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Sibiri Michel Ouédraogo, secrétaire permanent du CSBE : "La politique nationale migratoire va permettre de mieux orienter nos compatriotes"

Publié le lundi 7 juillet 2008 à 13h16min

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La Semaine du Cinéma contre l’Oubli (SEMCO) place sa IIe édition sous le thème "Migrations et population" du 10 au 13 juillet 2008. Elle cadre avec la Journée mondiale de la population célébrée chaque année le 11 juillet. Outre les projections de films de cinéastes africains qui, à travers leurs œuvres, ont traité de la thématique des migrations, une table ronde est organisée pour approfondir la réflexion. En prélude M. Sibiri Michel Ouédraogo, Secrétaire permanent du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger (CSBE) présente son institution et aborde la question.

Le Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger créé en mai 1993 comprend le service Protection et accords, le service Promotion et réinsertion et le service Information et documentation, quel est son fonctionnement ?

Sibiri Michel Ouédraogo : (S.M.O.) : Les correspondances qui nous arrivent du ministère des Affaires étrangères, nous les traitons selon le thème. Nous avons en plus du travail quotidien des missions qui nous sont confiées notamment des missions de sensibilisation. Notre première tâche est d’assurer la protection des Burkinabè de l’étranger en leur fournissant des pièces dont ils ont besoin pour vivre en sécurité et en conformité avec les exigences du pays d’accueil. D’où les missions consulaires que nous y effectuons en compagnie d’agents d’autres ministères tels que ceux de la sécurité, de la justice, de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS).
S’il y a des expulsés nous devons les accueillir et procéder à leur réinsertion. Là nous sommes assistés par le Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR), la police et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

On se rappelle "l’opération Bayiri", qu’en avez-vous tiré comme leçon ?

S.M.O. : La plus grande opération à ce jour a été l’opération Bayiri où nous avons accueilli près de 365 000 personnes venant de Côte d’Ivoire. Nous avons pu mettre en place des projets de réinsertion mais en deux ans il ne restait plus qu’environ 100 000 d’entre eux sur le sol national, la plupart sont retournés en Côte d’Ivoire.
Nous sommes en train d’œuvrer de concert avec le Conseil national en matière de population (CONAPO) pour l’élaboration d’une politique nationale migratoire et cela va permettre de mieux orienter nos compatriotes pour une réinsertion réussie. Nous avons des cas où des gens ont tenté de s’installer à leur propre compte. Il y a eu des réussites et aussi des échecs. D’une manière générale, le problème de financement reste le nerf de la guerre.

Suite à l’opération Bayiri le retour massif des compatriotes vers la Côte d’Ivoire signifie - t - il un échec de notre politique nationale de réinsertion ?

S.M.O. : C’est une question d’appréciation parce qu’il y a beaucoup qui n’ont pas d’attache avec le Burkina Faso. Ceux–là se sentent beaucoup plus Ivoiriens que Burkinabè. Le résultat est qu’ils sont étrangers chez eux et ont des problèmes d’adaptation. Il y a ceux–là aussi qui ont perdu les attaches avec la famille.

Quelle est la philosophie de l’institutionnalisation de la Journée mondiale de la population qui sera célébrée le 11 juillet prochain ?

S.M.O. : Les Nations unies ont institué cette journée pour amener tous les intervenants et les Etats à mettre au centre de leurs préoccupations les problèmes des populations, pour rappeler à la conscience de l’humanité qu’il faut marquer un temps d’arrêt et réfléchir sur les problèmes qui se posent à nous, comment se loger, se soigner mieux, se protéger... Le Burkina Faso à l’instar des autres pays lutte avec ses moyens pour améliorer les conditions de vie de sa population. Ce qui compte c’est l’existence de la volonté politique de le faire. Nous espérons que cette journée sera un succès avec les activités des autres structures de la place.

Comment percevez–vous la tenue de la SEMCO 2008 autour du thème “ Migrations et population ” ?

S.M.O. : C’est une bonne initiative car le thème est d’actualité. Qui parle de migration parle de population. Ce sont les populations qui migrent donc c’est un thème en adéquation et il est bien de mettre ces phénomènes en exergue car cela permet de voir comment les déplacements des populations peuvent avoir des effets néfastes ou bénéfiques sur les populations des pays d’origine et des pays d’accueil.
Avant, les gens vivaient en autarcie mais avec le développement des moyens d’information et de la communication, tout ce qui se passe ailleurs est vu et ressenti. C’est leur droit aussi d’aller et venir, c’est normal mais nous souhaitons que le Burkinabè émigre dans la légalité.

Il existait une convention en matière de main – d’œuvre dès le départ entre la Côte d’ivoire et le Burkina Faso, cet accord n’a pas fonctionné ? De plus en plus il est question de réforme du foncier rural ou encore des questions juridiques comme le droit de sang et le droit de sol, qu’en est –il exactement ?

S.M.O. : la convention a fonctionné à un moment donné mais n’a plus été appliquée par la suite. Dans le domaine du foncier, c’est un de nos plus grands problèmes. Selon les premiers responsables du pays d’alors, la terre appartenait à ceux qui pouvaient l’exploiter. Mais de plus en plus, on dit maintenant que la terre appartient aux Ivoiriens, si bien que la situation se complique parce que les Burkinabè ont le plus investi dans les plantations (café, cacao...) Au début, ils travaillaient pour leurs frères ivoiriens qui leur cédaient progressivement des parcelles ou ils en achetaient et finalement ils devenaient des propriétaires terriens. Avec la crise économique, certains Ivoiriens estiment qu’on vient leur ravir leurs richesses, c’est ce qui explique les sentiments de haine, de xénophobie. Heureusement, les choses se normalisent et trouvent des solutions. Nous suivons avec intérêt cette réforme du foncier car les Burkinabè sont très impliqués dans cette question, beaucoup vivent du foncier. Nous souhaitons que les Ivoiriens puissent vraiment concéder des privilèges aux Burkinabè qui somme toute ont contribué grandement au développement de la Côte d’Ivoire. Je sais que le premier responsable de ce pays est en train de rechercher des solutions pour accélérer le processus afin de négocier des avantages susceptibles de mettre à l’aise les Burkinabè.

Certains pays comme le Mali arrivent à chiffrer les apports au pays de leur diaspora. Dans le cas du Burkina Faso a – t – on une telle visibilité chiffrée ?

S.M.O. : Officiellement le chiffre se situe entre 50 et 60 milliards de francs CFA par an mais dans les faits les apports de nos compatriotes vont au – delà parce qu’il y a plusieurs circuits. Pour ce qui est des banques, des agences de transfert d’argent, de la poste on peut établir des chiffres exacts. Or il y a des transferts main à main entre parents qui sont aussi importants. Pour ce qui concerne les transferts officiels nous cherchons à faire réduire les coûts.
Nous encourageons la migration légale. Le CSBE avec l’appui de l’Organisation internationale pour les migrations est en train de gérer un projet appelé MIDA (Migration pour le développement en Afrique) qui vise à recenser les compétences burkinabè d’ailleurs afin de les intéresser au développement de leur pays.

Emmanuel SAMA/
Gervais HIEN (Collaborateurs)

Sidwaya

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