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Kambou Serge, ingénieur informatique, à propos du Prytanée : « On ne peut pas s’en passer »

Publié le lundi 13 mars 2017 à 23h39min

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Kambou Serge, ingénieur informatique, à propos du Prytanée : « On ne peut pas s’en passer »

En 1992, le Prytanée militaire du Kadiogo (PMK), après sept ans de fermeture, rouvrait ses portes. Parmi les élèves fraichement recrutés, figurait Serge Kambou, celui-là même qui allait devenir, 24 ans plus tard, le concepteur du site de l’établissement. Contrairement à son promotionnaire Diaouari Ismaël, aujourd’hui Commandant du PMK, il n’a pas embrassé une carrière de militaire. Même s’il a préféré épouser l’informatique, il dit garder en lui les valeurs du prytanée : la discipline, la solidarité et le patriotisme. Dans le présent entretien, il nous parle de sa vie passée au PMK, une école dont il ne souhaite pas la suppression car le Burkina « ne peut s’en passer ». Lisez !

Lefaso.net : Vous faites partie de la première promotion de PMK à sa réouverture en 1992. Dites-nous qu’est-ce qui vous y a conduit ?

Quand le concours a été lancé, c’était la dimension excellence qui m’avait interpellé. Les parents parlaient de l’école, car ils avaient connu les générations d’avant. Je ne connaissais vraiment pas le PMK, mais j’avais entendu dire que le président Thomas Sankara avait fait cette école. Ce sont peut-être les raisons principales qui m’y ont conduit. Après ça été pour moi une découverte.

Lefaso.net : Quelle était l’ambiance dès vos premiers pas dans cette école ?

Vous savez, quand vous faites parmi de 80 élèves recrutés sur la base de l’excellence, vous avez une appréhension en arrivant. « Comment je vais faire pour m’en sortir ? Est-ce que je serai parmi les meilleurs » ? En fait, c’est une appréhension qui est vite balayée, car nos encadreurs civils et militaires nous inculquent tout de suite les valeurs principales de l’école, notamment la solidarité et la discipline. Toutes ces valeurs ont fait qu’on a été une promotion solidaire et cela continue d’ailleurs après 25 années. C’était vraiment une ambiance de solidarité.

Lefaso.net : Comment vous sentiez-vous quand vous retourniez en famille pendant les vacances à ce moment-là ?

(Rires) ! J’avoue que la discipline enseignée ici au prytanée a un impact sur nos comportements. On nous inculque des valeurs en insistant sur le fondement, le pourquoi et le but. Ce qui fait que quand on revient en famille, on a souvent des relâchements parce que c’est papa et maman, on veut mettre les pieds sur la table pour profiter de nos vacances. Mais on ne perd pas les valeurs de respect ; on aide les parents dans les tâches quotidiennes. Généralement les parents trouvent que leurs enfants ont changé et qu’ils sont réservés. L’Ecole nous inculque que l’Etat fait des sacrifices pour nous, les parents aussi. Pour les remercier donc, on essaie de porter ces valeurs-là aussi à la maison.

Lefaso.net : En venant au Prytanée, rêviez-vous d’embrasser le métier des armes ?

Quand on vient au prytanée, il y a ce challenge entre camarades de classe, etc. De façon particulière, je ne me posais pas la question de la carrière militaire même si à l’époque ça devait sembler automatique. Au fil des années, surtout en en classe de terminale, cette question a commencé à se poser de plus en plus. Mais, je n’avais pas de préférence énorme. Si je devais faire une carrière militaire, je me destinais à être dans la santé ou l’aviation.

Lefaso.net : Quand vous est venue cette passion pour l’informatique ?

(Rires) C’est par hasard. J’ai quitté l’école après mon Bac et je me posais la question de ce que je voulais faire. A l’Université on est tombé sur une période qui coïncidait avec l’année blanche de 1999. Et cela avait influencé sur mon choix, la décision des parents. Ce qui a fait que j’ai intégré une école privée pour faire l’informatique. Ça m’a beaucoup plus et j’ai continué les études en France dans une école d’ingénierie.

Lefaso.net : Comment a été votre intégration dans l’Hexagone ?

Compliquée. Déjà, au prytanée militaire on était dans un cadre où tout était formaté. Vous avez beaucoup d’aides pour les procédures administratives telles que l’inscription. Et lorsque vous quittez ce cadre où vous êtes accompagné et que vous revenez à une vie civile où avec l’âge, vous devez prendre vos propres décisions. Ce n’est pas évident. En plus aller à l’étranger dans un pays que l’on ne connait pas, qui a une culture différente de la nôtre, l’intégration est difficile. Mais après, l’école nous donne des armes pour pouvoir nous débrouiller dans n’importe quelle situation pour peu que l’on a envie et que l’on tient ce qu’on veut faire.

Lefaso.net : La discipline est la force des armées. Avec le recul, avez-vous le sentiment que cette discipline que l’on a inculqué au prytane en 1992 est aujourd’hui en perte de vitesse avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication ?

Je ne pourrai pas juger car je suis actuellement à l’Etranger mais je pense que c’est l’un des challenges des nouveaux responsables. Quand on prend le lancement du site (www.pmk-bf.net) qui a eu lieu ce matin (vendredi 10 mars, NDLR) est très important pour l’école. Si elle ne s’inscrivait pas dans cette démarche, cette démarche allait s’imposer à elle. Avec les nouvelles technologies, les téléphones qui ont vraiment basculé nos mœurs, nos vies, c’est plutôt aux institutions de faire le pas et de s’insérer dans cette dynamique. Pour revenir au cas de l’Armée et de l’école en particulier, je pense que la décision de ne pas permettre aux élèves d’avoir des téléphones est une décision sage parce que cela va les distraire de l’objectif que l’école s’est fixé et leurs propres objectifs. C’est pour cela que l’école doit encadrer ces pratiques-là et si le budget permet qu’ils aient une salle informatique, alors qu’on donne un temps aux élèves de pouvoir s’informer sur le monde. Mais que cela se fasse dans un cadre délimité qui sera suivi par les responsables de l’école.

Lefaso.net : Que répondez-vous à ceux qui pensent que le Prytanée militaire de Kadiogo est budgétivore et qu’il doit fermer ?

Dans presque tous les Etats du monde, il y a toujours une école d’élite. On ne peut pas s’en passer. Avoir ce genre d’école qui se base sur la discipline, celle de l’armée, c’est une très bonne chose. De toute façon, on avait essayé en 1987 mais on est revenu en 1992 car on a constaté que ce n’était pas possible. Le recrutement des officiers était beaucoup plus compliqué sans le prytanée et là on voit que ça fait un effet inverse. Prenons l’exemple des Etats-Unis, c’est l’armée qui a impulsé toutes les grandes découvertes que l’on a aujourd’hui comme internet. Pour moi l’argent qui ne sera pas instruit dans le budget du PMK sera instruit ailleurs et je ne crois pas qu’il sera instruit avec la même efficacité.

Lefaso.net : Un dernier mot à l’endroit de vos cadets…

Il faut qu’ils saisissent cette chance. Il faut qu’ils prennent conscience qu’ils sont des privilégiés et ils doivent saisir toute la qualité de leur formation civile et militaire qu’ils reçoivent. Cela leur servira toute leur vie. Quel que soit les promotions d’anciens élèves de Troupe que je reçois, tout de suite, on partage les mêmes valeurs. On sait qu’on est redevable au pays et on essaie d’impulser nos activités pour faire aller plus loin l’école et la nation toute entière.

Entretien réalisé par Herman Frédéric Bassolé
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