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« La justice militaire, on supprime ou on supprime » : Quand les geôles de la MACA inspirent Me Hermann Yaméogo

LEFASO.NET | Par Tiga Cheick Sawadogo

Publié le vendredi 17 novembre 2017 à 00h30min

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« La justice militaire, on supprime ou on supprime » : Quand les geôles de la MACA inspirent Me Hermann Yaméogo

Inculpé et placé sous mandat de dépôt dans le cadre du coup d’Etat du 16 septembre 2015, Me Hermann Yaméogo n’a pas chômé. Dans les geôles de la Maison d’arrêt et de correction des armées(MACA), il a pris sa plume pour dénoncer la justice militaire et toutes les juridictions d’exception.

C’est donc sans ambages qu’il titre son ouvrage, « La justice militaire, On supprime ou on supprime ». Le ton est donné dès le titre. Et l’auteur donne quelques arguments qui soutiennent son avis tranché sur l’institution tant décriée.

C’est une institution qui ne permet pas d’administrer la justice dans le respect de l’indépendance et de l’impartialité. La justice militaire est « trop » rattachée à l’exécutif. « En étant rattachée à l’exécutif, elle reçoit des injonctions de cet exécutif. C’est le ministre de la défense qui mouvemente les procédures. Alors que la constitution, jusqu’aux traités que le Burkina a signés, disent que pour qu’on prenne un tribunal au sérieux, il faut qu’il ait l’indépendance et l’impartialité ».

Autre fait, c’est la dépendance de la justice militaire vis-à-vis de l’armée. Les « magistrats traditionnels » dépendent du conseil supérieur de la magistrature. Selon l’avocat, les magistrats se sont même battu ces dernières années pour qu’il y ait une déconnection avec l’exécutif, que ce ne soit plus le président ni le ministre de la justice qui soit à a tête. A contrario, les magistrats militaires eux ne dépendent pas du conseil supérieur de la magistrature, mais de l’armée.

L’armée, cette institution où le respect de la hiérarchie est un principe sacro-saint. Comment un magistrat militaire peut-il être indépendant vis-à-vis de ses chefs qui gèrent sa carrière ?

Enfin, Hermann Yaméogo relève « l’opinion insurgée qui à chaque fois, fait pression sur les magistrats, les empêchant de travailler en toute sérénité ».

Conséquence, une telle juridiction est impropre à administrer convenablement la justice dans le respect de l’indépendance et de la neutralité.

Il propose donc une justice transitionnelle qui est comprise comme une série de dispositions de nature judiciaires ou non, destinée à remédier à une histoire marquée par de grandes violations de droits humains. Ce, à la suite d’une guerre, de la gestion autoritaire d’un pays. Des pays, africains et non, l’ont déjà expérimenté, et selon le défenseur de cette voix, elle permet d’aller à la réconciliation, et est importante et adaptée à la situation actuelle du Burkina Faso.

Une justice à la tête du client

La justice militaire est simplement sélective, c’est le fils du premier président de la Haute Volta qui le dit. Il en veut pour preuve, ces hauts gradés nommés comme ambassadeurs ou simplement envoyés à l’étranger, alors qu’ils auraient trempé dans le putsch de septembre 2015. « Ils ont pourtant accompagné le putsch. Aux réunions du CND (Ndlr. Conseil national de la démocratie), ces officiers participaient. Pour l’accueil des chefs d’Etat de la CEDEAO, ils étaient dans le protocole. Tapis rouges, rendant honneur au président à l’époque, Diendéré. C’est une participation au coup d’Etat ».
Malgré tout cela, ils n’ont pas été inquiétés. Mieux, ils sont envoyés loin du pays, alors que la procédure est en cours.

Autre élément de l’implication de certains d’entre eux. « Pendant que les jeunes venaient des régions pour en découdre avec le RSP, le chef d’Etat-major a essayé de les dissuader de venir ».

Ces chefs militaires ont pourtant reçu des mandats pour comparaitre devant le juge. Ils ont refusé de répondre. Il y eut ensuite des mandats d’amener qui sont exécutoires, ils ont encore refusé. Me Hermann Yaméogo estime que la justice doit être égale pour tout le monde. Et surtout qu’on ne doit pas procéder à des inculpations à la tête du client. « Pour moins que cela, il y en a qui ont été envoyé à la MACA », regrette-t-il.

Justice militaire vengeresse, politiquement inféodée

Le président de l’UNDD s’insurge également contre cette justice, qu’il qualifie de machines à condamnation, de règlement des comptes et de nettoyage politiques et électoral avant 2020. A l’en croire, ce n’est pas parce qu’il est dans les couloirs de cette juridiction pour sa prétendue implication dans le putsch, qu’il sort du bois. Loin de là, c’est un vieux combat. « C’est un combat permanent de ma part. Ce n’est pas quelque chose d’opportuniste. Il faut s’assumer », se défend-t-il.

Et d’ailleurs, poursuit-il, c’est quand il était en prison qu’il a écrit le livre, bien avant de bénéficier d’une liberté provisoire, qu’il n’a d’ailleurs pas demandée. « La justice militaire, On supprime ou on supprime » n’est donc pas un mémoire en défense. « Je n’ai jamais demandé de liberté provisoire. J’ai toujours refusé les libertés provisoires, parce que j’estime que je n’avais rien à voir à la MACA. Si j’avais trempé dans un coup d’Etat, je l’aurais reconnu. Je ne fuis jamais mes responsabilités. C’est le juge qui a accordé la liberté provisoire. Il n’y a pas de calcul dans cela… ».

Foi de l’avocat, la justice militaire ne peut permettre la réconciliation nationale tant prônée par tous les bords politiques. « On ne peut pas partir du principe qu’il faut d’abord la justice avant la réconciliation tout en sachant que les organes chargés de rendre la justice , sont dépendants du pouvoir et qu’ils sont incapables de juger en toute indépendance et en toute impartialité ».

Cette justice-là, celle militaire, est de nature à créer l’injustice au Burkina Faso, et Me Hermann Yaméogo de conclure que cela va nous amener dans des guerres sicilienne.

Tiga Cheick Sawadogo
Lefaso.net
tigacheick@hotmail.fr

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