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Conte : Les oiseaux du ciel

Par Anselme SANOU Psychologue au service d’hygiène de Bobo-Dioulasso

Publié le mercredi 21 juin 2017 à 17h30min

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Conte :  Les oiseaux du ciel

Les conseils de la grand-mère Allakandemè contés est une stratégie de communication que SANON Anselme expérimente des associations œuvrant dans le secteur de la santé et dans le développement durable. Dans cette stratégie basée sur le conte théâtralisé, il cherche à réduire les conflits entre les traditions et la modernité en faisant prendre des positions résolument modernes par une personne âgée qui vient bousculer au lieu d’alimenter les croyances. Il aborde facilement avec les populations de nombreuses problématiques telles que l’environnement, l’hygiène, la santé de la reproduction. Il nous propose ici des conseils contés de la grand-mère sur la planification familiale. Suivons le récit :

Jadis, dans un royaume appelé Tiéso, l’enfant était la plus grande richesse. Aussi, les hommes demandaient aux femmes de donner tous les enfants que dieu avait mis dans leur ventre. Chaque femme faisait dix enfants ! Chaque enfant quand il devenait grand en faisait dix ! A leur tour, eux aussi en faisaient autant alors que chaque enfant voulait son champ ! A la longue, le royaume commença à manquer de terres.

A Tiéso, vivait une vieille femme presque centenaire qui s’appelait Allakandèmè . Elle décida d’aller voir le roi de Tiéso :

  Salut Oh ! Grand Roi de Tiéso ! Chez nous à Tiéso on dit que ce qui doit être dit quand on le dit avant le moment de le dire il ne servira pas !
  Hummm ! Tu ne dis que la vérité !
  On dit aussi à Tiéso que ce qui est vrai quand tu le dis après le moment de le dire tu as mal fait !

  Hum-hum ! Tu ne dis que la vérité !
  Grand Roi de Tiéso ! Chaque chose en son temps ! Le jour est arrivé où vous devez prendre une grande décision qui engage la survie du royaume. Le Grand roi de Tiéso n’ignore pas que Tiéso avait les plus grands et les plus beaux champs des collines. Mais ces champs qui s’étendaient à pertes de vue aux temps de nos ancêtres sont de plus en plus petits aujourd’hui ! Très bientôt on n’aura plus de terres à cultiver !

  Hmm ! Où est-est-ce que tu veux en venir ? Demande le Grand Roi de Tiéso.
  Grand Roi de Tiéso ! Nous ne sommes plus aux temps où Dieu rappelait à lui la plupart des enfants qu’il donnait ; la population de Tiéso augmente rapidement ; parce que Chaque femme fait dix enfants ! Chaque enfant quand il devient grand en fait dix ! A leur tour eux aussi en font autant, alors que chaque enfant veut son champ ! Quand notre royaume manquera de terres ce n’est pas chez les autres que nous en aurons ! Grand roi de Tiéso, toi seul peut faire quelque chose. Si non ! Les mauvais jours s’abattront sur Tiéso ! Ce n’est point que je n’aime pas les enfants mais pourquoi en faire autant pour les voir souffrir et mourir de faim ? Je t’en conjure ! Sauve Tiéso ! Dit Allakandemè.

  Ho ! Grand roi de Tiéso ! Allakandemè refuse que nos femmes fassent des enfants ! Une vielle femme comme Allakandemè, qui n’a pas d’enfant ne peut pas apprécier le bonheur d’avoir une descendance grande et forte ! Dit un courtisan.
  Tiéso a besoin de bras pour le défendre et cultiver ses terres ! Ajoute un autre.
  Personne ne peut comprendre Allakandemè dit un courtisan. Pour tous les sujets du roi, l’enfant est la seule vraie richesse ! C’est quand tu en as beaucoup que tu es respecté et craint ! Rajoute le premier courtisan.

  Humhum ! Qui nourrit les oiseaux du ciel ? On dit que lorsque Dieu te donne la progéniture il ajoute la nourriture ! Poursuivit-il.
  Grand Roi de Tiéso ! Allankandemè va contre nos coutumes ! Il faut que vous la fassiez taire ! Martèle un autre !
Le Roi parle aux oreilles du griot et ce dernier reprend :
  Femme ! Le Grand Roi de Tiéso apprécie ton souci pour la survie de Tiéso. Il me charge néanmoins de te dire que cela ne relève pas de toi ! Il y a des gens pour veiller sur le sommeil des filles et fils de Tiéso. Les femmes de Tiéso vont continuer à donner des enfants au royaume ! Une femme qui n’est pas fertile n’a pas de place à Tiéso ! Le Grand-Roi a parlé.
  Une personne âgée assise voit plus loin que l’enfant débout sur une case, rétorque Allakademè.

Désespérée, elle quitte la cour royale.

Des années passèrent. Le royaume a commencé à manqué de terres. Les sujets s’entassaient dans des petits champs qui n’étaient plus suffisants pour les nourrir. Sans terres à cultiver ils avaient faim. Les plus téméraires sont partis dans les royaumes voisins à la recherche de champs. Mais là-bas encore chaque femme faisait dix enfants ! Chaque enfant quand il devenait grand en faisait dix ! A leur tour, eux aussi en faisaient autant, et chaque enfant voulait son champ ! Comme les fils de Tiéso devenaient trop nombreux et occupaient toutes les terres, les royaumes voisins aussi ont commencé à manquer des terres ! Ils continuèrent dans d’autres royaumes. Les fils de Tiéso se répandaient partout. Débordés, les autres royaumes ont commencé à leur fermer la porte au nez.

A Tiéso c’était la faim, les émeutes, la mort ! Rien ne venait soulager la souffrance des populations. Le roi n’en pouvait plus ! Il comprit alors ce qu’Allakandemè lui avait dit. Il rassembla tous ses sujets et créa la surprise en leur annonçant ceci :
« Fils et filles de Tiéso ! Nous n’avons plus de terres pour nos enfants ! Ce n’est pas que les terres que nous ont laissées nos ancêtres ont diminué ! C’est parce que nous faisons trop d’enfants ! Chaque femme fait dix enfants ! Chaque enfant quand il devient grand en fait dix ! Eux à leur tour en font autant, alors que chaque enfant veut son champ ! Ce que nos petits champs nous donnent ne peuvent pas nous faire vivre ! Allakandemè avait raison. Nous avons eu tort de ne l’avoir pas écouté ! Fils et filles de Tiéso ! Mais les temps ont changé ! L’enfant reste une richesse ! Mais il devient aussi une charge. Désormais ! Pour tout ce qui précède votre Roi décide ce qui suit !

 1) Chaque femme donnera naissance à un nombre limité d’enfants (qu’elle et son époux peuvent élever) ! -2) Tous les contrevenants à cette décision seront sévèrement punis ! »

Depuis, les femmes de Tiéso limitent le nombre d’enfants qu’elles mettent au monde ! Les champs arrivent maintenant à nourrir tout le royaume, les femmes et les enfants tombent moins malades, tout le monde est heureux et le royaume a retrouvé la prospérité et la paix.

Anselme SANOU
Psychologue au service d’hygiène de Bobo-Dioulasso.

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