes de progrès, annoncée en 1948 par le savant Cheick Anta Diop (dont la veuve vient de nous être arrachée pour ainsi rejoindre son mari, RIP) ne viendra point de l’envol des Etats africains ankylosés par des atavismes de tous ordres, mais essentiellement, du déverrouillage socioéconomique des rapports sociaux de production des communautés africaines. Ce débat social global est à la portée des femmes et des hommes visionnaires, des gens de progrès et des femmes, les yeux rivés sur l’avenir africain. Le 8 mars est cette célébration. Bonne fête à toutes et à tous ceux et celles qui y croient.

Mamadou Djibo, Ph.D
Philosophy

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Vos commentaires

  • Le 10 mars 2016 à 18:22, par Badpress En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    je croyais que ce Monsieur était au bord de la lagune Ebrié avec son mentor. Ou bien ne veut -il pas de la nationalité ivoirienne ?

  • Le 10 mars 2016 à 21:10, par Trahison En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    "Dans beaucoup de pays africains, les femmes sont la majorité sociologique avec 52%". Ca, ce n’ est pas encore une majorite sociologique. Elle est plutot une majorite statistique qui n’ indique nullement ou se trouve le rapport de force. D’ un philosophe, je m’ attends a plus de rigueur dans l’ usage des termes. Meme si dans une salle il y a mille femmes et 1 seul homme, du fait de la structrure patriarchale de note societe, la majorite n’est pas encore du cote des femmes. C’ est pourquoi chacun devrait avoir l’ humilite de ne pas croire qu’ il peut barboter si facilement dans des domaines qu’ il a etudies tres passagerement, sinon meme pas. Ce sont des connaissances notionnelles. Et se prevaloir de la science infuse n’ est que vanite des vanites. La majorite statistique n’ a rien a voir avec la majorite politique qui est celle qui detient le pouvoir, Mr. Le philosophe, cireur de pompes. Et si Blaise avait reussi a nous imposer sa dictature familliale, de quelle famille parleriez- vous ? Tout se tient, bon sang ! Un peu de coherence quand meme ne tuerrait pas, pardi !

  • Le 10 mars 2016 à 21:16, par Amissa Dassiworo Colette En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    Félicitations, Dr. Philosophe. Je vois que vous devenez juriste ethnologue. . Continuez. C ;est pas arrivez mais c’est mieux que quand vous defendiez le Conseiller Special de ADO. Laissez les femmes ou elles sont avec leur 8 Mars dont elles –mêmes ne sont pas satisfaites et écroive- nous une reflecxion sur un présiodent qui a règné 27 ans qui devient citoyen d’ un autre pays en moins de 2 ans de chute. C’est à pou on vous attend. Ne bottez pas en touche.

  • Le 11 mars 2016 à 09:12, par Neekré En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    Bonjour Djibo PH D. Merci pour l’article. C’est bien ces genres de contribution, sinon Article 37 là, il ne faut plus recommencer ça dèh. A bientôt

  • Le 11 mars 2016 à 15:48 En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    "Le mariage juif ou chrétien est pour l’éternité. Sur ce plan, le code musulman est une grande avancée dans le respect des droits des femmes" nuancé vos propos M. le philosophe, le mariage chrétien n’est discriminatoire pour aucun des mariés femme et homme restent égale, pas de divorce tout court, n’est ce pas merveilleux l’égalité, vous vous êtes librement engagé dans quelque chose et bien faites en sorte tous les deux pour que cela marche.

  • Le 11 mars 2016 à 17:06, par YACK En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    je pensais qu il avait la nationalite ivoirienne comme OUATTARA BLAISE /COMPAORE

  • Le 11 mars 2016 à 17:23, par GNAMBA ADAMA En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    Nous te remercions pour ton article sur la famille !
    Il faut retenir que tu dois revenir maintenant à Kougny pour visiter les parents ?Ou alors veuix-tu rester avec le Blaiso que tu as tant défendu ?
    Merci Mr DJIBO

  • Le 11 mars 2016 à 21:16, par Nouna En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    @2 trahison,"structure patriachale" !au lieu de PATRIARCALE.Commence d’abord à bien apprendre le français avant de jalouser prof Djibo.Quand Mr Mitterand dit "la majorité sociologie est avec la gauche.1976"s’agit-elle de majorité statique,pardon statistique,comme tu confonds les deux nations .Bien à toi

  • Le 11 mars 2016 à 22:04, par Jacqueline En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    Merci prof pour cette contribution très argumentée.Cependant,j’observe au passage comment faire accepter à une société comme celle de Mooagas très conservatrice que l’homme=femme c’est lui annoncer sa déchéance sociale,vue que les Mooagas forment la majorité démographique de notre pays.Que faire donc ?A mon avis il revient aux politiques de prendre la décision courageuse telle la féminisation graduelle du secteur de la santé et de l’éducation de base pour attreindre 80% d’ici 2040 soit dans 25 ans.Car le droit et la dignité de la femme passe par son autonomie financière.Sinon que les micro-crédits et autres promotions sociales dans la haute fonction publique n’ont pas d’impact significatif sur les mentalités.

  • Le 11 mars 2016 à 23:29 En réponse à : Journée Internationale de la Femme : Le droit de la famille

    Hebeh ! Blaise a encore fait une victime dans sa trahison. Il a negociee la nationalite commando pour lui et osn petit- frere et il a oublie le plus zele de ses defenseurs. Blaise , c’est l’ ingratitude meme faite capitaine tueur, quoi ! Voila que Djibo est devenu un canadien pas ne au canada mais sans village maintenant. Blaise vraiment n’ est pas solidaire, deh !

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