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Santé : Un citoyen alerte Pr Charlemagne Ouédraogo "sur l’absence dangereuse de l’hydroxychloroquine dans les pharmacies du Burkina"

Publié le dimanche 7 février 2021 à 23h30min

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Santé : Un citoyen alerte Pr Charlemagne Ouédraogo

Ceci est une lettre ouverte de Pawidé-Wendé Innocent Stéphane Simporé adressée au ministre de la Santé, Pr Charlemagne Ouédraogo. L’auteur, qui souffre du lupus, alerte sur une absence qu’il juge "dangereuse" de l’hydroxychloroquine dans les pharmacies burkinabè.

Monsieur le Ministre, tout d’abord, je voudrais vous féliciter pour votre nouvelle position. Puissiez-vous réussir dans votre mission d’assurer la bonne santé aux burkinabé surtout en cette période particulièrement difficile pour le monde médicale, le monde de la santé. Je vous souhaite force et courage.

Avant l’entame de l’objet réel de ma présente lettre, je voudrais vous notifier combien il a été difficile de la rédiger à bien de niveaux :
1- Ecrire cette lettre, c’est parler une nouvelle fois publiquement de ma maladie complexe – le lupus - , mais surtout incomprise par mes entourages et un peu stigmatisée comme beaucoup d’autres maladies,
2- Ecrire cette lettre, c’est serrer les dents contre les douleurs articulaires des doigts entre autres liées à cette maladie afin que vous puissiez me lire.

Monsieur le Ministre,

Depuis l’arrivée de la maladie à coronavirus dans notre pays, au Burkina Faso, en mars 2020, nous, personnes lupiques ou souffrant d’autres maladies auto-immunes, sommes devenus-es des victimes collatérales de la Covid-19. Depuis le début de la pandémie, lorsque l’information internationale a été portée que l’hydroxychloroquine est le « remède » de la maladie, nous, nous sommes tombés-es encore plus malades.

Je vous explique : les personnes souffrant du lupus et d’autres formes de maladies auto-immununes ont comme traitement de base et à vie, l’hydroxychloroquine.
Le gouvernement burkinabè a réquisitionné ce médicament qui était pourtant très accessible dans nos pharmacies et à un coup moyen bas pour l’engager exclusivement dans le traitement des cas de COVID dans notre pays en dépourvant complètement nous qui l’utilisons avant la COVID et qui l’utiliserons encore après la COVID.

Entre mars et mai 2020, ce fut une période difficile de peurs, d’angoisses pour plusieurs personnes qui étaient en rupture totale de ce médicament. L’angoisse du contexte général n’aidant pas, associée aux stresses et à l’absence de traitement, plusieurs personnes y compris moi avons fait de fortes poussées avec des hospitalisations difficiles parfois.

Puis, avec d’autres patientes et patients et avec la grande solidarité de nos médecins traitants, nous avions adressé un courrier à Madame, votre prédécesseure pour déplorer la situation combien inquiétante. Comme compromis, il a été désigné certains médecins pour fournir des ordonnances accréditées afin de se procurer le médicament à la pharmacie de l’Hôpital de Ouagadougou. Ce compromis était très frustrant parce qu’il n’a absolument pas tenu compte de la complexité de cette maladie où par exemple toutes les personnes malades ne sont pas forcément à Ouagadougou.

Il y’a des personnes qui résident à Koudougou, à Ziniaré, à Bobo- Dioulasso, à Ouahigouya, etc. Comment font-elles quand on sait que durant les périodes de crises, les malades du lupus ont des défis avec leur motricité physique ?
De plus, lorsqu’on arrivait à déposer l’ordonnance accréditée à la Pharmacie de l’Hôpital, il fallait attendre entre 24h, 48h et souvent 72h avant d’être appelé-e afin de passer chercher le médicament. Quel parcours !

Après juin 2020, l’hydroxychloroquine a recommencé à être régulièrement présente dans les pharmacies et il était redevenu aisé de s’en procurer. Nous avions été soulagé-es. Nous pouvions nous reposer du parcours de la Pharmacie de l’Hôpital.
Et soudainement, dès la fin du mois de novembre 2020, le nombre de cas positifs au COVID ayant fortement augmenté au Burkina, notre médicament a disparu des pharmacies.

Nous avons essayé de reprendre notre parcours précédent malgré nous en allant à la Pharmacie de l’Hôpital avec nos ordonnances accréditées : le médicament y est inaccessible. Tout aurait été réquisitionné pour le traitement de la COVID dans notre pays. C’est la panique. Les plus privilégiés d’entre nous tentent difficilement de se procurer le médicament dans les pays voisins (s’il y’en a) à des prix faramineux.

Monsieur le Ministre, que la COVID-19, ne soit pas une excuse pour laisser d’autres personnes malades dans la douleur et le mal-être : On ne doit pas traiter un mal en laissant gangréner un autre. N’est-ce pas ? Vous êtes médecin.

C’est pourquoi je vous adresse cette lettre ouverte pour décrire la situation et vous demander d’agir urgemment s’il vous plait. J’ai rendu la lettre ouverte afin de m’assurer que même si votre agenda certainement chargé ne vous donne pas l’opportunité de lire un courrier privé urgemment, que d’autres personnes lisant celle-ci puissent vous transmettre notre cri de détresse en tant que personnes malades et en rupture totale de notre médicament.

Monsieur le Ministre,

Je ne veux pas terminer ma lettre sans prendre le temps de marquer une reconnaissance particulière à des personnes qui dans le silence accompagne fortement les malades que nous sommes. Je veux l’adresser au service de Rhumatologie de l’Hôpital de Bogodogo : Le Professeur Dieudonné Ouédraogo et ses collaboratrices et collaborateurs, la Professeure Joëlle Zabsonré/Tiendrébeogo, les Docteurs Fulgence Kaboré, Bonkougou Marcellin, sans oublier les DES Elodie Zet/Kompaoré, Yannick Modi, Trésor Kunda, etc., les infirmiers et infirmières, et tout le personnel de base de ce service. Au cours des derniers mois, nous avons découvert des visages humains, de compassion, de patience et bienveillance.

Enfin, je veux adresser également mon encouragement, ma solidarité et mon admiration à tout le corps médical de manière générale qui malgré les moyens restreints, font tout leur possible pendant cette période charnière, pour maintenir des vies en vie.

Monsieur le Ministre, en espérant que mon message de détresse mais aussi d’espoir vous parvienne et que vous agissiez URGEMMENT, je vous prie de recevoir mes meilleures salutations.

Pawidé-Wendé Innocent Stéphane SIMPORE,
Personne lupique, membre de l’Association Lupus Burkina,
Communicant, Militant de Justice Sociale
Email : steph.segara@gmail.com
Ouagadougou, le 8 février 2020

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