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Veuves, orphélins et sans-voix : Sur les chemins de la résurrection

Publié le lundi 1er août 2005 à 07h39min

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Ils ont perdu un être cher et doivent réinventer leur vie. Une nouvelle épreuve. Des veuves, des orphelins, des sans-voix, tenaillés par la peur de mourir et l’envie de vivre, tentent, au quotidien, de donner un sens à l’existence humaine. 162 mères et près de 300 enfants démunis ont reçu le 16 juillet dernier, au secteur 17 de Ouagadougou, une bouffée d’oxygène. L’association "Solidarité pour tous" est passée par là. Mais les problèmes demeurent...

Assise sous un vieux hangar, Salimata Ouédraogo, 51 ans, a l’air pensive. Soudain, elle se ronge les ongles, laissant paraître des gencives édentées. Cette femme au visage ridé et au corps presque décharné ne sait plus à quel saint se vouer. Elle est veuve depuis cinq ans. Son époux, qui tirait déjà le diable par la queue, est mort un matin, faisant d’elle, du coup, le nouveau chef de famille. Il faut donc trouver la pitance quotidienne pour elle-même et ses six enfants. Salimata Ouédraogo, qui vendait des arachides, tente de se trouver une seconde activité : ramasser du sable dans la rue.

Mais très vite, malgré ses efforts, elle se rend compte que son revenu journalier n’excède pas 100 F CFA. Pas parce qu’elle ne déploie pas suffisamment d’énergie pour "gagner sa vie", mais plutôt parce que les clients se font rares, souvent même très rares. Certains "gros acheteurs", qui auraient pu lui donner un second souffle, lui jettent à la figure des phrases du genre : "Ton sable n’est pas suffisamment tamisé ; il y a des débris d’ordures dedans". La vieille femme se remet alors au travail. Encore et encore. Mais elle semble frappée par un mauvais sort.

Ainsi commence la descente aux enfers. N’en pouvant plus, Salimata Ouédraogo sollicite l’aide de certains de ses voisins. Mais là aussi, c’est la même galère, ou presque. Il y a deux ans, la vieille femme a perdu son fils aîné. Trois autres ont dû suspendre leurs études scolaires, faute de moyens. Hamed et Djélika, eux, n’ont pas eu la chance d’aller tenter leur chance à "l’école du Blanc".

Tous essaient, au quotidien, de traquer cette faim qui tenaille leurs entrailles. La vieille Salimata doit pourtant montrer qu’elle est là, que ses enfants peuvent compter sur elle. Mais comment ? Comment susciter l’espoir dans cet océan de misère ?
La vieille femme psalmodie des prières, quelques versets du Coran. Juste à côté d’elle, sous le vieux hangar, une autre femme, rongée par le poids de l’âge, a le regard perdu dans le lointain. Elle aussi est veuve, mère de huit enfants, dont un décédé. Une autre, assise à même le sol, rompt ce décor de tristesse.

Elle a le sourire aux lèvres. Mais cette bonne humeur apparente cache bien des problèmes. Juliette Kaboré est aussi veuve. A sa droite, une sexagénaire dont le mari est décédé il y a tout juste un an et sept mois. A sa gauche, une autre veuve. Puis une autre. Encore une autre. 162 au total, réunies ce 16 juillet sur un terrain délaissé à Kourittenga, au secteur 17 de Ouagadougou. Un quartier pauvre jouxtant la belle cité de Ouaga’2000. Non loin donc du "Burkina des riches", ironise Salimata Ouédraogo.

Priorités : manger, se loger, se soigner...

Ce jour-là, les veuves et orphelins devaient recevoir une visite assez spéciale. La "députée des pauvres" était très attendue. C’est ainsi qu’ils appellent la présidente de l’association "Solidarité pour tous", Brigitte Toé. Depuis 2002, cette association, pourtant sans grandes ressources, oeuvre sans relâche à "aider moralement et matériellement les personnes démunies". Des opérations de lobbying, des collectes de biens de première nécessité, des visites de réconforts psychologiques auprès des cas sociaux... Souvent aussi, "un sourire bien placé peut contribuer à faire renaître l’espoir", confie Brigitte Toé. Même si, évidemment, elle sait qu’un "simple sourire" ne saurait résoudre, tout seul, des problèmes aussi cruciaux.

La "députée des pauvres" a donc décidé, même si elle n’est pas députée à l’Assemblée nationale, de frapper à la porte des riches afin de sauver "ces pauvres dont la vie ne tient souvent qu’à un fil". Il y a des personnes nanties, dit-elle, "qui peuvent donner un habit, un savon, un sac de mil ou de riz... sans que cela ne porte atteinte à leurs richesses". "Nous voulons susciter un nouvel élan de solidarité et d’humanité", affirme, visiblement préoccupée, Mme Toé.

Puis elle ajoute qu’"ici, à Kourittenga, on n’a pas, pour le moment, besoin de voiture ou de cellulaire. L’urgence pour ces personnes démunies, c’est d’abord de pouvoir manger, se loger, se soigner, aller à l’école... En fait, les besoins élémentaires de l’existence humaine".
Déjà, l’association "Solidarité pour tous" commence à susciter de l’espoir pour les cas sociaux.

Le 16 juillet en effet, les veuves et orphelins ont reçu plusieurs lots d’habits, fruit de la coopération avec une association française. Du coup, la joie s’est invitée dans ce quartier où la pauvreté dicte souvent sa loi, sans pitié. La scène s’est déroulée sous le regard d’étudiants français, notamment de l’Institut supérieur de gestion (ISG). Tous membres du Raid africain des grandes écoles (RAGE) . Cette ONG, créée en 1986, a presque les mêmes missions que l’association "Solidarité pour tous".

Sa présidente, Elisabeth Petitjean, a été claire : "Nous sommes venus faire un inventaire des besoins de ces personnes démunies afin de trouver les moyens nécessaires pour leur venir en aide". Le RAGE entend agir dans le domaine de la scolarisation des enfants démunis et voler au secours des cas sociaux répertoriés par "Solidarité pour tous". Elisabeth Petitjean a été formelle : "Il ne saurait y avoir une bonne scolarisation si ces enfants sont mal alimentés ou manquent de nourriture". RAGE a donc inscrit ce point dans son agenda.

Recréer l’envie de vivre

La présidente de l’association "Solidarité pour tous", elle, continue sa croisade. Une école est actuellement en construction à la sortie de Ouaga, sur la route de Pô. Ainsi renaît l’espoir. Car, au départ, les enfants recevaient des cours irréguliers sous un arbre. Les "choses ont ensuite évolué". Ils ont obtenu une bâche grâce à l’UNICEF. Aujourd’hui, une école en dur est en finition.
En outre, l’équipe de "Solidarité pour tous" est en train d’initier des activités susceptibles de permettre aux personnes démunies de se prendre en charge. Ces dernières apprécient bien l’initiative.

Mais il faut que le "nerf de la guerre" soit au rendez-vous. Pour cela, la "députée des pauvres" a repris son bâton de pèlerin. Convaincue qu’il y a des riches au Burkina qui peuvent améliorer l’existence des pauvres. L’une de ses idées-forces, c’est de faire en sorte qu’un riche parraine au moins un pauvre.
Les enfants démunis de Boulmiougou se souviennent encore de la Journée de solidarité et de partage organisée par l’association.

Les 400 élèves de l’école Zandé, situé sur la route de Pô, eux, se réjouissent d’un partage de repas, d’effets d’habillement et de kits scolaires reçus gratuitement. De plus, 212 enfants vivant dans la rue ont été invités à des repas gratuits et ont reçu chacun des cadeaux. D’autres enfants démunis se sont égayés, en 2004, à l’occasion d’un "arbre de Noël" organisé par "Solidarité pour tous" dans plusieurs localités.

Et puis, il y a 35 veuves, recensées à Nagrin, non loin du quartier Kourittenga, qui ont été, elles aussi, soulagées de leurs souffrances. Des vivres, des médicaments, des aides à la réinsertion sociale, des opérations d’alphabétisation, de formation et d’apprentissage de métiers... ont contribué à recréer l’envie de vivre dans le cercle des personnes démunies. Jeunes mères, filles en grossesses précoces, malades ou orphelins du Sida ont bénéficié de la générosité de l’association.

A cela s’ajoutent des campagnes de sensibilisation sur les méfaits du mariage forcé, de l’excision et de bien d’autres sujets sociaux. Et la présidente de "Solidarité pour tous" n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Ce 16 juillet, à 11h 35mn, son téléphone, le 70 25 45 20, sonne. Au bout du fil, on lui signale un problème social urgent à résoudre. Décidément, la "députée des pauvres", Brigitte Toé, n’a pas de repos...

Par Hervé D’AFRICK
Le Pays

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