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Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

Publié le mercredi 27 avril 2022 à 10h48min

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Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

Honko Roger Judicaël Bemahoun, statisticien-économiste et analyste politique, explique, dans le texte qui suit, que l’option de négocier avec les groupes armés terroristes pourraient comporter des avantages.

Les nouvelles autorités du Burkina Faso sous le magistère du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) ont annoncé entreprendre des négociations avec les groupes armés terroristes sous l’égide des comités de dialogues locaux. Une décision qui a suscité un tollé dans l’opinion publique burkinabè. Pourtant, cette option vaut son pesant d’or dans la recherche de solutions à la pacification du Burkina Faso. Nous ne pensons qu’il s’agit de nous offrir la paix et la sécurité à tout prix. Sachant que les acteurs de l’insécurité sont multiformes, c’est moins le fait de dialoguer mais de savoir avec qui il faut engager des pourparlers et autour de quoi et à par l’intermédiaire de qui.

Négocier voudrait dire continuer la guerre par d’autres moyens

La cartographie des acteurs de l’insécurité indique que dans leurs rangs on y trouve du tout : des bandits de grands chemins, des narcotrafiquants, des jeunes radicalisés contingents (BEMAHOUN et BARRY (2018) ; THIAM(2017)). Dans ce dernier lot, des voix s’élèvent pour exprimer l’abus de confiance en découvrant la face hideuse du maquis ainsi que les motivations obscures des principales figures historiques de l’insécurité dans la province du Soum et le Macina.

De nos jours, l’usure du temps est en faveur de la République. Et ce n’est nullement une faiblesse que de prendre langue avec ces jeunes radicalisés qui sont disposés à se repentir. Pour sûr, attendre est devenu couteux pour ceux qui avaient mordu à l’appât d’une prétendue cause à défendre. Si à ce jour on ne peut dénombrer ces désillusionnés, on peut noter des signaux de recherche d’une main secourable. Ce sont avec ces derniers qu’il faille aménager une porte de sortie.

En effet, « Établir un contact et communiquer avec les terroristes est absolument nécessaire, tant pour comprendre leurs objectifs et leurs attentes que pour obtenir des informations opérationnelles (Guy Olivier Faure et I. William Zartman, nd) ». Dans cette constellation hétéroclite, il est de bon ton d’identifier les bons interlocuteurs afin d’isoler les irréductibles et libérer les militants captifs.

Avec qui négocier ?

A L’étape actuelle de l’évolution de la situation sécuritaire, deux types de combattants extrémistes se dégagent : les combattants intégraux et les combattants contingents. Si les premiers n’ont aucun intérêt à négocier, certains combattants contingents sont à la recherche d’une main secourable et ce au bas mot, depuis 2017. Ces derniers devenus pour certains des militants captifs qui ne peuvent pas revenir dans la République, dans leurs communautés d’origine du fait de l’œil social. Pour ces cas de figures, aménager une porte de sortie à l’image des centres de déradicalisation et de réinsertion de Goudoumaria au Niger n’est pas la mer à boire dans l’effort de guerre à consentir.

C’est humain de vouloir faire dans la loi du talion : « œil pour œil, dent pour dent ». Que gagnons- nous véritablement s’il y’a une possibilité de faire des défections dans les rangs d’en face en ce que nous croyons avec Georges S. Patton que : « L’objet de la guerre n’est pas de mourir pour son pays, mais de faire en sorte que le type d’en face meure pour le sien » ? Notre propos ici est de faire remarquer que la violence convoque toujours la violence. Des sources stipulent qu’un combattant extrémiste tué occasionnerait l’engagement de trois nouvelles recrues. Par ailleurs, la rhétorique martiale suscite de plus en plus des sympathies chez des personnes insoupçonnées dans la République.

A ce propos Bosi et al. (2012), font remarquer que la stratégie des groupes armés consiste à : « infliger des dommages matériels, psychologiques et symboliques à des individus et/ ou à leurs biens dans le but d’obtenir le soutien ou l’opposition de publics variés à des changements politiques, sociaux et/ou culturels ». Des soutiens insoupçonnés, on peut les dénombrer dans la République du fait de la violence sans discernement exercée sur des individus du fait de leur apparence. Un délit de faciès qui a entamé la cohésion sociale.

La rhétorique martiale a alimenté le cycle de violence et entamé la cohésion sociale

L’état du savoir sur la violence politique indique éloquemment que le tout militaire n’a jamais résolu ce genre de problème. Bien au contraire, il l’envenime. Au Burkina Faso, les conséquences de ce tout militaire se perçoivent sur le vivre-ensemble, la cohésion sociale, la stigmatisation des communautés, les amalgames sur les ethnies, le délit de faciès ; en un mot la discrimination basée sur l’apparence, etc.

Si le délitement du tissu social invite à résoudre la question nationale à long terme, la situation sécuritaire exige de former le poing, faire la guerre, affronter armes à la main ceux qui endeuillent de Burkina Faso. Les résultats de nos recherches indiquent que pour gagner la bataille psychologique, vaincre la peur des attaques armées chez les populations, il faille fixer les forces de défenses et de sécurité auprès des populations : La présence de défenses et de sécurité dans une localité réduit à 13.6% la propension à avoir peur des attaques armées.

La négociation- dialogue ne devrait en aucun cas, absoudre l’option du combat. La puissance du feu ne fera pas abdiquer les combattants intégraux persuadés que la mort est le « ticket direct pour le paradis ». En revanche, pour d’autres, ces jeunes en passent de se repentir, nous devons boire à la source des expériences de pays comme le Nigéria, le Cameroun, le Tchad ou le Niger. Ce n’est pas une option nouvelle en l’envisageant .Du reste, pour ce qui concerne nous avions formulé déjà en 2017, dans un papier de recherche « Extrémisme violent dans l’espace culturel du Djelgodji : Facteurs associés et modalités de mitigation », la recommandation d’engager des pourparlers avec les groupes armées extrémistes.

Qui doit participer aux dialogues ?

Il est de notoriété publique que des dynamiques sociales nourrissent la crise sécuritaire par endroit. De ce fait, il serait indiqué de faire dans l’inclusion dans la composition des comités locaux de dialogues afin de tenir compte des dimensions sociales et locales de la crise.

En définitive, « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Notre pays le Burkina Faso saigne depuis 2015, Il est temps d’implémenter autre chose à cette crise multidimensionnelle dont l’extrémisme violent actuel n’est que la partie visible de l’iceberg.

Tant que rien ne sera fait pour plus de justice sociale, contre la corruption, il y’aura quiproquo tôt ou tard. Ce qu’il faut craindre dans ce type tractations sous nos tropiques, ce sont les libérations de prisonniers ou le versement de rançons, la concussion ; lesquelles pourraient constituer un précédent dangereux pour des négociations ultérieures et dans le pire des cas, être un motif de basculement dans la violence par certaines personnes désœuvrées. Le principe de négocier ne pose pas, à notre sens, un problème.

BEMAHOUN Honko Roger Judicaël
Statisticien-économiste, analyste politique
Ouagadougou, le 26 Avril 2022

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Vos commentaires

  • Le 27 avril 2022 à 12:33, par James En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    A mon avis nous avons toujours du chemin à faire.
    Pourquoi n’avez vous pas invité l’Ex président Rock KABORE à negocier avec ses groupes térroriste ?
    Comparons les deux personnalités :
    l’EX président Rock KABORE} : homme civil, économiste qui n’a pas parlé d’une quelconque négociation avec les groupes térroristes.
    L’ACTUEL Président Paul Henri Damiba : Soldat, Luetenant Colonel au pouvoir.
    Vous en tant que STAT. ECONOM, Analyst. Politique parliez d’une quelconque negociation.
    Le peuple suit avec attention tous ces mouvements et points de vue.
    Que Dieu sauve notre nation.

  • Le 27 avril 2022 à 13:35, par la colombe En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    Le Burkina ne s’en sortira que si la majorité du peuple se décide à dire et accepter la vérité ! Quand les gens entretiennent volontairement le filou et la confusion entre les termes "dialogue et négociation", quand des autorités ministérielles affirment que ce n’est pas le gouvernement qui va négocier, quand personne ne peut indiquer clairement les personnes parmi ceux qui nous tuent qui seront nos interlocuteurs, quand personne n’ose dire quelles sont les issues en cas d’échec du dialogue, quand on veut tromper les gens en disant que le gouvernement ne mettra pas un seul franc dans la conduite des fameux dialogues locaux (où installer les tueurs dans leurs villages d’origine ou dans les villages d’autres personnes avec ou sans leur consentement ?), quand en résumé, tout le monde ment et continue de mentir à tous les coins de la rue, eh bien, je ne suis pas du tout rassuré que cette option nous sortira de cette violence aveugle. Soyons courageux comme les Rwandais : que les terroristes acceptent de passer devant la justice locale, qu’ils demandent pardon à leurs victimes et qu’ils acceptent de travailler et vivre avec leurs victimes chaque jour en guise de punition à vie. Rien que la honte portée parles bourreaux et leurs familles sur des générations va dissuader les autres candidats au terrorisme ! En dehors de cette voie de l’humilité, de la demande sincère de pardon et de repentir, rien, je dis rien ne pourra nous sauver. Il n ’ y aura plus qu’à aller louer des fusées pour transporter les tueurs sur la lune ! Burkinabè, acceptons de nous dire cette vérité qui sauve, cette vérité qui construit durablement la paix et les peuples !

  • Le 27 avril 2022 à 17:34, par Guiatin En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    Félicitations à Monsieur Bemahoun ! C’est un bon article. Il est bien éclairant. Bon courage à vous dans vos recherches !

  • Le 27 avril 2022 à 19:43, par SID PAWALEMDE En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    Cette sortie est très grave. Il faut dire simplement à DAMIBA de rendre le tablier. On n’a pas tué que le chef de Yirgou hienn ! Il a été égorgé comme un mouton. Dites moi, dans quelle société, parmi toutes les ethnies du Burkina il y’a cette culture ????? Même s’il va rester un seul Burkinabè sur l’ensemble du territoire, nous n’allons pas négocier. Allez dans mon village et ouvrir une enquête et vous allez revenir dire au monde entier qu’il n’y aucune possibilité de négocier mais qu’il y ait affrontement et celui qui domine vive. C’est de cette même façon qu’on veut nous faire croire que Blaise Compaoré même mort peut être enterré sur le sol burkinabè. Ce n’est pas possible. Pour vous autre là, après les 3 ans Damiba part s’assoire chez lui. Mais non, il va à la MACA. Sinon nous n’allons pas finir avec les coups d’Etat.

  • Le 28 avril 2022 à 08:54, par kwiliga En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    C’est bien joli tout ça, mais ça laisse nombre de questions en suspens.
    Qui a légitimité à négocier, avec quelles prérogatives, quelles consignes ?
    Avec qui négocier, puisque jusqu’à présent, on n’ose parler que de HANI ?
    Les négociations avec des terroristes sont-elles bien panafricaines, seront-elles vues d’un bon œil par nos voisins ivoiriens, béninois,...?
    Doit-on entamer des négociations alors qu’on est en position de faiblesse et que l’ennemi progresse tous les jours ?
    Qu’a-t-on a proposer en échange du dépôt des armes ?
    Les problèmes ethniques que l’on cherche à se cacher, sont-ils solubles dans le pardon ?

  • Le 28 avril 2022 à 11:36, par Dibi En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    Eh oui ! Dans cette analyse, il y a à boire et à manger, à prendre et à laisser !
    Ca fait maintenant des années que nombre d’experts abonnés aux paradigmes occidentaux de la lutte antiterroriste nous invitent et invitent les Etats, servis par une kyrielle de sommités intellectuelles néocoloniales, à négocier, selon des formats divers, avec les terroristes, les djihadistes égorgeurs et toutes sortes de racailles criminelles et narcotrafiquantes qui, à l’évidence, sont en liens réseautiques avec certaines fractions de la bourgeoisie compradore et politico-maffieuse.
    Tous ces éléments étatiques et para-étatiques que sont les djihadistes et autres HANI que personne (presse, médias, experts, Etat et pouvoir néocolonial) ne nomme ou n’identifie clairement, relèvent franchement et concrètement des bataillons de forces proxy, au service des puissances occidentales USA-UE-OTAN au Sahel !
    Et Damiba, ses conseillers, son gouvernement et tous les experts qui nous vendent une guerre asymétrique ingagnable contre les Hanis, nous invitent à la capitulation devant des menées de recolonisation néocoloniales.
    Voilà pourquoi, on aimerait que Damiba nous dise la vérité ; la vérité à notre peuple.
    Cherche t-il à poignarder dans le dos la Nation ? A trahir l’intégrité du pays et à ruiner sa cohésion par la fourberie des négociations qu’il conduit avec des entités locales du crime organisé et du terrorisme financé par les moyens mêmes de l’Etat et de notre peuple ?
    Ces fameux les Comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix, sortis du chapeau de son ministre Boli. Des IVNIS (Individus violeurs-volants non-identifiés au Sahel), non élus et non mandatés par aucune instance nationale ! Soyons sérieux ! Car dans cette affaire, dans aucun pays sérieux, tenu par des hommes d’Etat sérieux et ayant le sens de l’Etat, on ne négocie pas avec de égorgeurs et des saccageurs de toutes institutions nationales dans les campagnes.
    De telles racailles, on les combat ; et ceux qui veulent déposer les armes, se rendent, se soumettent à la justice et s’engagent à réparer les dégâts causés à la société. On ne se prendrait pas mieux autrement pour les renforcer dans leurs conduites criminelles, en les invitant à des tables de négociations, et en promettant de leur verser le prix de la paix négociée par milliards de Francs CFA à chaque groupe impliqué apprend-on !
    Il n’y a que des vendus à l’ordre néocolonial qui cherchent à indemniser des criminels égorgeurs, et leur promettre des perspectives d’insertion sociale dans une société qu’ils ont saccagée et saignée à mort. Et qu’attendent donc Damiba et son gouvernement pour promettre de tel humanisme d’insertion à tous ces délinquants qui peuplent nos prisons civiles ?
    Jamais, aucun Etat sérieux ne finance le crime armé. L’indécence de l’Etat néocoloniale ne peut aller jusqu’à cette complicité criminelle ; à moins que le pouvoir en place n’en profite pour s’offrir d’importants dessous-de-table, lors de cette braderie de notre sécurité collective nationale ?
    Na an lara, an sara !
    La patrie ou la mort !

  • Le 2 mai 2022 à 11:57, par MyMy En réponse à : Lutte contre l’extrémisme violent au Burkina Faso : Faut-il négocier avec les groupes armés terroristes ?

    - "Honko Roger Judicaël Bemahoun, statisticien-économiste et analyste politique..." : Soit il est statisticien-économiste (perso., je ne consulterai jamais pour l’Economie nationale, ni pour des Statistiques sérieuses), soit il est analyste-politique.

    A quel moment il a pu faire toutes ces études spécialisées, produire des écrits scientifiques de références, être consulté positivement sur du concret ... ?

    - Ou que c’est juste encore un autre "Monsieur-je-sais-tout Mais Qui-n’a-réponse-à-rien" ?

    - Svp., LefasoNet, vous ne voyez pas les vides intellectuels dans son discours ?

    Il s’approprie par exemple des affirmations du Consul français Napoléon Bonaparte en 1801 ; qui lui-même, les tiens d’un ex-ministre du Directoire. (Ces paroles obsolètes qui ont en effet plus de 200 ans d’âge) aident qui actuellement en 2022, à contrer le terrorisme ?

    Tout ce qu’il raconte a déjà été exposé clairement et crûment à M. Marc Kaboré dès 2017. (Les compatriotes qui s’activaient, étaient dans 2 pays européens.) C’est surtout sur la base de leurs données mises à la disposition du régime mpp, que M. Simon Compaoré jouait au mec qui a la solution au problème complexe qui fait souffrir ouvertement notre peuple dès 2015-2016. (Pour s’en convaincre, il suffit de relire/ré-écouter les bulletins, déclarations, etc., du régime mpp. Ces analyses leur étaient transmises pour qu’ils arrêtent d’accuser qui que ce soit, et de donc prendre le taureau-terroriste par les cornes.)

    L’auteur est dit analyste-politique, alors qu’il parle de Géopolitique et de Géoéconomie sans prudence aucune. Enfin..., encore aurait-il été qu’il sache qu’il aborde ces domaines d’études (Bac+5 minimum) autres.

    - Un de nos pires maux en ce qui concerne le Développement de nos pays, ce sont nos Instruits qui, via leurs vacarmes buccaux vains + articles pompeux et improductifs, se prennent pour des Intellectuel/les.

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