Lutte contre le paludisme : Faut-il craindre le pire avec ces moustiques OGM ?
LEFASO.NET | Nicole Ouédraogo
Qu’adviendra-t-il de ces moustiques génétiquement modifiés en cas de conséquences désastreuses ? La Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN) et le Collectif citoyen pour l’agroécologie (CCAE) entendent poursuivre la mobilisation contre l’autorisation de l’Agence nationale de biosécurité (ANB) pour les lâchers tests des moustiques mâles stériles hors laboratoire. Les risques probables de cette expérimentation, qui s’inscrit dans le cadre du projet Target Malaria, ont été présentés ce vendredi 12 octobre 2018.
En effet, le porte-parole du CCAE clame que l’expérimentation de la technique du « forçage génétique » hors laboratoire, notamment les lâchers tests des moustiques mâles stériles dans les villages de Bana et de Souroukoundinga, aux encablures de Bobo Dioulasso, pourrait se révéler dangereuse pour les populations qui ignorent les potentiels risques.
« Au cours de nos échanges avec les autorités de la région, nous sommes rendu compte qu’on a mis en avant le côté sauveur de ce projet, mais pas les éventuels risques. Même dans le vocabulaire, on a évité d’utiliser le terme OGM qui a laissé de mauvais souvenirs dans la région. On a plutôt parlé de transgénique », a confié Ali Tapsoba, soulignant que les populations sont manipulées et mal informées sur la question.
Quid des risques potentiels ?
« Qui nous rassure qu’en modifiant le génome du moustique, son organisme ne pourra pas désormais héberger d’autres maladies plus virulentes, voire plus mortelles que le paludisme ? », s’est interrogé le porte-parole du CCAE, Ali Tapsoba. Et s’il est prévu uniquement des moustiques mâles lors des lâchers, ce dernier dit craindre que des moustiques femelles ne s’échappent malencontreusement.
Dans ce cas, dit-il, le pire c’est qu’il y ait un autre type de paludisme transmis par la femelle. Aussi, Ali Tapsoba soutient que le vide de niche écologique que va laisser la population décimée sera obligatoirement occupé par une autre race de moustiques dont on ignore les probables dangerosités. « C’est une loi de la nature et on risque le chaos écologique », a-t-il avancé.
Par ailleurs, convaincues qu’il existe sous nos cieux d’autres types de moustiques (les anophèles funetus et anophelis arabiensis), et que le Burkina ne pourrait éradiquer le paludisme en s’attaquant à une seule espèce, ces organisations de la société civile voient plutôt en cette opération, des objectifs industriels et militaires. « Au niveau international, les scientifiques sont divisés sur la question du forçage génétique. (…) Pour les non-partisans, le soupçon existe », a soutenu Ali Tapsoba.
Au moment où des solutions endogènes de lutte contre le paludisme sont en voie de développement, le COPAGEN et CCAE appellent l’Agence nationale de biosécurité et, partant, le gouvernement burkinabè, à arrêter ces genres « d’expérimentations hasardeuses, hors de tout contrôle ». Cela, d’autant plus que, jusque-là, aucune recherche pareille n’a été menée dans un pays.
« Il y a eu des expériences contre des moustiques génétiquement modifiés dans d’autres pays, mais plutôt contre la dengue, le Zika. D’ailleurs, dans tous ces endroits, il y a eu un échec lamentable. Il n’y a pas d’expérience réussie de moustiques génétiquement modifiés ailleurs », a noté Ali Tapsoba, soulignant que le Burkina Faso serait le premier pays au monde où cette expérience de moustiques génétiquement modifiés contre le paludisme sera testée.
En rappel, regroupant une quarantaine d’organisations de la société civile, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain et le Collectif citoyen pour l’agroécologie ont organisé une marche, le 2 juin dernier, pour protester contre les moustiques génétiquement modifiés.
Nicole Ouédraogo
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