Affaire Perkoa : Des sapeurs pompiers contactés mais empêchés d’accéder à la mine souterraine
Lefaso.net
Après une pause la veille, l’audience du procès sur le drame de la mine de zinc de Perkoa a repris ce mardi 30 août 2022 au Tribunal de grande instance (TGI) de Koudougou. L’un des sapeurs pompiers de l’opération a témoigné.
Le lieutenant Stéphane Sidi Nana est passé à la barre cet après-midi. Après avoir été entendu lors de l’enquête préliminaire, ce soldat du feu est revenu sur leur rôle suite à l’inondation de la mine, le samedi 16 avril 2022.
A 9h 45 minutes, la compagnie de la Brigade nationale de sapeurs pompiers (BNSP) de la région du Centre-ouest a reçu un appel pour cas d’inondation à la mine souterraine de Perkoa. Une fois sur les lieux, ils ont appris que douze mineurs étaient dans la mine et quatre ont pu se dégager. L’unité des sapeurs pompiers n’a pas pu accéder à la mine souterraine sur interdiction du directeur de projets de Byrnecut Burkina Faso, une entreprise sous-traitante de Nantou Mining.
Le lendemain, le lieutenant Sidi Nana et son équipe sont revenus sur le site dans l’espoir d’y entrer cette fois-ci. Le lieu du sinistre leur a été encore refusé. Ils ont fait le tour du site mais n’ont pas eu accès à la mine souterraine. Le directeur Christensen Darly leur avait demandé de repartir et revenir sur leur demande.
C’est le lundi 18 avril 2022 que les sapeurs pompiers ont pu rentrer dans la mine souterraine, a témoigné Sidi Nana. "La voie était pratiquement impraticable, à cause de l’eau et de la boue", a-t-il indiqué.
L’accusé reconnu par le témoin
A la question du procureur de savoir pourquoi le patron de Byrnecut Burkina Faso a empêché l’équipe du lieutenant Sidi Nana, le témoin a affirmé qu’ils leur ont fait comprendre que l’eau a endommagé l’intérieur de la mine souterraine. Avez-vous résisté ? Stéphane Sidi Nana a répondu avoir insisté pour savoir pourquoi ils ont été appelés mais ils ne peuvent pas accéder à la mine. Pour lui, c’est une première fois de voir une telle situation.
A la barre, le lieutenant Stéphane Sidi Nana a pu identifier le chef de Byrnecut Burkina Faso qui leur avait interdit d’entrer dans la mine souterraine. Il a désigné Christensen Darly, l’un des accusés dans ce dossier. Il est poursuivi pour complicité conformément aux charges retenues contre Nantou Mining Burkina Faso.
A la suite de la narration du témoin et les réponses aux questions du parquet, ce sont les avocats des parents des victimes qui sont intervenus. Quelle est votre devise, demande l’un des avocats de la partie civile. "Sauver ou périr" a répondu Stéphane Sidi Nana.
Est-ce que vous pouvez forcer quelqu’un pour intervenir ? Le témoin a répondu par la négative. Cette réponse a permis aux avocats de la défense de s’y appesantir.
De l’intervention dans une mine souteraine
Quand le feu brûle la case de quelqu’un, avez-vous besoin de l’autorisation de l’intéressé pour intervenir ? C’est l’image utilisée par la défense pour comprendre l’attitude des sapeurs pompiers face à une telle situation. Le témoin a indiqué que les interventions dépendent des circonstances.
Pour le cas de la mine, les sapeurs pompiers ne disposent pas de toutes les informations. Ils doivent comprendre certains aspects avant de dérouler leur plan de sauvetage, a laissé entendre le soldat du feu.
Un avocat de la défense a demandé un manuel qui atteste que les sapeurs pompiers ont reçu une formation sur l’intervention dans une mine souterraine. Le témoin a dit qu’il n’y a pas de manuel pour ce cas. "On est des militaires donc on s’adapte à la situation", a déclaré Stéphane Sidi Nana.
A la question de Me Bagagna de savoir ce que le directeur Christensen Darly a dit aux sapeurs pompiers à leur arrivée, le lieutenant Nana a répondu : "Il ne voulait pas nous laisser rentrer dans la mine souterraine".
Pas de risque à prendre
Il faut signaler que plus tôt dans la matinée, Christensen Darly était à la barre. Pour l’infraction de complicité de non-assistance à personne en danger pour laquelle il est poursuivi, il est revenu sur l’intervention des sapeurs pompiers.
Pour le directeur de Byrnecut, c’était un conseil et non une interdiction. Les sapeurs pompiers auraient pu accéder à la mine souterraine s’ils avaient forcé, a-t-il indiqué.
Le procureur a demandé à savoir si Christensen Darly ne devrait pas laisser les professionnels de sauvetage rentrer et apprécier eux-mêmes la situation. L’accusé a laissé entendre que les sapeurs pompiers auraient pu ignorer ses indications et entrer.
A en croire le directeur de Byrnecut Burkina Faso, en tant que responsable de cette société qui s’occupe de la mine souterraine, il n’a pas voulu exposer la vie d’une personne qui voulait entrer. Les eaux ont endommagé l’électricité et les moyens de communication donc c’est un risque à ne pas prendre.
Cryspin Laoundiki
Prince Omar Ouédraogo
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