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Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

Publié le lundi 8 mai 2023 à 15h15min

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Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

L’expression "hydre terroriste" est apparue après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, dans un discours de George W. Bush prononcé devant le Congrès américain. C’était le 20 septembre 2001. Depuis lors, elle est régulièrement utilisée pour désigner les réseaux terroristes. Si les grandes puissances en ont tiré les conséquences opérationnelles dans leur approche du phénomène (frapper les têtes des réseaux d’une façon ou d’une autre, et coûte que coûte), apparemment il n’en va pas toujours de même, comme approche préméditée, dans nos pays.

L’expression est juste utilisée en routine sans une claire conscience et attention sur des implications attendues dans l’appréhension du phénomène terroriste : (1) comme comparable à l’hydre de mythologie (grecque), un monstre à neuf têtes que Hercule a fini par vaincre avec l’aide de son neveu (il fallait couper la tête "immortelle" et la brûler avant qu’elle ne regénère), ou (2) à l’hydre biologique dont quelques caractéristiques sont résumées ci-dessous.

L’hydre est un animal mortel mais réputé "immortel", avec une reproduction par bourgeonnement, à l’identique et par voie sexuée. Lorsqu’on lui coupe la tête, les tentacules (ou appendices) ont encore une certaine autonomie de survie suffisante pour en régénérer une autre, de remplacement. Lorsqu’on la découpe en morceau, chaque morceau est capable de reconstituer une hydre entière. Dans tous les cas, c’est un animal dont toutes les cellules sont remplacées chaque 1 à 2 mois environ, de sorte qu’il n’y a pas de senescence fatale. Il est puéril et vain de s’acharner contre des tentacules car, de toute de toute façon, ils repousseraient après chaque "amputation". Plusieurs milliers de facteurs génétiques participeraient à la régénération de l’hydre. En situation normale, l’animal a besoin d’environ 72 heures pour se faire pousser une tête qui deviendra une nouvelle hydre. Mais lorsqu’il s’agit d’une tête de remplacement, cela ne prend plus qu’environ 48 heures. Les recherches actuelles tentent d’identifier des "interrupteurs" du génome qui empêcheraient la repousse de nouvelles têtes. Et cela nous intéresse contre l’hydre terroriste.

Cela étant, « On doit comprendre et intégrer le fait qu’aucune dissuasion ne marche avec les terroristes, pas plus que leurs cinglantes défaites et débandades à chaque affrontement direct. Ça nous rassure temporairement, mais ces "choses" n’ont de sens, ni à leurs yeux de combattants, ni dans l’esprit de leurs survivants au cas où. Ces derniers, comme des zombies, sont toujours prêts pour repartir à leur "combat", et la mort, une banalité en bandoulière, une moindre chose pour la plupart d’entre eux… En clair, on a beau les anéantir, il en reviendra toujours… » ("Leçon se Solhan, sous la mousse", juin 2021 dans Burkina 24).

Lorsque pendant la seconde guerre, les avions kamikazes japonais sont rentrés en action, les américains se sont retrouvés "conventionnellement" impuissants. Il fallait arrêter le phénomène par le niveau stratégique de la prise de décision : d’où le largage de la 1ère bombe atomique, suivi de la seconde. Et le Japon capitula sans condition. Evidemment, la réalité historique est plus complexe. Mais au contraire des dirigeants japonais de l’époque, et de tout autre dirigeant de pays, les chefs terroristes ne capituleront jamais pour cause de nombre de morts élevé dans leurs rangs ; ils s’en "fichent" éperdument. C’est en cela qu’ils sont particuliers, "incompréhensibles" pour nous.

Dans une telle situation, pour gagner stratégiquement la guerre, à notre échelle (Sahel) il faut détruire le niveau stratégique d’impulsion idéologique et de décision, il faut couper les têtes d’hydre du terrorisme, puis "gérer" les résidus tentaculaires périphériques. C’est cette approche qui, en gros, a été utilisée (et se poursuit) à l’échelle mondiale contre Al-Qaïda et DAESH, tous décapités à au moins deux reprises par les USA et leurs alliés (le deuxième chef de DAESH a été traqué jusqu’à auto-explosion par la Turquie en 2022). Ce fut la même approche que la Russie a utilisé face au terrorisme en Tchétchénie où la "tête" a été recherchée par satellite et abattue par missile. Je passe les détails.

Ce qui sévit chez nous (et au Sahel) ce sont donc des "tentacules" périphériques des réseaux mondiaux décapités, mais avec une autonomie vitale ayant permis de bourgeonner de nouvelles têtes par-ci, par-là (principalement deux, en ce qui concerne ceux qui attaquent notre pays). Ces dernières se sont appuyées et se sont nourris (se nourrissent toujours) d’initiatives locales "bourgeonnées" par les problèmes de gouvernance (fourre-tout en mal) à l’intérieur des différents pays. Autant le dire, un phénomène insatiable, pouvant toujours prétexter ou donner justification à toutes sortes d’impostures et d’aventures.

La question est, à notre échelle (Sahel), comment accéder à ces têtes d’hydre pour les décapiter ? Autrement, il y aura toujours des zombies combattants après nous, et nous, à leurs trousses. Et comme "fraîchement" découvert par le chef de la Transition, "ils sont nombreux".

L’incertitude, c’est que tout laisse croire qu’aucun pays du Sahel ne peut réussir seul, à accéder et décapiter ces têtes d’hydre, parfois localisées hors du Sahel semble-t-il. L’alliance Mali-Burkina, non plus ; encore moins si cette alliance s’aliène, directement ou indirectement, la confiance et la franche collaboration des autres pays du Sahel.

Et pour les partenaires les plus bienveillants du moment (contre espèces sonnantes et trébuchantes, il faut le rappeler), il ne faut pas se bercer d’illusions éternelles. La lucidité commande qu’on anticipe au moins une chose : il y aura un plafond qu’ils ne franchiront pas le moment venu, forcément, selon les rapports d’intérêts pour leur pays et ceux d’enjeux mondiaux. Exactement comme les français au Mali lorsqu’il a fallu combattre les rebelles Touareg, ou dès lors qu’ils avaient "verrouillé", via Barkhane puis Sabre, leur dispositif anti-Califat au Sahel.

Pour terminer, je m’accorde avec ceux qui pensent qu’on ne peut pas traiter (ou laisser traiter) des pays entiers de "complices de terroristes", voire de "terroristes", appeler (ou laisser appeler) au renversement de leur régime, et espérer leur accompagnement loyal en quoi que ce soit.

Youssoufou Ouédraogo
yissfu@gmail.com

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Vos commentaires

  • Le 8 mai 2023 à 18:07, par ARN En réponse à : Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

    Analyse très intéressante et très sérieuse jusqu’à ce que vous abordiez, hélas... la conclusion : une conclusion tellement maladroite et catastrophique que la substance de votre développement s’en trouve bcp affaiblie.

    En plus, l’analyse en elle-même se termine en queue de poisson en ce qu’elle ne propose aucune solution à la problématique posée. Dire que les pays concernés ne sauraient lutter eux-seuls contre ce phénomène est une lapalissade.

    Mais les idées développées sur ce sujet sont assez intéressantes.

  • Le 8 mai 2023 à 22:16, par Renault HÉLIE En réponse à : Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

    @Ouédraogo
    Monsieur Ouédraogo,
    Je relève un passage qui me semble historiquement aventureux, et surtout très approximatif :
    « Lorsque pendant la seconde guerre, les avions kamikazes japonais ... d’où le largage de la 1ère bombe atomique... »
    1) Terrorisme, vraiment ?
    La « crise des kamikazés » n’a rien à voir ni avec du terrorisme, ni avec une « guérilla de libération ». C’est juste une tactique militaire assez sotte ... qui exterminait les pilotes japonais tout en respectant les règles militaires conventionnelles. Elle n’a guère gêné les armées alliées, et elle a même facilité le travail de l’aviation en éliminant plus vite les pilotes japs. Les alliés abattaient la majorité des bombes volantes sans grandes difficultés.
    2) Course de vitesse URSS-Occidentaux
    L’utilisation de la bombe atomique est bien plus complexe qu’une réaction aux kamikazés.
    Le Japon était fichu, mais les marines alliées étaient trop loin pour débarquer avant fin 1945, et le débarquement eût coûté très cher en moyens et en hommes.
    Or, pendant ce temps, l’armée soviétique, libérée des Nazis, avait d’énormes moyens qui allaient lui permettre de débarquer d’île en île dans le coeur du Japon, qu’elle eût écrasé et conquis avant l’arrivée des alliés occidentaux, mettant fin au régime impérial. Le chapelet d’îles entre Sakhaline et le Japon remplaçait avantageusement les porte-avions. Sachez que l’armée rouge sur terre était bien plus efficace que l’armée terrestre japonaise, en terme de chars et d’aviation. Joukov avait déjà infligé une belle raclée terrestre à Khalkin Gol en 1939. D’ailleurs, dès le 8 mai 1945, les offensives soviétiques réussirent magnifiquement, avec déjà des débarquements sur des îles du Japon.
    Donc, c’était une course de vitesse ! La bombe atomique a fourni au Japon un prétexte honorable pour capituler vite en préservant l’empereur. Et ça permettait de stopper l’URSS avant qu’elle ne conquît le Japon, la Chine et peut-être toute l’Asie.
    3) La bombe atomique a donc eu l’utilité d’éviter une rapide chute du Japon par la main soviétique. Autre avantage : c’était un avertissement à Staline, au cas où il aurait voulu envahir l’Europe de l’Ouest.
    Considérez donc la bombe comme un des premiers affrontements de la guerre froide !


    -  Conclusion
    Donc, tout cela est plus compliqué qu’au premier regard, et ça n’a rien à voir avec le terrorisme.
    Je remarque que vous avez eu la prudence d’écrire : « Evidemment, la réalité historique est plus complexe. »

    • Le 9 mai 2023 à 07:50, par pfff En réponse à : Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

      Je suis assez d’accord dans l’ensemble, ceci dit, la 2nde guerre mondiale toute entière ne peut se comprendre sans intégrer la menace soviétique et les peurs qu’elle provoquait en Europe, parfois exagérées à dessein (contexte : république espagnole, front populaire français....), et ça, dès la prise de pouvoir de Hitler en 1933. Pour beaucoup, en particulier parmi les militaires de haut rang, une alliance avec l’Allemagne était sans doute un mal moindre qu’un affaiblissement des deux pays suivi de la colonisation soviétique de l’Europe, que d’aucun imaginait jusqu’à Paris. Comme souvent, la réalité des faits a emprunté au pire des deux visions : alliance fasciste et avancée russe sur la moitié de l’Europe.

  • Le 9 mai 2023 à 11:55, par Bajazet En réponse à : Sahel : On parle de l’hydre terroriste sans en tirer les implications stratégiques

    @ Ouédraogo
    M. Youssoufou Ouédraogo,
    J’ai lu avec plaisir votre intéressante tribune qui me laisse savourer ses comparaisons & allusions historiques, mythologiques et biologiques. Il y a des audaces, certes, mais c’est agréable à lire.

    Il y a un point qui m’obsède : Il est TOUT À FAIT NOTOIRE que l’hydre du terrorisme en Afrique de l’Ouest a sa tête, une énorme tête, en Libye. LA RACINE DU MAL, LA TÊTE DE L’HYDRE, EST EN LIBYE ! Et cela est très postérieur au lynchage de Guéddèffi par son propre peuple, cela a commencé vers 2015.

    C’est avec une joie infinie que le peuple libyen a été débarrassé en 2011 de son tortionnaire “Si Guéddèfi” ! Cet obsédé sexuel possédait des salles de viol pour abuser jeunes filles et jeunes gens qu’il faisait enlever à leurs parents, il torturait EN MASSE, il fusillait et faisait assassiner des dizaines de milliers de libyens innocents qui lui déplaisaient, il a tué 81 africains dans un attentat d’avion au départ de Brazzaville en 1989.

    La population libyenne est lassée des horreurs de son épouvantable dictateur, elle ne souhaite que vivre en paix en jouissant paisiblement de sa rente pétrolière sans trop travailler, quitte à prendre des vacances dans la joyeuse Tunisie, infiniment plus décontractée que le reste du Monde Arabe. Tunisie qui a, elle aussi, beaucoup souffert du terrorisme de « Guéddèfi le fou ». 

    Malheureusement, 70% de la Libye est occupée, devinez par qui ? Eh ben par l’ancien colonisateur turc, qui agit par milices interposées et oblige les libyens à ne consommer que des produits turcs, distribués par des entreprises émanant de l’armée turque. 

    Ces milices turques ont récupéré de nombreux terroristes Islamo-nazis syriens, maghrébins et moyen-orientaux qui servent de « cadres » et d’émulateurs à d’autres terroristes subsahariens.

    Votre « hydre terroriste » a clairement sa tête là, en Libye ! Des bases, de l’approvisionnement illimité, des hôpitaux de campagne ultra-modernes, de l’argent provenant à flots de la riche péninsule arabique, des centres de communication « High Tech » pour des états-majors à peine clandestins, tout cela est richissime et fort confortable.

    Vos djihadistes se dorent tranquillement la pilule dans le confort libyen, puis ensuite ils traversent en touristes le Mali dont l’armée a perdu le Nord et l’Est, 70% de son territoire, ils viennent violer, égorger et piller au Burkina Faso, puis ils prennent congé et retraversent le Mali dans leurs luxueux Toyota-V8-toutes-options (SUV indestructibles achetés à un importateur turc de Libye !) ; après une agréable randonnée malienne, ils viennent se reposer en Libye, en attendant la prochaine razzia anti-burkinabè. La traversée du Mali est facile ... depuis qu’on a écarté les troupes occidentales qui surveillaient et écrasaient les katibas...

    Je suis très étonné que ces faits évidents ne soient pas suffisamment rapportés à la population burkinabè. Au contraire, on entend une hallucinante propagande de louange aux compagnies turques, émanations semi-maffieuses de l’armée turque...

    Rappelons que l’armée turque est définitivement marquée d’infamie par le génocide de 20% de la population anatolienne il y a 1 siècle.

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