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Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

Publié le jeudi 10 février 2022 à 23h02min

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Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

Depuis le dernier trimestre 2021, la presse fait état d’un projet du milliardaire français de se retirer d’Afrique, notamment de se libérer de sa filiale Africa Logistics qui est la source de ses ennuis judiciaires en France et au Burkina. Africa Logistics a une petite fille qui s’appelle Sitarail, la société des chemins de fer qui va du port d’Abidjan à Kaya. Le patron du groupe Bolloré peut vendre ce qui lui appartient, c’est son bien, il en fait ce qu’il veut. Mais peut-il vendre ce qui appartient aux peuples ivoirien et burkinabè ?

Peut-on vendre une concession de services publics ? Les deux États ouest africains avaient menacé de retirer à Sitarail cette concession lors des travaux du dernier Traité d’amitié et de coopération(TAC) entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire tenu à Abidjan en juillet 2021. Pourquoi du côté d’Abidjan et de Ouagadougou c’est un silence assourdissant après les communiqués menaçants et puis surtout rien depuis trois mois que le groupe Bolloré veut vendre les ports et les chemins de fer qu’il détiendrait en Afrique à l’armateur suisse MSC ?

Pourquoi parler de chemins de fer alors qu’il y a des sujets plus chauds, particulièrement dans ce pays dit des hommes intègres. Peut-être parce qu’on a envie de voyage, de partir, de s’échapper de ce pays qui imperceptiblement, glisse et s’enfonce chaque jour davantage dans le vaste gouffre des États faillis. Un pays qui présente un collier de perles d’échecs et d’insuccès, qui vous donne envie de prendre le train et de vous en aller vers un ailleurs meilleur, quand bien même, que l’on sait que partir n’est pas la solution. Non en fait de s’évader, cette question de la vente de Sitarail nous ramène à la dure réalité des problèmes qui impactent notre vie et ne la rendent pas belle.

L’histoire du chemin de fer c’est l’histoire des travaux forcés, car ce rail a été posé aussi par une main d’œuvre corvéable à merci lors de son lancement durant la colonisation en 1903. La ligne n’arrive à Bobo-Dioulasso qu’en 1933 et Ouagadougou seulement en 1955, cinq ans avant les indépendances. Cet investissement devait permettre d’emmener au port les matières premières pour le transfert par voie maritime en métropole. Conçu avec cette volonté coloniale, le chemin de fer après les indépendances ne se développera pas mais la RAN était tout de même une société viable jusqu’en 1980 où la crise liée à la concurrence de la route, la mauvaise gestion et les relations non équitables entre les deux pays dans la gestion de la régie du chemin de fer Abidjan Niger, plonge celle-ci dans la crise.

Les frustrations burkinabè et les problèmes de gestion et d’effectifs pléthoriques contribueront à la gestion séparée en 1987. Auparavant le Burkina avait lancé en 1985 la prolongation de la voie ferrée vers Kaya longue de 110 Km qui va faire de tout le parcours un chemin de 1260 km. Le FMI et la Banque mondiale vont emmener les deux pays à la privatisation et à reprendre une gestion commune via la Sitarail qui va obtenir pour la première fois en septembre 1995 une concession dans un consortium où Bolloré était présent avec Maersk.

Dès la première année d’exercice, le trafic marchandises va presque doubler, mais Sitarail ne fera pas les investissements prévus et réclamera la fermeture des gares rurales dans les deux pays qui étaient des poumons économiques des zones traversées par la voie pour vendre leurs productions. Le premier contrat prévoyait une concession de 15 ans, mais la crise ivoirienne et la fermeture de la frontière entre la Côte d’Ivoire et le Burkina en 2002 durera un an, ce qui emmène Sitarail à réclamer des révisions du contrat sans s’acquitter de ses obligations. Mais les États finiront par lui accorder ce contrat révisé en 2016 après avoir cédé sur trois avenants en 1995 dès la signature en 2001 et en 2004. Le contrat révisé augmente la durée du contrat qui va doubler avec bien d’autres avantages pour le groupe Bolloré.

C’est en désespoir de cause que le 9e TAC, tenu en juillet 2021 à Abidjan, va donner un ultimatum dont le délai est passé.

Le silence des États est lourd de conséquences

Mais la Côte d’Ivoire et le Burkina n’ont pas résilié le contrat de concession. Alors que les juristes disent que même si les clauses du contrat ne prévoient pas la résiliation, les autorités concédantes peuvent le faire sans faute du concessionnaire. Dans le cas de Sitarail les manquements étaient nombreux et nos pays n’ont rien fait pour mettre fin au contrat. La vente sera bientôt actée au mois de mars 2022. Avec le coup d’État au Burkina et la proximité du président ivoirien avec la famille Bolloré, on doute qu’une action soit entreprise dans le sens de préserver les intérêts des deux peuples.

La vente est un transfert de propriété contre de l’argent. Le groupe Bolloré ne vend pas la concession mais vend la société concessionnaire qui détient les avantages que les États lui ont accordés. Si MSC (Mediterranean Shipping Company) rachète Sitarail, reconnaîtra-t-elle les manquements du groupe Bolloré ? Pourquoi le contrat de concession n’a-t-il pas été résilié depuis septembre 2021 ? Ce manquement des deux administrations est condamnable, elles sont fautives de ne pas préserver les intérêts des pays. On se retrouve avec une société privée qui a exploité pendant 27 ans le chemin de fer de deux pays sans faire tous les investissements promis et sans payer les droits aux États et qui va vendre sa société et prendre son bénéfice et nous laisser avec les problèmes. Les investissements en Afrique sont pour la famille Bolloré la machine à cash, une source importante de profits obtenus dans des conditions douteuses.

Sana Guy
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 10 février 2022 à 15:25, par YAYA En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Le sujet est interessant mais il fallait faire plus de recherche là-dessus ; sinon c’est un texte plus littéraire que d’intérêt économique. Je ne suis pas du domaine mais je me dis que cela doit etre comme quand vous louez un car ou un camion pour faire du transport ; le jour que vous ne voulez plus faire du transport vous ne pouvez quand meme pas vendre le car ou le camion puisque vous en etes pas le propriétaire.
    Pour etre plus intéressant, vous aurez peut-etre du prendre connaissance des clauses du contrat qui lie Bolloré au BF et à la CI concernant SITARAIL

  • Le 10 février 2022 à 15:59, par KATO En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Bien merci Mr SANA qui parlez de ce qui constitue une HONTE aux ivoiriens et aux burkinabé. C’est bien triste de savoir que notre patrimoine commun bradé à Bolloré dans le mépris total des ayant droit, avec la complicité de feu Félix H. Boigny , semble nous échapper . A qui la faute ? Aux deux pays IRRESPONSABLES qui n’ont pas su s’approprier le bien ancestral.
    Je peine énormément de constater que nos deux pays ne puissent pas mutualiser les forces pour DIRIGER ce beau et souverain patrimoine, qui devrait faire notre fierté.
    Je peine à l’idée de cette vieille époque de la société RAN , qui fut un patrimoine économico- touristique .
    J’ai les larmes aux yeux à l’idée que la nouvelle génération, nos enfants ne connaissent pas le beau joyau d’antan.
    Ah , l’autorail, la gazelle, l’antilope, qui pourfendaient forêts , montagnes et savanes sont réduits à l’expression de la légende. Et pourtant ! J’en veux amèrement à l’irresponsabilité de nos deux états qui ont sacrifié ce patrimoine à l’autel de la France néocolonialiste. Nos deux pays regorgent de gestionnaires et d’hommes d’affaires hors paires, qui peuvent encore mettre sur les bons rails, ces locomotives rendues hideuses par Bolloré et consort , qui ne sont que les vestiges du néo colonialisme . Les deux pays doivent se ressaisir et se donner le droit de RESILIER hic and nunc le contrat de Bolloré . Vivement que cela se fasse dans les meilleurs délais.

  • Le 10 février 2022 à 16:07, par Bob En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    C’est un article pour public non spécialisé et dans ce sens c’est suffisant. J’espère que le MPSR profitera de cette problématique pour revoir les contrats léonins accordés aux secteur des mines, mais aussi à la téléphonie mobile. Ce sont des domaines à forte valeur ajoutée qui auraient procuré des ressources importantes à l’état et surtout auraient permis de créer des emplois. Au lieu de cela nous avons liquidé l’avenir de notre jeunesse pour quelques pots de vin. Nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer alors que nos richesses sont pillées sous nos yeux.

  • Le 10 février 2022 à 17:04, par TANGA En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    J’ai toujours dit que ce machin d’amitié entre la Côte d’Ivoire et le Burkina était su n’importe quoi, i e prise par ’e C....organisée contre le Burkina et au profit du colon et de ces larbins. Quand il s’agissait de rappeler Bolloré à l’ordre pour les choses non faites, croyez vous que la Côte d’Ivoire allait laisser que l’on amène Bolloré à les faire ? Bref.
    Sitarail, que Bolloré s’en aille mais le patrimoine c’est pour nos pays. Si la Côte d’ivoire veut, qu’elle cède sa part à qui Bolloré veut.
    Mais avant tout, Bolloré doit payer pour ce qui n’a pas été fait. Ça, on ne s’amuse pas.
    En attendant, pourquoi orange et total ne s’en vont pas ? Ça allait être en gros.

  • Le 10 février 2022 à 18:33, par Banga En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    il fallait attendre des décennies pour savoir que le contrat ne nous arrange pas et le nouveau aéroport qui sera gérer pendant 30ans et personne ne dit mot pourquoi conclure un contrat de ce genre il va jamais nous arrange le groupe à jouer avec nos présidents en Afrique de l’Ouest les ports les chemins de fer c’est pour eux

  • Le 10 février 2022 à 19:13, par l’Africain En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Quel scandale !! On espère que les nouvelles autorités vont s’attaquer a ce problème le plus vite possible.

  • Le 10 février 2022 à 21:40, par Hyacinthe Ouedraogo En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Mon Dieu,
    Je revois le temps de la revolution comme si c’etait hier. Je me rappel que Sankara avait mobilisé le peuple pour battir le chemin de fer par la main nue jusqu’à Kaya.
    Je me rappelle que Sankara avait favorisé le train comme moyen de transport des citoyen avec une qualite exceptionnelle a3 tel point que tout le monde preferait voyagé par le train au lieux des Bus.
    Voilà qu’arrivent des band d’assassins, de voleur, et de corrompues pour detruir l’avenir et l’espoir de tout un peuple.
    Je pense que le MPSR peut profiter restituer au peuple ce qui l’es de droit, car le peuple en as souffer pour ne pas en bénéficier.

  • Le 11 février 2022 à 12:56, par Article 37 En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    IL y a souvent des sujets évocateurs où celui qui pose la question suggère la réponse. Mais je me permets de donner un avis très personnel. Le droit des sociétés est régi par l’acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés commerciale et les GIE. Une concession de service publique est avant tout un contrat pour lequel il faut connaître les clauses pour connaître les conditions d’aliénabilité ou d’inaliénabilité de certains baux. C’est qui donne de la valeur aux entreprises.
    Ce n’est vraiment pas la peine de s’exciter sur cette question car les textes existent. Au cas où la passion vient au dessus du droit, ce sont les institutions judiciaires à terme qui auront le dernier mot.
    Le débat se poursuit.

  • Le 11 février 2022 à 14:39, par Youth En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Mon grand père sera alors dédommager dans ce cadre. Eux qui ont mangé du beurre de karité pour travailler dur pour l’avènement de ce joyaux. Laissez les textes juridiques tranquilles où étaient ces textes quand l’on traitait avec un degré d’animosité nos vaillants et paisibles ancêtres ?

  • Le 12 février 2022 à 08:09, par Sacksida En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Non..Bollore ne devrait pas pouvoir vendre SITARAIL parce que la concession de nos rails veut dire que c’est la gestion de cette activite qui lui est confiee ; pas le Patrimoine. C’est comme quand quelqu’un loue votre maison pour faire une activite, s’il veut quitter la maison avant le terme du contrat, il s’assoie avec le proprietaire et ils font un etat des lieux puis on solde les Comptes de part et d’autres. Ainsi, chacune des deux parties c’est a dire proprietaire et locataire apres rupture du contrat de location ou de concession fait valoir ses droits et la procedure est close.Ce qui est tres preocupante et deplorable dans cette affaire avec Bollore, des Etats Africains apres plus de 50 ans d’independance vont confier leurs chemins de fer ou leurs ports a un individu etranger qui foule aux pieds des conventions et pietine des droits elementaires de nos Etats et on le laisse faire ? J’ai connu la RAN, ensuite la Societe Nationale des Chemins de Fer du Burkina sous la Revolution Democratique et Populaire ca marchait bien ; et puis est arrivee les privatisations imposees par la Banque mondiale et le FMI, et voila l’on est aujourd’hui dans des situations deplorables et inacceptables. Salut

  • Le 12 février 2022 à 18:18, par jeunedame seret En réponse à : Chemins de fer au Burkina : Bolloré peut-il vendre la concession ?

    Belle information. Des sujets comme ça sont cachés et ignorés du grand public. Affaires de quelques experts timides ou intimidés et sans patriotisme. SVP, vous qui connaissez, pour l’amour de la patrie, faites-en une publication ouverte ou permission aux radios et journaux de créer des émissions, d’ouvrir des débats à propos ; dans le but d’informer le grand public et de motiver à la lutte. Car nos politiciens seuls avec ces sujets cachés ne font rien sans pression.

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