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Situation nationale : chasse à l’Homme, justice des vainqueurs, pardon et « pardon politique » (2/2)

Publié le mardi 30 décembre 2014 à 11h40min

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Situation nationale : chasse à l’Homme, justice des vainqueurs, pardon et « pardon politique » (2/2)

(…) Peut-on parler de PARDON, sans faire référence à Dieu ? L’impératif du pardon, qui a une portée aussi bien psychique, psychologique, morale, spirituelle et sociopolitique, nous conduit ici dans la 2nde partie de cette tribune, à aborder à nouveau, quelques passages des Ecritures Saintes, tout en restant dans l’esprit de la laïcité républicaine (...)

1. Concept de justice de « Vainqueurs dans la défense d’un droit violé »

Choisir de brandir sans discernement l’expression, « justice des vainqueurs », s’apparenterait à une fuite de responsabilité qui ne facilite pas le processus du pardon et de réconciliation. Pour avoir été vaincu pour tentative d’entorse à la Loi fondamentale, on devient comptable de fautes graves de trahison de la République, naturellement punies par les textes en vigueurs, et les institutions habilitées légitimement, avec évidemment, le concours de ceux qui sont « Vainqueurs » de cet affront. Une « justice des vainqueurs », selon cet entendement, dans pareille circonstance, n’est pas négative logiquement dans le fond, contrairement à ce qui est répandu dans un certain imaginaire populaire.

Ceux qui font de la propagande derrière cette expression, semblent en mal d’inspiration, avec un « copier-coller » ailleurs, « qui ne colle pas » ici ! (expression venant du philosophe burkinabè, Debrsèoyir Christophe Dabiré)

Un peuple ne peut survivre à l’absence de lois et à l’application rigoureuse de celles qu’il s’est données, sans tomber dans l’arbitraire, l’injustice et l’anarchie. Appliquer la loi, est essentiel à l’Etat de Droit ! C’est pourquoi, nous plaidons pour que LA LOI soit observée toujours, conformément aux règles de l’art, c’est-à-dire, SANS EXCES, POUR TOUS les citoyens, quelle que soit la faute commise (...)

2. La démarche de réparation vers le pardon national

Si certains de nos concitoyens se sont véritablement engagés de façon ouverte à faire des contributions pendant la crise, c’était notamment, pour empêcher la souffrance à notre peuple, et éviter que certains acteurs politiques ne se retrouvent sur le banc des accusés, pour de NOUVELLES affaires de crime, afin que notre démocratie avance, sans être grippée par des superflus évitables ! C’était un apport dicté par le devoir patriotique, mais certains n’en avaient cure !

Le pardon est un exercice très difficile ! Il demande à l’individu, d’avoir une qualité hors pair. C’est un éminent acte de générosité que seules les victimes ont le privilège d’en détenir le monopole. Inversement, c’est un bénéfice imposant une démarche, que seuls les fauteurs ou bourreaux, peuvent avoir l’occasion d’obtenir aussi. Nul n’est logiquement censé demander pardon, ou d’en recevoir, s’il n’a commis aucune faute ! Pour accorder le pardon, il faut avoir été victime et pour en recevoir, il faut certainement avoir été fauteur ! C’est si simple !

Evidemment que reconnaître sa faute, a des conséquences sérieuses, en termes de Droit ! Conscients de cela, des fauteurs de trouble, voudraient bénéficier de pardon, sans se reconnaître dans un rôle antérieur de bourreaux ou de fauteurs, en tentant de jouer avec les mots, en tentant de faire dans la diversion, comme à leurs « vieilles habitudes ».

Pour eux, le poids de la culpabilité est trop lourd, occultant que ce que vivent ou vivront durablement encore leurs victimes, est encore plus lourd ! Ces victimes souffrent ou souffriront toute leur vie, pour avoir été, soit amputées d’un membre - y compris l’effusion de sang - de leur propre corps, soit « amputées » d’un parent – quelque fois unique -, disparu à jamais.

Les fauteurs, pour certains, ne sont jamais prêts à céder les richesses et conforts qu’ils possèdent indûment ou frauduleusement, jadis protégés par leurs pouvoirs d’antan. Ces derniers, se sont habitués à un train de vie immérité, auquel pourtant, ils ne veulent renoncer (…)

Cet « orgueil » ne devrait point étonner chez ces fauteurs impénitents, pour la simple raison que les fautes en cause elles-mêmes, ne seraient pas commises, pour peu, qu’il y eût une quelconque dose d’inclination à la sagesse, à l’humilité, au courage patriotique et à l’empathie pour ses concitoyens. Cette faute lourde, aurait pu être évitée à la dernière seconde, par une bribe de sagesse, par un sursaut d’empathie pour la grande masse !

Mais entre nous, comment voudrais-tu, cher concitoyen, cher ami, cher frère, chère sœur, que je t’accorde, ce que tu ne serais pas prêt à m’accorder ? Ne dit-on pas que la charité bien ordonnée, commence par soi-même ? Le deuxième plus grand commandement de Dieu dans la sainte Bible dit-il : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22.39) ! En vertu de ce commandement, deviens humble ! Débarrasses-toi de ton manteau de politicien, qui a montré ses limites, et mis à nu tes défaillance !

Attitudes alternatives en situation de fautes politiques graves

Grosso modo, deux alternatives logiques possibles, s’offrent aux fauteurs, comme attitudes, dans cette situation de reconstruction nationale :

i) dans une 1ère alternative, ils ne se reconnaissent pas de tort et continuent, pour certains encore, dans leurs attitudes outrageantes, à se considérer dans le haut statut perdu de la « majorité politique », et leurs adversaires au contraire, dans celui « d’opposition politique », même après l’Insurrection Historique des 30 et 31 octobre ! Ce qui est qualifiable d’attitudes de mépris vis-à-vis de l’INSURRECTION POPULAIRE, de ses Acquis et, des Martyrs, que l’on pourrait assimiler fort, à un blasphème !

Dans ce cas, ils prennent le risque eux-mêmes d’être poursuivis avec vigueur, et d’être marginalisés durablement dans le processus politique. Leurs refus de coopérer donnent lieu dans ce cas, à une sanction, qui ne serait aucunement, une enfreinte au principe de l’inclusion, prescrit dans la Charte de la Transition ;

ii) dans une 2nde alternative, ils se reconnaissent une « Responsabilité lourde », et au besoin, un tort au moins moral, et s’engagent diligemment dans la réparation et la restauration de la justice, qui peuvent se traduire sous diverses formes, - tout en sollicitant l’allègement des peines à endurer. Cet acte en soi, éminemment politique, enclenche par lui-même, l’inclusion politique, prônée dans la Charte.

Cette reconnaissance morale, peut même se traduire chez certains, - de leurs propres chefs -, par une réorientation dans la vie publique, hautement symbolique, qui peut prendre la forme d’un réinvestissement dans la société civile (OSC), d’une prise de pause politique, de retraite, ou encore de renonciation publique définitive, à la conquête du pouvoir d’Etat ! Lionel Jospin s’est mis en retrait de la politique en France pour moins qu’une faute en tant que tel (.) Il avait été surclassé simplement lors de l’élection présidentielle, par Le Pen père du Front National (FN), arrivé 2ème après Jacques Chirac. Un parti du FN, jadis « diabolisé » auprès d’une certaine opinion publique (…) qui, passé devant le Parti Socialiste, serait selon lui un désaveu, qui exigeait en toute dignité, de tirer toutes les conséquences courageuses !

Pour rappel, pour puiser à nouveau des références dans les Saintes Ecriture, Adam, notre Père originel, après la faute commise contre le commandement de Dieu, a, humblement reconnu son grave manquement et s’est mis à prier Dieu instamment, - sans faux-fuyant (Saint Coran : sourate 2, verset 37.)

En réponse, sans se dédire, le Bon Dieu a fermement maintenu la JUSTICE applicable à la faute commise, qui est l’épreuve de la MORT ou de la vie éphémère sur terre ! Tout en maintenant en vigueur cette justice, cette épreuve de la souffrance, Dieu, dans sa clémence et mansuétude, céda au pardon pour Adam, en lui accordant aussi la rédemption (Saint Coran : sourate 20, verset 122-123.)

C’est par l’observation de la fermeté face à ces comportements alternatifs des fauteurs, que chaque citoyen (en particuliers les victimes de l’Insurrection populaire), peut moralement et psychologiquement être rassuré de la garantie d’être désormais à l’abri de l’impunité. C’est par cette fermeté, que chacun de nous, peut être assuré de la garantie, que les torts subis, ne seront plus jamais reproduits inconsidérément par les fauteurs. Une sorte d’appréhension totalement légitime du citoyen ou des victimes, qui justifierait le slogan « plus jamais ça » du CODMPP. C’est assuré d’être à l’abri de tels torts éventuels dans le futur, que le citoyen peut être naturellement disposé à tourner la page du drame subi et, cicatriser ses blessures, pour son propre confort (...)

3. Le PARDON a une vertu réparatrice et cicatrisante

Le PARDON est un acte libre. Il n’est pas utile de s’acharner sur Les victimes, pour leur arracher leur LIBRE pardon. Il demande entre autres, souvent du temps qui, lui-même, dépend du rythme du soleil, qu’on ne saurait accélérer !

L’incarnation emblématique du pardon dans les Ecritures est illustrée entre autres, dans la vie de Joseph (Youssouf) qui pardonna à ses frères, dont la méchanceté monstrueuse, contribua au contraire, à la réalisation d’un destin glorieux, prévue par Dieu, que ces derniers entendaient compromettre définitivement (...) Ces derniers, frères de sang, vendirent Joseph en effet, à des tiers passant, après avoir hésité de le mettre à mort, à cause de leurs jalousies et de leurs « cupidités » dévastatrices ! (Genèse 37 : 26-40.)

(…) L’ouvrage de Johann Christoph Arnold, traduit de l’Anglais par Bríd Kehoe, intitulé « POURQUOI PARDONNER ? » recense nombre de situations réelles de don de pardon, que nous seront rares à consentir, et qui peut être d’une grande utilité, dans des positions de victimes d’abus (…)

Accorder son pardon, malgré les blessures endurées, c’est s’illustrer dans une qualité hautement supérieure de l’Homme, voire, dans une qualité hautement divine (…) C’est se donner la chance de guérir soi-même du mépris, de la haine pour autrui, des meurtrissures, des ressentiments qui ont leurs facettes dévastatrices et, de revivre autrement, de se reconstruire, étant donné que le passé demeure irréversible (...)
Si le « pardon privé » ou individuel donné sans réserve, est totalement libre et insondable de l’extérieur, le « pardon politique » par contre, selon les termes de Sandrine Lefranc, s’avère quelque fois utile à une nation, pour aller vers la réconciliation, pour franchir des obstacles de l’enlisement sociopolitique - souvent inhérent au statu quo « conflictuel ». Le « pardon politique » ouvre en effet, la voie à la reconstruction nationale. Bien conduit avec toute la convenance morale et éthique qui sied, il peut d’ailleurs stimuler et finir par accoucher le « pardon privé », qui est totalement libre (…).

En Afrique du Sud, sous l’égide de Madiba, « le pardon politique » a pris pour nombre de cas, la forme de l’amnistie (étatique) après l’épreuve de catharsis et d’établissement de la lumière des faits ou des atrocités (...) A cet effet, Madiba ne manqua pas de faire un sacrifice symbolique et fort, dans sa vie matrimoniale (…) Que chacun médite ces actes forts. Le bon pardon, ne se contente pas toujours de demander aux seuls victimes, de faire des sacrifices unilatéraux !

Par ailleurs, l’humanité reconnaît les mérites du pardon, par le prix Nobel de la Paix. Tout en reconnaissant le droit aux victimes de ne pas pardonner, les distinctions spécifiques à ce titre par l’humanité, sont improbables (...)

Entre autres, le révérend Martin Luther King et Nelson Mandela, tous deux, Nobels de la Paix, sont rentrés dans l’Histoire, « tête haute », et reconnus dans la conscience collective, comme Grands hommes, surtout pour leurs qualités rares. Ils le sont surtout, parce qu’ils surent faire charité de leur pardon hors du commun, à des personnes qui ont tenté pourtant de les mettre à mort, mais sans le réussir (...) Aussi, pourrait-on dire, qu’aucune explication logique ne saurait suffire pour justifier que ces Grandes Figures, aient pu à un moment donné, échapper à certains coups habiles de leurs bourreaux, sans prendre en compte la dimension miracle, ou la dimension, DESTIN !

Ouagadougou, le 24 décembre 2014.

Idrissa DIARRA
Géographe, politologue.
Membre-fondateur du Mouvement de la
Génération Consciente du Faso (MGC/Faso).
Mobile : (+226) 66 95 04 90
Courriel : diarra.idrissa@rocketmail.com

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