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Blaise Compaoré "Docteur honoris causa" de l’université Jean Moulin de Lyon

Publié le mercredi 28 avril 2004 à 07h24min

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Vendredi 23 avril 2004, le président du Faso, Blaise Compaoré, a entamé une visite en France, avec pour étapes principales, Lyon, capitale de la région Rhones-Alpes et Paris. Dans la deuxième ville française, le président du Faso a été élevé à la dignité de docteur honoris causa par l’Université Jean Moulin, en présence des sommités du monde politique, académique et économique de Lyon et de sa région.

L’occasion pour le "triple docteur" Compaoré de délivrer ses "ordonnances" sur la mondialisation et la Francophonie. Synthèse.

C’est l’amphithéâtre Roubier de l’Université Lyon 3 qui a servi de cadre à cette cérémonie docte et solennelle, en cette soirée printanière devant le tout-Lyon et une communauté burkinabè fortement mobilisée pour l’occasion. Et comme tout commence et finit en chansons en Afrique, c’est le ballet national du Burkina Faso qui a, à travers une prestation remarquable, marqué la joie de tout un pays devant ce témoignage d’estime, d’amitié et de respect fait à son premier magistrat.

Puis, M. Guy Lavorel, président de l’Université Jean Moulin (célèbre résistant français, torturé puis tué par les nazis lors de la Seconde guerre mondiale) a pris la parole pour indiquer que "le monde universitaire voulant s’associer au dialogue Nord-Sud", il était apparu opportun à son académie d’élever le président Blaise Compaoré au rang de docteur honoris causa. Cela parce qu’il a toujours entretenu des "rapports particuliers" avec Lyon et sa région, mais surtout parce qu’il "œuvre à l’essor de l’Université dans son pays".

Dans ce sens, le campus numérique de l’Université de Ouagadougou n’aurait pas été une réalité sans "l’implication personnelle et attentive" du président du Faso. Cette "volonté politique marquée" va déboucher sur une coopération active entre l’Université Jean-Moulin et sa consœur de Ouagadougou. Lui succédant, M. Michel Guillon, directeur de l’Institut pour l’étude de la Francophonie et de la mondialisation fera l’éloge du nouvel impétrant à cette haute distinction. Une "tâche difficile," avouera-t-il au regard de la "dimension personnelle" et des hautes fonctions exercées par le lauréat. Une difficulté allégée cependant au regard "des avancées et des réussites du Burkina Faso," pays "abonné" depuis plus d’une décennie à la bonne gouvernance politique et économique.

Malgré les contraintes naturelles, le Burkina Faso est l’un des pays du monde les "mieux gérés ou la démocratie s’enracine" sur un socle économique fort et en pleine croissance. Le mérite en revient à un homme qui est passé du marxisme au libéralisme social et qui se veut le défenseur d’une "Afrique qui se bat, qui change et qui interpelle l’humanité pour plus de partage et d’équité dans le respect réciproque".

Puis, après avoir fait l’historique familial et politique de Blaise Compaoré et du Burkina Faso, il a salué la vision prospective d’un homme qui a "prédit" la chute du mur de Berlin, une "vision patriotique et moins manichéiste" qui l’a conduit à prendre le pouvoir en 1987, mettant fin à un régime qui avait mis une chape de plomb sur les espaces de liberté dans son pays. Il a enfin insisté sur son esprit "imaginatif et créatif" (lancement des six engagements nationaux) qui lui a permis de surmonter la dévaluation et les années de braises (la crise politique majeure de 1999) pour faire du Burkina un "havre de paix et de solidarité". In fine, Blaise Compaoré est "un homme de l’essentiel" qui prouve que "LlAfrique n’est pas un continent stérile". Lui qui a inscrit le Burkina sur "le chemin de la construction d’un véritable Etat-Nation".

Les convictions du docteur Compaoré

Après la remise du diplôme et des insignes au désormais docteur honoris causa de l’Université de Lyon 3, celui-ci prendra la parole pour disserter sur les grandes préoccupations de l’heure à travers le thème "Afrique, mondialisation et Francophonie".

Après avoir souligné l’honneur qui lui est fait à travers cette distinction et marqué sa fierté et ses remerciements "après avoir écouté tout ce qui vient d’être dit avec talent et générosité à l’endroit du Burkina et de sa personne", le président du Faso est resté fidèle à ce qu’il convient d’appeler son credo depuis plus d’une décennie. Œuvrer à combler le déficit de dialogue et de solidarité entre les peuples, pour l’avènement d’un monde plus fraternel et plus équitable.

Si la solidarité, le dialogue et la diversité sont aujourd’hui, la raison d’être du rassemblement francophone qui se veut le "laboratoire de l’autre mondialisation, celle du développement durable", avec l’Afrique au centre de ce combat, Blaise Compaoré n’a pas manqué de se demander si "la communauté internationale offre à l’Afrique des conditions propices à son nouveau départ". Car, si "l’Afrique a besoin de faire de la croissance de son PIB une obsession permanente, les pays du Nord doivent en finir avec un libéralisme à sens unique et une fausse solidarité".

Il est inique en effet de l’affaiblir là où elle est performante (en agriculture notamment) par le biais des "subventions données à leurs agriculteurs par les tenants du libéralisme le plus orthodoxe". Et puis, dans d’autres secteurs où, pour devenir compétitive, l’Afrique a besoin de protection, les mêmes la lui refusent au nom des principes de l’économie de marché. Un libéralisme "ambigu, sinon hypocrite" qui va de pair avec une solidarité factice, toutes choses qui avaient, on se le rappelle, fait achopper les négociations de Cancun, les pays du Sud ayant refusé d’ouvrir leurs économies aux pays du Nord sans contrepartie.

D’où son appel à une Francophonie plus solidaire, car, Canadiens, Belges, Français... et Africains ont des destins "structurellement et intimement liés". L’Afrique est en effet le "Sud incontournable" de l’Europe. Un Sud géographique, religieux, mais surtout un Sud d’immigration. Une immigration qu’il "nous faut maîtriser dans l’intérêt bien compris de tous". Ce d’autant que "la mondialisation s’invite à la table" et que nonobstant son irréversibilité et la vitesse avec laquelle elle veut s’imposer, elle engendre des frustrations, voire des colères et un sentiment de peur face à des lendemains incertains, en raison de "sa philosophie de mise en œuvre".

La "globalisation" libérale, financière et marchande n’est pas "bonne" même si elle encourage l’initiative. Car, elle veut "uniformiser" les cultures et les langues (c’est "l’anti-diversité") en "laissant les pays pauvres, ceux d’Afrique en particulier au bord du chemin". Et, comme partout où il y a oppression, il y a résistance et lutte, "les événements du 11 septembre 2001, l’évolution dramatique du conflit israélo-palestinien, la crise irakienne, mettent en relief le péril des laissés-pour-compte d’un manque de justice et de solidarité internationale".

Nous sommes face à un tableau cauchemardesque où "le spectre d’un affrontement des ignorances annonce des temps dangereux". Ben Laden dans les montagnes de Tora Bora (où ailleurs c’est selon) en appelle au "djihad" contre l’Occident chrétien, alors que outre-Manche et outre-Atlantique, les évangélistes annoncent la fin des temps et appellent leurs armées à aller à l’assaut de Babylone. Temps d’ignorances, temps de souffrances et de morts. Il faut "désarmer les intégrismes" en sachant répondre au besoin de solidarité, de diversité qui apparaît de nos jours en pleine lumière.

C’est à ce niveau que la mondialisation rencontre la Francophone. Cette dernière doit ajouter au volet liberté, "la solidarité qui apporte une protection de l’individu par le groupe", et aller vers "la civilisation de l’universel, par la synthèse des différences, en préférant le multilatéralisme à l’unilatéralisme dans les relations internationales". En cela, elle "corrigera" l’économie de marché par une préoccupation sociale.

Les enjeux du Sommet de Ouagadougou

La Francophonie est donc "utile" et le Sommet de Beyrouth lui a "donné sa feuille de route", à savoir "se construire en tant que pôle géoculturel de diversité et de développement durable dans la mondialisation multipolaire". Pour mener à bien cette mission, elle doit s’en donner les moyens et adopter une méthode à savoir celle des "avancées permanentes". En sus, il lui faut "une organisation institutionnelle efficace et évolutive en fonction des besoins, un mode de financement partagé à la hauteur des enjeux".

Elle doit donc être "ambitieuse" et son Xe Sommet prévu à Ouagadougou en novembre prochain devra "dégager les stratégies et les programmes à mettre en œuvre pour qu’elle devienne effectivement un espace de développement durable". Dans ce sens, trois couples de secteurs devront être au centre de ce Sommet : l’éducation et la santé, les cultures et les langues, l’économie et la démocratie.

Le premier parce que le processus de développement est largement tributaire de l’éducation des populations et de la compétence technique des ressources humaines. Quant à la santé, elle est indispensable à tout progrès.

Le second parce que "les cultures et les langues doivent pouvoir vivre et exprimer leur diversité", tout en échappant aux règles du marché édictées pour l’OMC. Le troisième enfin, car la Francophonie doit avoir "l’obsession d’augmenter, par son action, la richesse des pays qui en sont membres et induire une flèche de progrès dans les domaines de la démocratie et des droits de l’Homme tout en acceptant, là aussi, la diversité des situations". Car, si la Francophonie doit être "intransigeante", quant au respect des droits humains, "il faut concevoir, pour y parvenir, des approches pragmatiques en ne sacrifiant jamais le développement et l’économie".

Autant de défis que le Sommet de Ouagadougou devra relever, en dégageant des actions permettant "d’inscrire la Francophonie comme une force incontournable dans la mondialisation multipolaire et pacifique". Un point de départ avec des idées nouvelles et des méthodes nouvelles en somme. Si cela s’avérait, les francophones n’auront pas raté leur rendez-vous avec l’histoire.

Le séjour français de Blaise Compaoré s’est poursuivi à Paris, où il a pris part à un Sommet regroupant les chefs d’Etat du Bassin du fleuve Niger.

Boubacar SY
Envoyé spécial à Lyon

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