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Code électoral révisé : La vie des Burkinabè est en danger, selon l’opposition politique

LEFASO.NET | Oumar L. OUEDRAOGO

Publié le mercredi 1er août 2018 à 01h14min

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Code électoral révisé : La vie des Burkinabè est en danger, selon l’opposition politique

24 heures après l’adoption du nouveau code électoral, les députés de l’opposition parlementaire ont donné de la voix ce mardi, 31 juillet 2018, pour justifier leur position de rejet de ce nouvel instrument . C’était par une conférence de presse animée au siège du Chef de file de l’opposition politique à laquelle ont assisté les responsables de parti politique, accompagnés de plusieurs militants.

C’est dans ce décor aux allures d’assemblée générale, que le député François Bacyé du groupe parlementaire Paix, justice et réconciliation nationale (PJRN), a livré le contenu de la déclaration conjointe. Selon les conférenciers, cette sortie se veut une sorte de devoir de redevabilité du groupe parlementaire de l’opposition sur son refus de donner quitus au tripatouillage à travers ce code électoral « qui exclut, de facto, un bon nombre de Burkinabè des consultations électorales à venir, notamment ceux de la diaspora ».

Ces groupes parlementaires ont d’abord mis en exergue l’enjeu du code électoral, en indiquant que les élections sont source de stabilité, si elles sont organisées dans la transparence et l’équité, mais aussi source d’instabilité. « C’est pourquoi, le Code électoral, qui contient les règles qui les gouvernent, doit faire l’objet d’un consensus des électeurs, des acteurs politiques.

Ainsi, dès le début des débats sur la question, les députés de l’opposition, soucieux du renforcement de la gouvernance, ont entamé des réflexions et des actions pour aboutir à un code électoral consensuel. Des propositions concrètes ont été faites, d’une part au Chef de l’Etat par le CFOP-BF (Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso) et, d’autre part au Président de l’Assemblée nationale et à la Commission des Affaires générales Institutionnelles et des Droits humains de l’Assemblée nationale », ont-ils présenté.

Les députés de l’opposition qui disent constater le refus de la majorité de prendre en compte leurs observations, ont donc décidé de ne pas prendre part au vote de cette loi qui divise la classe politique. Cependant, relèvent-ils, l’opposition parlementaire a fait prévaloir ses arguments en prenant part à l’ensemble des débats et au processus d’examen dans les commissions. Contrariant ainsi cette opinion qui la taxe d’avoir joué à la « politique de la chaise vide ».

Les conférenciers ont rappelé que le vote des Burkinabè de l’étranger s’appuie sur le besoin de rétablir la justice sociale entre les citoyens burkinabè résidant au Burkina et les non-résidents (article 1er de la Constitution qui dispose que tous les Burkinabè naissent libres et égaux).

« Lorsqu’on a analysé le projet de loi qui nous avait été soumis, nous y avons décelé des motifs d’inquiétude, voire une régression démocratique par rapport à la volonté politique de faire participer les Burkinabè de l‘extérieur aux scrutins à venir », ont-ils souligné, rappelant que le processus de la participation des Burkinabè de la diaspora aux élections a été lancé depuis 2009.
« Ce vote devrait être effectif depuis 2015 avec les documents de votation suivants : la CNIB, le passeport et la carte consulaire. C’est dire que même le Conseil national de la transition, assemblée par essence consensuelle, avait maintenu ce document de votation », ont soutenu, François Bacyé et ses confrères.

L’opposition parlementaire fait ressortir que le président du Faso a pris un « engagement fort » vis-à-vis des Burkinabè de l’étranger quant à leur participation effective à la vie politique de leur pays par l’opérationnalisation de leur vote en 2020. « Il ne manque aucune occasion pour rappeler et réaffirmer cet engagement. C’est dans ce sens que le Chef de file de l’opposition et la majorité présidentielle ont été invités à faire des propositions.
Les propositions de l’opposition politique ont été envoyées au Chef de l’Etat par courrier des 28 et 29 mai 2018 », reconstituent les responsables des groupes parlementaires pour qui, il existe donc une volonté de réduire la participation effective des Burkinabè de l’étranger.

Ils décèlent des insuffisances dans le code électoral révisé et les points de divergence avec la majorité portent sur les documents requis pour le vote. En effet, selon les nouvelles dispositions, seuls les détenteurs de la Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) ou du passeport burkinabè pourront prendre part aux échéances électorales à venir.
La carte consulaire, qui figurait dans les précédentes dispositions, ne fait plus partie des pièces exigibles. « Cette carte (consulaire) est un document administratif délivré par des mandataires attitrés du gouvernement du Burkina Faso », brandissent les conférenciers.

Pour ces élus de l’opposition, ce ne sont pas les citoyens qui sont responsables « de la fiabilité » de la carte consulaire ; il ne leur appartient donc pas d’assumer les conséquences. « L’autre danger qu’induit une telle mention, c’est qu’on expose nos compatriotes vivant à l’extérieur à des difficultés.
En effet, quels sont désormais les droits attachés à l’utilisation de la carte consulaire ? Au cours des contrôles de police, le détenteur de la carte consulaire peut-il continuer à l’exhiber pour justifier son identité et quelle valeur les agents chargés des contrôles de police vont-ils attacher à ce document, si notre gouvernement doute de sa fiabilité. (…).

A la rencontre trimestrielle entre ambassadeurs, consuls généraux et consuls honoraires du 20 octobre 2017, tenue à Abidjan, l’ambassadeur Mahamadou Zongo a affirmé que la carte consulaire est biométrique et sécurisée et au verso de la carte consulaire, il est clairement mentionné qu’elle tient lieu de CNIB.
C’est pourquoi, nous sommes ahuris de voir apparaître noir sur blanc dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, je cite : ‘’A ces préoccupations s’ajoute la diversité des documents d’identification des électeurs dont la question de fiabilité s’accentue avec la perspective du vote des Burkinabè de l’extérieur ’’ », argue l’opposition parlementaire.

Vue d’une partie des présidents de parti politique avec de droite à gauche De Ablassé Ouédraogo de Le Faso autrement, Pr Mahamoudou Dicko de la NAFA, Me Gilbert Noël Ouédraogo de l’ADFRDA, Zéphirin Diabré de l’UPC (par

Le deuxième point d’achoppement entre l’opposition et la majorité réside aux lieux d’installation des bureaux de vote. Selon le nouveau code électoral, les opérations de vote se dérouleront uniquement dans les Ambassades et les Consulats. Les conférenciers estiment qu’en considérant le potentiel du corps électoral dans certaines contrées, il y a lieu d’être inquiet quant à la capacité des représentations diplomatiques et consulaires dans ces pays de pouvoir les recevoir dans leurs locaux.

Du côté de la zone du bois (quartier où se situe le siège institutionnel de l’opposition), l’on dit cerner la logique ces derniers temps ; de la loi PPP (Partenariat public-privé) à l’adoption du nouveau code électoral, en passant par la nomination du conseiller spécial du président du Faso à la tête du Conseil supérieur de la communication (CSC), l’intention du pouvoir est de pouvoir contrôler les opérations électorales, convainc-t-on.

‘’ L’opposition a fait preuve de patience ’’

Le député Juliette Bonkoungou note d’abord que la loi fondamentale donne à tous les citoyens burkinabè, le droit d’être électeur et d’être éligible avant de faire observer que le nouveau code est un obstacle à cette prescription expresse de la Constitution.
C’est pourquoi, à son avis, il est important que l’opposition joue son rôle de contrôle, de gardien de la légalité et de la démocratie au Burkina, en élevant sa voix, chaque fois qu’on contrevient à cette disposition. Il appartient, poursuit-elle, au gouvernement, au-delà de toutes explications, de se donner les moyens d’appliquer les prescriptions de la Constitution.

« Le président du Faso a, lorsqu’il a prêté serment, juré de rester et de faire respecter la Constitution », ravive Juliette Bonkoungou avant de confier que l’opposition a, en ce qui concerne le gouvernement, fait preuve de patience, dans sa volonté de préserver la paix et la stabilité du pays et de rechercher le consensus à tout moment.

« Mais, si nous sommes seuls à rechercher le consensus et autre, nous nous réserverons le droit d’entamer également d’autres actions, que nous pouvons choisir de ne pas vous révéler ce matin », averti l’ancien ambassadeur du Burkina au Canada.

Sur la question de la carte consulaire biométrique, député Moussa Zerbo révèle sous un ton de révolte : « lors de l’audition du gouvernement, où j’étais, le ministre (de l’administration territoriale, ndlr) a dit devant la commission que la biométrie ne souffrait d’aucune anomalie. C’est dire quoi ? Que personne ne peut avoir deux identités ; c’est ce que la biométrie voudrait dire.
Et on lui a retourné la question, si aujourd’hui la carte biométrique consulaire est remise en cause, cela veut dire que c‘est la biométrie elle-même qui est en cause, et par ricochet, …notre CNIB. Nous, ça nous inquiète. Il a dit qu’il était prêt même à mettre sa main au feu, pour dire que personne ne pouvait posséder deux pièces. Cela veut dire que même si vous égarez votre pièce, CNIB, dès que vous en faites une autre carte, l’autre est automatiquement désactivée. Donc, c’est le même principe pour la carte consulaire biométrique.

Mieux, il est inscrit au verso de cette pièce qu’elle tient lieu de CNIB pour les Burkinabè en Côte d’Ivoire. ‘’Tenir lieu de CNIB’’ veut dire que c’est leur CNIB. A partir de cet instant, nous ne voyons pas en quoi cette pièce-là peut constituer un danger pour eux. Ce qu’on est habitué à voir sous d’autres tropiques, ce sont les partis de l’opposition qui craignent et crient aux fraudes, mais aujourd’hui, c’est le contraire, c’est le pouvoir en place qui a peur. Qu’est-ce qu’il nous cache ? Qu’il ait le courage de nous le dire ! ».

Pour lui, cette nouvelle loi est un danger. « Si aujourd’hui, nos autorités remettent en cause la fiabilité de la CNIB, pour des besoins (j’allais dire) politiciens et des buts électoralistes, qu’est-ce qui va advenir après les élections ? En 2017, l’ambassadeur a réuni tous les consuls en Côte d’Ivoire et ils ont fait un écrit pour dire, n’est reconnu en Côte d’Ivoire comme pièce pour les Burkinabè, que la carte consulaire biométrique. Et c’est avec cette pièce-là que nos compatriotes exercent tous leurs droits en Côte d’Ivoire.

Mais, aujourd’hui, si vous voulez remettre cette pièce en cause, après les élections, qu’est-ce qui va arriver ? Est-ce qu’on n’expose pas nos compatriotes ? Votre propre pays, qui a remis ces pièces, les remet en doute. Nous pensons que ce n’est pas du tout responsable de la part de ce pouvoir de procéder de la sorte », a présenté député Zerbo avant d’inviter à ne pas mélanger la CENI (Commission électorale nationale indépendante) « dans cette affaire ».

A en croire l’élu, la CENI a proposé trois pièces, la CNIB, le passeport et la carte consulaire biométrique. « C’est le gouvernement qui a, de manière unilatérale, et après différentes concertations avec les présidents de parti qui sont-là, décidé d’exclure la carte consulaire, tout en sachant bien que nos compatriotes ne peuvent pas avoir d’autres pièces.
Vous allez en Côte d’Ivoire avec votre CNIB, c’est nul et caduc ; vous ne pouvez mener aucune opération avec la CNIB. Même acheter une simple puce. Donc, pourquoi mettre nos compatriotes en danger ? Nous pensons qu’ici, il y a une volonté manifeste d’exclure nos compatriotes de la diaspora. Ils savent pertinemment que, 2020, ils ne passeront pas. Il n’y a pas de chemin pour eux », martèle Moussa Zerbo.

« Ce sont les autorités burkinabè qui ont dit que la carte consulaire biométrique a la même valeur que la CNIB »

« Hier (31 juillet, lors de la plénière, ndlr), le ministre, devant nous, a reçu cette question de ma part, à laquelle il n’a pas répondu : qu’est-ce qui identifie un Burkinabè de l’extérieur ? Si nous nous rencontrons et que vous voulez me montrez que vous vivez à l’extérieur, c’est votre carte d’identité consulaire ! Bien sûr, le ministre n’a pas répondu.
Donc, je n’en rajouterai pas plus ; parce que de toute façon, il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir et plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Ils ont une stratégie par cercle concentré, que nous avons bien comprise. Le premier cercle, c’est étouffer l’enrôlement des Burkinabè de l’extérieur à travers cette suppression de la carte consulaire (parce que dans la loi qu’on vient de modifier, elle existait comme pièce d’enrôlement).

Deuxième cercle concentrique (c’est, quand bien même, par surprise), ils constateront que beaucoup se sont enrôlés, on va les empêcher de voter, en les obligeant à se déplacer pour venir dans les enceintes des Ambassades et Consulats. Je vous donne un exemple, je me suis permis de faire le calcul, vous pouvez vérifier : ne serait-ce que 25 000 inscrits dans un Consulat ou dans une Ambassade, si chaque électeur prend trois minutes pour voter, vous avez 104 heures pour les faire voter. Et ici, nous avons douze heures ; de 6 heures à 18 heures. Voici le deuxième cercle concentrique pour étouffer le vote des Burkinabè de l’extérieur », démontre député Yaya Zoungrana.

Le porte-parole de l’opposition politique burkinabè, Zéphirin Diabré, lui, est revenu sur les péripéties des concertations initiées par le président du Faso avec son institution. ‘’Je m’inscris en faux ; jamais, sur ces questions, il y a eu consensus. Et la dernière fois, nous nous sommes séparés en queue de poisson, en restant ferme sur notre position… », a relaté M. Diabré.

Le porte-parole de l’opposition, Zéphirin Diabré, tout en s’abstenant de dévoiler les stratégies, annonce que des actions seront entreprises contre ce nouveau code électoral.

A en croire le chef de file, un autre grief réside dans le nouveau système d’enrôlement. « Jusque-là, quand l’élection s’approche, la CENI déploie des gens dans les secteurs et villages et les électeurs partent avec leur pièce et se font enrôler et leur remet leur carte d’électeur. (…). Figurez-vous que le gouvernement veut supprimer cette manière de faire (supprimer les cartes d’électeur). Il dit que pour les jeunes qui auront 18 ans, il n’y aura plus de carte d’électeur.
Il dit qu’à l’ONI (Office national d’identification, ndlr), il y a un ficher et quand vous partez faire votre CNIB, votre nom est là-bas avec votre contact téléphonique. Donc, c’est l’ONI qui va donner chaque année à la CENI, les nom, prénom et contact des gens qui ont 18 ans et qui peuvent voter.

La CENI va maintenant envoyer un sms à ces gens pour demander s’ils veulent voter. Si la personne répond par oui, en ce moment, on envoie un papier pour lui dire où elle doit voter. Ça, c’est dangereux… », expose en termes simples, Zéphirin Diabré, invitant chacun à imaginer les risques de fraudes avec cette démarche. « C’est la fraude informatique qu’ils sont en train de vouloir nous proposer et ça ne passera pas », s’engage-t-il.

Un autre leader de parti, Gilbert Noël Ouédraogo, ADF/RDA explique les tralalas auxquels sont désormais soumis les Burkinabè de la diaspora avec cette nouvelle loi. « Ce sont les autorités burkinabè qui ont dit que la carte consulaire biométrique a la même valeur que la CNIB. (…). Dans le nouveau code, par rapport à la plateforme, il y a une nouvelle disposition qu’on ajoute et qui dit que ceux qui ont eu leur carte d’électeur, en dehors du passeport et la CNIB, pourraient la conserver.

Ça veut dire qu’il y a des gens qui se sont inscrits au moment où nous avions les douze pièces, ils se sont inscrits par exemple avec l’extrait de naissance, et qui pourront continuer de voter avec leur carte d’électeur (obtenue sur la base de ce document), pendant qu’aux Burkinabè de l’étranger, on leur refuse la carte consulaire biométrique. Ce qui veut dire qu’on est en train d’organiser une fraude claire et nette, et l’opposition ne va pas accepter », ajoute l’avocat, Gilbert Noël Ouédraogo. Pour l’opposition parlementaire, avec ce code, c’est la vie des Burkinabè qui est en danger.
Pour rappel, le nouveau code électoral a été adopté, le lundi, 30 juillet 2018, sans les élus de l’opposition qui ont, eux, quitté l’hémicycle.

Oumar L. Ouédraogo
(oumarpro226@gmail.com)
Lefaso.net

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