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Projet de loi portant fixation de quota : Le cadre de concertation des organisations intervenant sur le genre dénonce une violation des droits humains

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Publié le lundi 25 novembre 2019 à 20h59min

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Projet de loi portant fixation de quota :  Le cadre de concertation des organisations intervenant sur le genre dénonce une violation des droits humains

Des insuffisances graves qui s’apparentent à un recul démocratique. C’est le constat fait par le Cadre de concertation des organisations intervenant sur le genre et la participation politique des femmes, sur le projet de loi portant fixation de quota et modalités de positionnement des candidats et candidates aux élections législatives et municipales au Burkina. Adopté le 11 octobre 2019 par l’exécutif burkinabè et transmis à l’Assemblée nationale pour adoption, ledit projet de loi a fait l’objet d’une conférence de presse ce samedi 23 novembre 2019.

Pour le Cadre de concertation des organisations intervenant sur le genre et la participation politique des femmes, l’heure n’est plus aux verbiages stériles. « Aujourd’hui, ce que nous attendons de l’Assemblée nationale, c’est qu’aucun projet de loi qui viole les droits humains ou qui met à mal les droits de spécificités ne puisse être adopté », a noté Martine Yabré, porte-parole du cadre.

S’exprimant sur le chapitre 4 dudit projet, Martine Yabré dit relever l’absence de mesures dissuasives qui garantissent le respect des droits des femmes et des hommes en matière de participation aux élections. A titre d’exemple, l’article 10 du projet de loi dispose : « Tout parti politique, regroupement de partis politiques ou regroupement d’indépendants qui respecte les dispositions de la présente loi bénéficie d’un surplus de financement public, au titre de la campagne électorale ».

Le surplus de financement représentant 20% du montant total alloué par l’Etat au titre du financement de la campagne électorale, Martine Yabré note qu’à l’analyse de cette sanction, « cette disposition est incomplète dans la mesure où elle ne garantit pas l’application effective des articles 3, 4, 5, 6 et 7. Ce qui implique que tout parti politique, tout regroupement de partis politiques ou tout regroupement d’indépendants pourrait faire le choix de ne pas respecter la loi et jouira malgré tout du financement public pour la campagne électorale en toute impunité ».

Asseghna Somda, chargé de programme au Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), parle de « sanctions dites positives ». « Ce n’est pas une sanction qui puisse dissuader les partis politiques notamment, ceux qu’on appelle les trois baobabs. Les partis politiques dépensent parfois 100 fois plus qu’on leur donne comme financements publics dans le cadre des campagnes. Si on met en place un dispositif qui n’est pas coercitif, les gens trouveront le moyen de contourner ces sanctions dites positives parce qu’en réalité, ça n’a pas de grande incidence sur le résultat final que les partis politiques recherchent dans le cadre d’une compétition électorale », a-t-il soutenu.

Ces inégalités qu’il faut corriger

Ce n’est pas un secret, les femmes ne sont pas suffisamment représentées dans les sphères de décisions. « Que ce soit au niveau des postes des fonctions électives ou des postes nominatifs, on pourrait aisément se rendre compte que les femmes sont sous-représentées », a indiqué le chargé de programme du CGD. Et quand on fait le bilan au niveau des instances de décisions, dit-il, on constate une injustice et des inégalités commises à l’égard des femmes.

Le pays enregistre une dizaine de femmes maires sur les 350 communes que comptent le pays ; six femmes ministres sur 34 au gouvernement et 18 députés sur 127 au niveau de l’Assemblée Nationale. « Ce chiffre est dû au fait que certains députés ont été nommés à des fonctions de ministre et leurs suppléants étaient des dames et aussi à certains évènements malheureux (cas de décès). Sinon au départ, à l’issue des élections, il n’y avait que 12 femmes à l’assemblée sur 127 », a commenté Asseghna Somda.

Pour lui, il y a nécessité de corriger ces inégalités qui constituent des cas de violation de droits humains. Ce, d’autant plus que les statistiques en matière électorale montrent que les femmes participent aux votes et aux campagnes électorales.

D’où l’appel de Martine Yabré à une responsabilité historique de l’Assemblée nationale et du président du Faso sur le présent projet de loi. Le Burkina ayant ratifié plusieurs conventions sur la promotion du genre, la porte-parole du cadre de concertation clame qu’il n’y a pas de raisons que l’Assemblée nationale qui est censée représenter le peuple entérine des projets de loi qui violent des droits humains. Cela, parce que cette loi est sensée corriger des insuffisances après une décennie d’application de la loi 010/AN portant fixation de quota aux élections législatives et municipales au Burkina.

A ce titre, madame Yabré a entre autres suggéré que toute liste de candidatures présentée par un parti politique, regroupement de partis politiques ou regroupement d’indépendants dans une circonscription électorale et sur la liste nationale lors des élections législatives et municipales qui ne respecte pas les articles 4,5 6 et 7 de la présente loi, perde la totalité du financement au titre de la campagne pour la liste incriminée.

Aussi, tout parti politique, regroupement de partis politiques ou regroupement d’indépendants, dont l’ensemble des listes de candidatures présentées sur l’ensemble des circonscriptions électorales, ne comporte pas en tête de liste titulaire, au moins 30% de l’un et l’autre sexe, perd le tiers (1/3) du financement global, au titre de la campagne électorale.

Nicole Ouédraogo
Lefaso.net


Ce que disent les articles 3, 4, 5, 6 et 7 du projet de loi

Article 3 : L’ensemble des listes de candidature présentées par chaque parti politique, regroupement de partis politiques ou regroupement d’indépendants, sur l’ensemble des circonscriptions électorales, comporte en tête de liste titulaire, au moins 30% de l’un et l’autre sexe.

Article 4 : Chaque liste de candidatures présentée à l’occasion des élections législatives ou municipales doit être alternée femme-homme ou homme - femme.
Une liste alternée est une liste sur laquelle le positionnement d’un candidat d’un sexe donné est immédiatement suivi du positionnement d’un candidat de l’autre sexe.

Article 5 : Le positionnement alterné s’applique aussi bien à la liste des titulaires qu’à celle des suppléants.
En aucun cas la tête de liste des titulaires et la tête de liste des suppléants ne doivent être de même sexe.

Article 6 : Dans les circonscriptions électorales dont le nombre de sièges à pourvoir est impair, les listes de candidatures sont alternées au 2/3 supérieur.
Une liste alternée au 2/3 supérieur est une liste sur laquelle le positionnement des premiers 2/3 des candidats est alterné.

Article 7 : Le positionnement alterné au 2/3 supérieur s’applique aussi bien à la liste des titulaires qu’à celle des suppléants.

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