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Les péripéties d’une mission d’urgence : Des Sahéliens en pleine mer

Publié le mardi 13 septembre 2005 à 07h49min

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Oumou Owona, Consul honoraire au Cameroun.

Les sinistrés étaient hébergés sur un site qui n’est accessible que par voie maritime. Rien de grave ni d’inquiétant jusque-là pour des Sahéliens qui, pourtant, ne connaissent pour la plupart la mer que de loin. Le jour J, tous sont prêts à embarquer aux côtés des autorités départementales camerounaises qui se sont montrées très disponibles.

Une seule embarcation (une pirogue) est disponible pour le moment, l’autre arrivera de Douala dans une heure. Après une petite concertation, une première équipe devait bouger avec l’embarcation déjà prête, la deuxième équipe suivra avec celle venant de Douala. A tout Seigneur, tout honneur, le chef de mission est parmi les premiers à monter dans la pirogue. A ses côtés Madame le consul honoraire, le médecin de l’équipe, le cameraman et des autorités départementales puis les voilà partis du fleuve pour rejoindre la mer ; conduits par des marins camerounais.

Première trouille

Paradoxalement, la peur a commencé chez ceux qui attendaient la deuxième embarcation ; car l’attention avec laquelle les "autochtones" ont suivi le départ de la pirogue et le ouf de soulagement qu’ils ont poussé lorsqu’elle passa l’embouchure entre le fleuve et la mer étaient inquiétant. Ils ajoutèrent que la partie la plus dangereuse était franchie car c’est au niveau du passage du fleuve à la mer que plusieurs accidents se produisent. Dieu merci ! Ils sont donc partis et un badaud d’ajouter qu’ils roulent comme sur une voie bitumée maintenant.

Deuxième trouille

La deuxième embarcation arriva (une petite barque), l’équipe poussa un ouf de soulagement car elle paraissait plus sécurisante. Tous embarquèrent avec le préfet du département en tête. Mais la quiétude ne dura que deux à cinq minutes, car des pêcheurs qui revenaient de la mer firent un signe négatif du doigt pour dire que nous ne pouvons pas passer (nos conducteurs les ont-ils vus ou pas ? Nous n’en savons rien). Arrivé au niveau de l’embouchure effectivement, impossible d’accéder à la mer ; la marée est en train de monter. Le commandant n’a visiblement rien de rassurant, au contraire il avait l’air paniqué. Muets, les Sahéliens suivaient tout de près.

- Commandant ! à gauche ! à gauche ! A droite maintenant, à droite ! Coupe le moteur gauche ! Démarre ! Démarre ! (criaient les deux techniciens à l’arrière).

Après quelques minutes, le commandant n’en peut plus

- Je ne peux plus ; ce n’est pas possible !

Voila donc la barque immobilisée pendant que les techniciens prospectaient pour voir par où passer. Au bout "d’une trentaine de minutes" environ un groupe de jeunes (plus d’une vingtaine), alertés par un coup de fil du préfet, accouru. Les jeunes se jetèrent à l’eau pour venir aider l’embarcation à accéder à la mer. Réellement plusieurs auraient sauté de joie si le préfet prenait la décision de rebrousser chemin mais il était impassible (sa sérénité durant tout le voyage a d’ailleurs paradoxalement été un réconfort pour la journaliste qui ne croyait plus tellement aux techniciens !). Mais jusque-là toujours rien d’irréparable ne peut se produire (les jeunes volontaires avaient seulement l’eau à la hanche ou à la poitrine. On pouvait donc toujours descendre et courir sortir en cas de problème, confia un de l’équipe à la fin du voyage).

Hélas ! Voilà la barque poussée dans la mer. Plus rien à faire, il faut partir ; chacun ayant maîtrisé sa panique à l’intérieur présentait une certaine sérénité, une sérénité trahie tout de même par le calme inhabituel du groupe où chacun avait souvent quelque chose à raconter.

La barque affrontait les vagues qui, à leur tour s’ouvraient pour la laisser retomber comme dans une crevasse (vous vous croirez sur une de nos voies non bitumées, tant les secousses étaient multiples et troublantes). Comme si cela ne suffisait pas, tous étaient régulièrement et copieusement arrosés par ces vagues à l’aller et surtout au retour où la mer semblait plus agitée.

Troisième trouille

La première équipe qui a bougé en pirogue a également eu ses moments d’anxiété. Nettoyage de bougie en pleine mer pendant que la pirogue tanguait de part et d’autre. Une pirogue qui dans son "tango tango" reprenait quelque fois le chemin contraire, le temps d’être remise en route par les techniciens qui visiblement étaient très rassurants. Cette équipe fut également arrosée par les vagues à l’aller comme au retour.

Madame le consul qui a eu l’occasion d’emprunter les deux embarcations (pirogue à l’aller, barque au retour) avoua qu’elle préférait "sa pirogue" car elle paraissait plus stable (même si elle n’est certainement pas moins angoissante.

Avec toute cette trouille, inutile de vous dire que la prière figurait en bonne place dans cette situation. Des prières aussi secrètes les unes que les autres mais qui ont été très efficaces.

C’est donc tout salés que tous remontèrent à Kribi après quatre heures d’angoisse (2 heures à l’aller et 2 heures pour le retour). Les palpitations dans cette expérience n’enlèvent cependant rien à sa beauté qui n’a d’égale que l’angoisse qu’elle procure ; même si pour l’instant beaucoup ne sont certainement pas prêts à la rééditer.

Yolande Kalwoulé
DCPM/MAECR

Sidwaya

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