LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Turkish Airlines, Royal Air Maroc : Risques de désagréments élevés !

Publié le samedi 27 décembre 2014 à 22h58min

PARTAGER :                          
Turkish Airlines, Royal Air Maroc : Risques de désagréments élevés !

Retard au départ ou à l’arrivée, bagages perdus, transit de longue durée, etc.
Voyager à bord de certaines compagnies à destinations des capitales africaines est parfois une épreuve pour les passagers. Les désagréments ne manquent pas. Témoignages.

Décidément, comme on dit chez nous, « le chien ne changera jamais sa façon de s’assoir ». C’est le commentaire que m’inspire l’article publié le dimanche 21 décembre 2014 sur Lefaso.net relatif au mécontentement de passagers de Turkich Airlines n’ayant pas reçu leurs bagages à l’arrivée à Ouagadougou le 18 du même mois. J’ai connu la même mésaventure en juillet dernier, et cette compagnie risque de ne plus me revoir sur ses lignes, du moins celles reliant Istanbul aux capitales africaines. Depuis plusieurs années, j’ai très souvent l’occasion de voyager, mais je n’avais jamais pris ni Turkich Airlines, ni Royal Air Maroc, une autre compagnie sur laquelle j’ai subi d’autres désagréments dont j’en parlerai plus loin.

Par curiosité, je me suis décidé à emprunter Turkich Airlines, histoire de la découvrir et pourquoi pas, la recommander à des amis, d’autant que la Turquie est devenue un partenaire économique de plusieurs pays africains, et sa compagnie dessert plus de 30 pays du continent noir à partir de son hub d’Istanbul. La part de l’Afrique dans le chiffre d’affaires de Turkich Airlines serait passée de 7,4% sur les neuf premiers mois de l’année 2012 à 59,7% en 2013 sur la même période. Ce qui, dans cette période de crise économique, n’est pas rien. A l’occasion du deuxième sommet Turquie-Afrique qui s’est tenu du 19 au 22 novembre à Malabo, en Guinée-équatoriale, les deux parties ont adopté un nouveau partenariat destiné à renforcer les relations économiques entre elles dans un esprit gagnant-gagnant. La Turquie et le pays hôte du sommet ont profité de l’occasion pour signer des accords bilatéraux, notamment sur la libre circulation des détenteurs de passeports diplomatiques, la formation des diplomates et dans le secteur agricole. Très prochainement, les deux pays devraient ouvrir des ambassades et Turkich Airlines desservira Malabo, la capitale du pays.
De plus en plu d’opérateurs économiques africains et burkinabè se rendent en Turquie pour faire des affaires à bord de Turkich Airlines. Autant de raisons qui suffisent pour qu’on s’intéresse à cette compagnie surtout quand on exerce le métier de journaliste.
Je dois avouer que, vu mes dates de voyage, le prix des billets étaient compétitifs comparativement aux autres compagnies surtout quand on voyage en famille. Mais ce n’était pas la première motivation.

Au départ de Paris et d’Istanbul, l’avion a décollé à l’heure, une ponctualité plutôt rare durant les mois de juillet-août, période de grands trafics. Les premiers contacts avec cette compagnie sont donc bons puisque l’avion a atterrit également à l’heure à Ouaga. Mais très vite, tout s’est gâté après les formalités de police. Le tapis roulant commence à tourner et les bagages défilent. Au bout de trente minutes, un monsieur nous informe que « maintenant, il n’y plus de bagages ». Stupeur, inquiétude, et surtout colère chez plus d’une dizaine de passagers. Une partie de mes bagages n’est pas arrivée et il n’y a aucune information sur ce qui s’est passé. Le correspondant de Turkich Airlines est là, mais ne dit rien. Planté dans un coin tel un robot, il manche machinalement du chewing-gum, les mains croisées dans le dos. Un malheureux passager finit par le repérer et lui demande ce qu’il entend faire pour ceux qui n’ont pas reçu leurs bagages. « Suivez-moi », lance t-il sèchement aux passagers mécontents, puis, se dirige vers un local où chacun est invité à déposer sa réclamation. Les compagnies doivent former leurs collaborateurs à mieux gérer de pareilles situations. Quand on arrive tard la nuit après 11 heures de vol, qu’on est privé de ses bagages et qu’on a en face de soi un incompétent notoire, qui n’a aucune notion de marketing ou de relations clients, qui vous traite comme si vous lui pourrissez la vie, le pire n’est pas loin. Le coup de poing peut vite partir tout seul et ça peut déraper. J’attendais de récupérer mes bagages le lendemain comme promis avant de lui dire mes quatre vérités, mais, il n’était pas de garde ce jour-là. J’ai demandé à son collègue de bien vouloir lui transmettre mes « amitiés », en priant Dieu de ne plus me retrouver en face de ce type pas du tout sympathique.
Mais il ne faut pas se méprendre ; les agents malpolis, il y en a partout. Au retour, la situation était pire qu’à l’aller, puisque je n’ai récupéré aucun bagage à Paris. Là également, le service de réclamation n’est pas à la hauteur des angoisses des passagers. Une jeune fille diabétique pleure parce qu’elle a ses médicaments dans son sac resté quelque part, mais l’hôtesse lui répète, comme un perroquet qu’elle n’a pas de solution à son problème. Aucune compassion ! Aux autres, elle se contente de tendre des formulaires à remplir, sans explications. Excédés, certains gueulent, le ton monte, les noms d’oiseaux fusent. « Si tu n’es pas contente de faire ce boulot, vas faire autre chose. Ta place n’est pas ici », lui lance un passager qui devait prendre son train pour Marseille.

Sur son site web, on apprend avec étonnement que pour la quatrième année consécutive, Turkich Airlines a reçu le prix de la « meilleure compagnie aérienne en Europe » en 2014 de la part de Skytrax World Airline Awards. Ces délivreurs de label qualité sont-ils au courant des désagréments que les subissent les passagers de Turkich Airlines et d’autres compagnies à destination de l’Afrique ? On peut en douter. J’ai reçu mes bagages à domicile trois jours plus tard et bien évidemment, mon avis sur la qualité des services de Turkich Airlines est très, très nuancé, comme il l’est aussi sur Royal Air Maroc, une compagnie que j’ai empruntée fin octobre et début novembre 2014. Ici, il ne s’agit pas de bagages non arrivés ou perdus. Non, c’est plus grave. Des passagers qui embarquent à Ouaga à destination de Paris via Casablanca, et à qui on signifie qu’il n’y pas de place pour eux au moment de monter dans l’avion à Casablanca, alors qu’ils ont une carte d’accès à bord sur laquelle sont bien indiqués, la date, le numéro de vol, le siège, la date et l’heure du décollage !
De mémoire de voyageur, je n’en avais jamais entendu parler. C’est pourtant ce qui est arrivé à une dizaine de passagers dont l’auteur de ces lignes, le 13 novembre dernier. Prévu le 10 novembre à 6h20, je reçois un sms de la RAM la veille m’informant que le vol est annulé. On me propose un autre vol qui ne me convient pas. Je me rends au siège de l’agence de la compagnie pour savoir pourquoi le vol a été annulé et trouver une nouvelle date. Une dame me reçoit. Son sourire commercial ne me rassure guère ; j’en ai l’habitude. Quand je lui demande pourquoi le vol a été annulé, elle répond que « ce n’est pas de notre faute, c’est à cause du couvre-feu ! ». Argument spécieux ! Je réplique : « Mais comment font les autres compagnies qui desservent Ouagadougou aux mêmes heures que vous ? ». Elle me répond par un sourire qui me désarme. A croire que chez la RAM, on est incapable de s’adapter à des situations imprévues ! On finit par trouver une date qui me convient et c’est là que je vais découvrir un visage hideux de la compagnie marocaine. Partis de Ouaga à 11h, nous sommes arrivés à Casablanca peu après 14h pour une correspondance prévue à 16h45. Après les formalités remplies au guichet « Transit », il faut s’occuper en attendant. On fait un peu de shopping et on lèche les vitrines des boutiques. Puis l’annonce retentit : « Les passagers de la RAM à destination de Paris, départ 16h45 sont invités à se présenter à la porte A3 pour l’embarquement ». Munis de nos cartes d’accès à bord, nous faisons la file. Je repère des passagers qui ont embarqué à Ouaga comme moi. Quand le premier d’entre nous présente sa carte d’accès à bord, le contrôleur posté aux portiques, un moustachu au crane un peu dégarni, lui dit qu’il y un petit problème. « Il faut repartir au Transit. Les passagers de Ouaga, allez au Transit prendre une autre carte d’accès », lance t-il. Etonnés, une dizaine de passagers obtempèrent tout en exprimant leur étonnement. La RAM vient en réalité de nous jouer un sale coup. Nous venons d’être purement et simplement débarqués et nos sièges attribués à d’autres passagers. On a vite découvert cette vacherie une fois au guichet Transit. Les mêmes agents qui nous avaient délivré la carte d’accès à bord pour le vol de 16h45 deux heures plus tôt parlent de malentendu. « On a fait une erreur ; vous devez partir avec le vol de demain matin », tentent-ils d’expliquer. La colère éclate. Une compatriote, S.T, est hors d’elle. Elle devait reprendre le travail deux jours plutôt si le vol du 10 novembre n’avait pas été annulé. Ses patrons s’étaient montrés compréhensifs, mais cette fois-ci, elle s’inquiète pour son emploi. Elle fulmine : « Mais vous vous foutez de nous ? Vous nous prenez pour qui ? Vous êtes des menteurs ». « Madame, ne nous traitez pas de menteurs », réplique un agent. Elle persiste : « Si, vous êtes des menteurs ». Oui, je suis du même avis qu’elle : ces messieurs mentent comme ils respirent. Je leur présente ma carte d’accès à bord où figurent le numéro de vol, la date, l’heure, la porte d’embarquement et le siège. Tout penaud, tel un gamin pris la main dans le pot de confiture, un agent qui fuit mon regard, marmonne des mots inaudibles. Tous finissent par reconnaitre implicitement qu’il y eu un problème. Nos places ont tout simplement été attribuées à d’autres passagers. Pourquoi et sur quels critères ? Et pourquoi cette injustice frappe principalement les passagers de Ouagadougou ? Beaucoup d’entre nous ne sont pas loin de penser avoir été victimes de comportement raciste de la part des agents de la RAM. Le plus choquant, c’est qu’il y avait parmi nous une dame avec sa petite fille, et en grossesse bien avancée. La RAM n’a pas estimé que vu son état, elle devait être traitée comme un client prioritaire, surtout que nous n’avons pas récupéré nos bagages en soute !

On nous propose de passer la nuit dans un hôtel aux frais de la compagnie et on nous indique où remplir les formalités. L’agent commis à cette tâche est interloqué par ce qui nous est arrivé. Il dit que ce n’est pas possible, passe un coup de fil pour comprendre, puis secoue la tête. Nous quittons l’aéroport pour l’hôtel. En attendant que la navette nous y emmène, je remarque un attroupement sur l’autre côté de la cour de l’aéroport. Renseignement pris, il s’agit d’un sit-in organisé par des salariés de la RAM, essentiellement des bagagistes qui protestent contre le licenciement de plus d’une centaine de leurs collègues et qui réclament le paiement de leur salaire.
Face à la qualité médiocre des prestations (bagages ouverts ou volés, retards répétitifs, etc.), un nouveau directeur général a été nommé en 2012 pour mettre de l’ordre dans la gestion de l’aéroport. Deux ans après, il a encore du boulot devant lui et les salariés doutent que j’ai rencontrés doutent de sa capacité à relever le défi. « Mon frère, c’est une affaire de gros sous. Nous, on manifeste parce qu’en réalité, nous sommes victimes d’une guerre que se livrent deux sociétés pour gérer le business de l’aéroport », explique un bagagiste.

La nuit a été courte et tôt le matin, la navette est venue nous chercher.

L’enregistrement des bagages étant déjà faite, il ne nous reste que les formalités de police à remplir. Cinq check-points à franchir avant d’accéder à l’avion ! Au premier, un policier fort sympathique et élégant dans son costume, vérifie nos documents et nous souhaite bon voyage. Plus loin, le poste de douane, tenu par une dame et un monsieur. Engoncé dans son parka, ce dernier donne l’impression d’avoir froid et est manifestement de mauvaise humeur. Sans me connaitre, il commence à me tutoyer : « Tu as quelque chose à déclarer ? », demande t-il d’une voie à peine audible. Je lui dis : « Pardon ? », mais manifestement il n’a rien compris et me tutoie à nouveau. Pendant ce temps, sa collègue fouille le sac à main de S.T. Sans gants. Elle sort du porte-monnaie un billet de cinq euros et lui demande si c’est tout ce qu’elle a. Elle répond par l’affirmative. La douanière remballe, lentement, en fixant du regard S.T, qui fait semblant de ne rien comprendre ! Nous voilà devant un autre point de contrôle de police, juste avant d’entrer dans la zone internationale ; c’est là qu’on tamponne le passeport pour dire que le passager est bien sorti du royaume. Décidément, S.T n’a pas de chance. Elle est tombée sur un policier très très pointilleux. Après avoir feuilleté toutes les pages de son passeport, il lui demande de présenter sa pièce d’identité. « C’est pour une question de vérification », argue t-il. S.T s’exécute. Mais ce n’est pas suffisant aux yeux de notre policier soucieux de la sécurité de son pays. Comme s’il cherchait un prétexte pour créer des ennuis à S.T, il lui demande de présenter sa carte vitale. La carte vitale est une carte d’assurance maladie qui permet à son détenteur vivant en France de bénéficier de prestations sanitaires et sociales. « Mais, monsieur, le passeport suffit pour voyager. Pourquoi vous me demandez ma carte d’identité et ma carte vitale ? », proteste S.T. « Madame, ne me parlez pas comme ça ; je connais mon métier », répond, agressif, le policier. Français ou résidents français qui vous rendez à Casablanca, préparez votre carte vitale et vérifiez qu’elle est à jour !

Les minutes passent et je finis par demander à ma compagne d’infortune d’un jour ce qui se passe. Le policier lui intime l’ordre de ne pas répondre. « C’est entre nous deux », dit-il. Voyant que de nombreux passagers commencent à s’intéresser à son manège, se sentant observer, il appose le tampon et tend nerveusement le passeport à son propriétaire. Soulagement. On quitte Casa sans nostalgie, pas du tout pressé d’y revenir.

Ce type de désagrément est courant dans les aéroports africains ; mais pire, il frappe principalement les Africains, sur leur propre continent. Il faut le dire : les pertes de bagages ne sont pas propres aux compagnies africaines. J’en ai fait l’expérience avec des compagnies européennes. La différence, c’est dans la manière de traiter ces cas malheureux. Un ami m’a dit qu’il préfère consentir un sacrifice financier pour éviter les compagnies africaines. Je comprends son choix, surtout quand on a un rendez-vous important à honorer. Je plaide pour ma part pour une pression judiciaire et médiatique sur les responsables de nos compagnies afin qu’elles améliorent la qualité de leurs services pour tous les voyageurs sans distinction. Cet article participe de cette option, en plus de l’action judiciaire qui sera engagée contre RAM par les « passagers de Ouagadougou » du 13 novembre.

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)

PARTAGER :                              

Vos réactions (33)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique