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Saidou, 12 ans : « La rue m’a fait oublier mon nom de famille »

LEFASO.NET | Par Madeleine OUEDRAOGO (Stagiaire)

Publié le mercredi 15 mai 2019 à 22h05min

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Saidou, 12 ans : « La rue m’a fait oublier mon nom de famille »

Ce gamin de 12 ans ignore totalement son nom de famille. La raison, il a rejoint très jeune la rue à la recherche du pain quotidien. La seule identité dont il se souvient, c’est son prénom Saidou. Nous l’avons rencontré à tout hasard, à Ouagadougou, assis à l’ombre d’un arbre, attendant le bon Samaritain.

Saidou a quitté son village natal dont il ignore le nom, aux premières années de son enfance. C’est la ville de Kongoussi, chef-lieu de la province du Bam, qui l’accueille à cinq ans d’âge. Là, et faute de soutien parental, il emprunte le chemin de la mendicité. Après cette ville, il poursuit son aventure à Ouagadougou, espérant une vie meilleure. Mais hélas, c’est la rue qui l’accueille, avec son cortège de désagréments. Et depuis sept ans, Saidou vit dans la rue, pratiquement sans soutien, si ce n’est la générosité des « passants ».

Ce qui est pathétique, c’est que Saidou ne connait même pas son nom de famille. Tout ce qu’il sait, c’est qu’on l’appelle Saidou. Ses parents et ses frères, il ne sait où les localiser : « Ils sont probablement dans un village, pas très loin de la ville de Kongoussi. Mais lequel ? Je ne saurai vous le dire. Si au moins je portais un nom de famille, peut-être que cela allait m’aider à les retrouver ». Mais voilà que le gamin de 12 ans ne se souvient plus de son nom de famille. Depuis 2016, il arpente les rues de Ouagadougou, après celles de Kongoussi, à la quête « de quoi manger ».

Aujourd’hui, Saidou fréquente une école coranique située dans un quartier non-loti de Ouagadougou. Pour autant, il n’a pas rompu avec sa situation de rue. En effet, au nombre d’une vingtaine dans cette école coranique, ils sont obligés de mendier pour survivre : « Nous n’avons pas le choix ; ou nous mendions, ou nous mourons ». Malgré sa vie taraudée de misères, Saidou semble s’y plaire car, soutient-il, « c’est l’unique issue pour moi. Je la prends comme un destin et je tente de m’y conformer ».

La rue oui, mais des moments de nostalgie

Si la rue a « monopolisé » le petit Saidou, il n’en demeure pas moins que, par moments, il nourrit une folle envie de connaître sa famille, et surtout de vivre cette chaleur familiale. Ainsi, confie-t-il, « depuis l’âge de cinq ans, je n’ai plus revu ma famille ! J’aimerais bien la localiser et pouvoir lui rendre visite. Notre maître coranique permet à certains d’entre nous d’appeler leurs parents, mais moi je n’ai jamais eu cette chance, ne sachant pas où ils sont. Quand les uns et les autres parlent de leurs parents, je voudrais en faire de même ; mais hélas, point de repère.

S’il m’arrive un jour de savoir où se trouvent mes parents, je solliciterais l’indulgence d’une des compagnies de transport qui desservent la zone de Kongoussi pour aller les voir. Malheureusement, tout ce que je connais, ce sont les rues de cette ville. En attendant cette divine occasion, et pour le moment, je rester ici à continuer l’école coranique ». Visiblement, l’absence de la chaleur parentale pèse sur les épaules frêles du petit Saidou.

Une vie malgré tout !

Pour le gamin de 12 ans qu’il est, « la vie de la rue est vraiment un enfer. Celle à l’école coranique n’est pas non plus rose. En effet, chaque jour que Dieu fait, chacun d’entre nous doit mendier et rapporter au maître 1 000 francs ; ce qui lui fait une somme de 20 000 francs par jour si la moisson est bonne. Ceux qui ne réussissent pas à lui apporter la somme exigée, sont copieusement battus à coup de fouets.

Pour échapper à la colère du maître, nous sommes obligés de nous lever très tôt pour commencer à mendier ! Quand moi je suis fatigué, je cherche de l’ombre pour me reposer. Si je gagne 25 francs, je vais jouer au babyfoot. C’est mon loisir préféré parce qu’il me permet de me divertir et d’oublier un tant soit peu mes problèmes ». Au moment où il nous parlait, aux environs de midi, Saidou n’avait pu réunir que 500 francs. Il lui reste à « rechercher » les 500 autres francs pour compléter.

« J’ai confiance que d’ici le soir, je réunirai la somme pour le maître. Mais le jour où je n’ai pas cette chance, je reste dormir dans la rue pour éviter d’être sévèrement châtié. J’ai vraiment peur de la chicotte… Pendant le froid, nous dormons sans couverture et lorsque nous tombons malades, personne ne nous soigne. Le maître nous laisse à nos souffrances. Souvent, les gens ont pitié de nous et nous donnent à manger et de quoi nous vêtir. L’ampleur de mes soucis a fini par me rendre indifférent à la souffrance. Maintenant, je me contente de ce que j’ai.

Dès que je gagne à manger, je suis content. Mais tout le monde n’est pas gentil à notre endroit ; certaines méchantes personnes nous appellent pour offrir de mauvais doua (sacrifices). Dans ces cas de figure, si toi mendiant tu te hasardes, elles sont capables de t’offrir toi-même en sacrifice pour faire fructifier leurs fortunes. Par prudence, moi je ne monte pas derrière une moto, et je ne me fais pas embarquer dans une voiture, quel que soit le doua à me donner ». Lire la suite

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