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Commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975

Publié le lundi 26 décembre 2016 à 22h38min

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Commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975

Ceci est une déclaration des six centrales syndicales du Burkina Faso à l’occasion de la commémoration de la grève historique des 17 et 18 décembre 1975, grève qui visait à contrer la tentative de mise en place d’un parti unique en Haute-Volta par le régime du Général Sangoulé LAMIZANA.

Camarades militantes et militants,
Travailleuses et travailleurs du Burkina Faso,

La commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975, pour l’approfondissement de la démocratie, le respect des libertés, la lutte contre la corruption et la vie chère s’effectue dans des moments de douleur profonde, d’indignation et de révolte.

En effet, le vendredi 16 décembre 2016, les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) à Nassoumbou se sont retrouvées dans le feu des armes de terroristes, une attaque qui a fait 12 morts selon les autorités.
Nous rappelons que cette situation s’est produite, après de multiples cas notamment :

-  trois attaques le vendredi 15 janvier 2016 à Tin Abao, à Tin Akoff, aux restaurants « Capuccino » et « Splendid Hotel » à Ouagadougou, faisant au moins 26 morts et des dizaines de blessés ;

-  l’enlèvement d’un couple autrichien à Djibo dans le Nord du pays ;

-  l’enlèvement, non encore élucidé, d’un cadre roumain à Tambao ;

-  les attaques contre la Gendarmerie de Samoragouan en 2015,

-  etc.

Aux familles des personnes tuées, l’UAS présente ses vives condoléances ; aux blessés, elle souhaite un prompt rétablissement. Elle encourage les forces de l’ordre à assurer la sécurité des citoyens et de leurs biens. Les travailleurs suivent avec le plus grand intérêt la situation de crise qui frappe la sous-région ouest-africaine. Elle appelle le peuple burkinabè à la solidarité et à la vigilance face à cette menace.

Pour revenir à l’historique grève des 17 et 18 décembre 2015, l’UAS tient par devoir de mémoire à rappeler les évènements ayant conduit à ce mouvement-là, ainsi que sa position sur la situation actuelle que connait notre pays.

En décembre 1975, les organisations syndicales de travailleurs avec le soutien des élèves et des étudiants ont mené une grève générale qui allait marquer l’histoire de notre pays. Cette grève visait à contrer la tentative de mise en place d’un parti unique en Haute-Volta. En effet, après son coup d’Etat du 08 février 1974, le régime du Général Sangoulé LAMIZANA, après avoir interdit toute activité politique, placé des militaires comme préfets à la tête des départements, annonçait le 29 novembre 1975 la création du Mouvement National pour le Renouveau (MNR). Ce MNR se voulait le « cadre unique pour toutes les activités sociales, culturelles et politiques » et toute indifférence à l’égard de celui-ci était perçue comme « une atteinte à la sécurité de l’Etat ».

La réaction des syndicats fut immédiate. Dès le lendemain 30 novembre 1975, les quatre centrales syndicales de l’époque (CNTV, CSV, OVSL, USTV) sonnaient la mobilisation à travers un meeting qui rassembla une foule immense à la Bourse du Travail de Ouagadougou.

Le 02 décembre 1975, les organisations syndicales adressaient une correspondance tenant lieu de préavis de grève au Ministre du travail et de la Fonction Publique de l’époque. Ainsi, les 17 et 18 décembre 1975, se réalisait l’historique grève générale qui fit de Ouagadougou et des autres villes du pays ces jours – là, des villes-mortes.

La grève connut un succès immense : il a ébranlé le Gouvernement du Renouveau National (GRN) et provoqué son auto dissolution le 29 janvier 1976.

Cette lutte de 1975 s’inscrit dans les traditions de lutte du mouvement syndical de notre pays qui, malgré le pluralisme qui l’a toujours caractérisé, a toujours su réaliser une unité d’action face aux tentatives répétées des différents pouvoirs de restreindre les libertés ou de remettre en cause les acquis des travailleurs. Cela s’est du reste renforcé avec la dynamique de l’’unité d’action en cours dans notre pays depuis 1999. Celle-ci, malgré ses insuffisances, a permis des analyses et des prises de positions communes justes, de même que des luttes communes qui ont généré des acquis appréciables pour les travailleurs et les populations de notre pays.

Camarades,

Le contexte national commande que cette unité soit non seulement maintenue mais aussi et surtout renforcée. La mise en œuvre des engagements pris le vendredi 11 septembre 2015, les différents protocoles d’accords sectoriels et l’analyse du cahier de doléances déposé le 1er mai 2016 sont à l’ordre du jour. En effet, les revendications des différentes couches socio-professionnelles prennent en compte des questions de l’approfondissement de la démocratie, de la justice pour les martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et de la résistance populaire contre le coup d’Etat du 16 septembre 2015, de la lutte contre l’impunité des crimes économiques et de sang, contre la corruption, la fraude, la vie chère et pour le respect des libertés démocratiques, politiques et syndicales.

C’est pour cela que la communication dans cette période nécessite que nous expliquions à l’opinion publique que les revendications sociales ne portent pas uniquement sur des questions de salaires et que beaucoup d’entre elles concernent au-delà des travailleurs, toutes les couches de notre pays (travailleurs, élèves, étudiants, paysans, secteur informel, paysans etc.).

En ce qui concerne la situation nationale, les sacrifices énormes et multiformes consentis par notre peuple au cours des évènements des 30 et 31 octobre et ceux du 16 septembre s’inscrivent dans le sens de l’approfondissement de la démocratie, d’un combat pour la libération nationale et un progrès social véritable. Ce qui a conduit la Coalition nationale Contre la Vie Chère à produire une adresse à l’endroit des différents candidats aux élections présidentielles et législatives, articulée autour de quatre grands points :

- la vérité et la justice pour tous les martyrs et leur famille ;

-  la lutte contre l’impunité des crimes économiques et de sang, la corruption, la fraude ;

-  la lutte contre la vie chère ;

-  la lutte pour l’approfondissement des libertés démocratiques, politiques et syndicales ;

A l’issue des élections qui ont porté le MPP au pouvoir, et au vu de certaines prises de positions des autorités, l’UAS dans le cadre de la commémoration du deuxième anniversaire de l’insurrection écrivait ceci dans sa déclaration :
« Il apparaît clairement que la colère populaire qui s’est exprimée lors de l’insurrection a été nourrie par les pratiques du pouvoir COMPAORE marquées par des crimes de sang et des crimes économiques impunis, des atteintes graves aux libertés individuelles et collectives, le clientélisme et la volonté de se maintenir au pouvoir.

L’insurrection des 30 et 31 octobre revêt une portée historique pour le peuple burkinabè mais aussi pour les peuples de la sous-région, d’Afrique et du monde. Elle a montré l’énergie dont regorge le peuple, notamment la jeunesse, son courage et suscité beaucoup d’espoir chez nous et ailleurs ; un espoir malheureusement déçu par le pouvoir de la transition mais aussi par le pouvoir actuel issu des élections de novembre 2015.

C’est la non prise en compte des attentes populaires notamment en matière de lutte contre l’impunité, la corruption, la vie chère, qui justifient l’explosion des luttes des travailleurs et des différentes couches sociales de notre pays.

En ce deuxième anniversaire de l’insurrection populaire, l’Unité d’Action Syndicale (UAS) s’incline à nouveau sur la mémoire des martyrs. En souhaitant un prompt rétablissement aux blessés et en exprimant sa profonde compassion à toutes les familles des martyrs, elle dénonce la lenteur et les tergiversations dans le traitement du dossier des martyrs de l’insurrection populaire. Par conséquent, elle exige du gouvernement :

-  La lumière sur les auteurs et commanditaires des tirs contre les manifestants des 30 et 31 octobre ;

L’UAS réaffirme son refus ferme de l’impunité, sa volonté de lutter contre les velléités de poursuite de la culture de l’impunité qui a provoqué un tort incommensurable au peuple burkinabè.
Dans un contexte national difficile marqué par une remise en cause des acquis de l’insurrection populaire et de la résistance victorieuse au coup d’Etat, l’UAS appelle les militants et militantes à renforcer leurs structures, à se mobiliser pour faire face aux défis énormes qui se posent à nous. En effet, la non mise en œuvre de nombreux engagements du gouvernement, les violations des libertés démocratiques et syndicales, les tentatives de soustraire les auteurs de crimes de sang et de crimes économiques, de pillage du foncier urbain et rural, la poursuite des nominations de complaisance, la situation lamentable des systèmes de santé et d’éducation, les mesures impopulaires prises récemment par les autorités nous interpellent.
L’UAS renouvelle son soutien aux luttes que mènent des syndicats et des organisations socio-professionnelles autour de leurs droits sociaux. Elle exige :

-  la mise en œuvre correcte des engagements de la rencontre gouvernement/syndicats de septembre 2015 ;

-  la vérité et la justice sur les crimes économiques et de sang ;

-  la prise de mesures sérieuses de lutte contre la vie chère ;

-  la prise de mesures sérieuses pour la protection, la sauvegarde et la promotion des libertés démocratiques, syndicales et politiques ;

-  l’examen diligent des préoccupations objet des luttes des différents syndicats, des coordinations d’organisations de la société civile, des CCVC au niveau national et régional, l’arrêt des tentatives de démantèlement du Laboratoire National de Santé Publique ;

-  le respect des décisions de justice. ».

Concernant les attaques terroristes, il importe de rappeler que l’UAS dans sa déclaration de soutien aux FDS lors de l’attaque terroriste du 15 janvier 2015, indiquait ceci :

-  « Faut-il le souligner, cette crise liée aux trafics de tous genres qui ont cours dans la région sahélienne, aux convoitises que suscite la sous-région du fait des nombreuses richesses dont elle recèle, à l’absence de souveraineté de la plupart des Etats, constitue une grave menace contre la paix, la sécurité et le progrès économique et social des peuples de cette sous-région. ».

De ce qui précède, l’UAS interpelle une fois de plus nos autorités à poser des actes qui s’inscrivent dans la recherche, la construction et le renforcement de notre souveraineté nationale. En effet, une gouvernance vertueuse et moralisée aux plans politique, économique, sociale, culturel et sécuritaire est la solution pour un progrès social véritable. Dans ce sens, la sécurité étant l’une des conditions fondamentale de tout développement, l’UAS attire l’attention du Gouvernement sur les dispositions urgentes et impérieuses à prendre pour :

-  assurer des nominations fondées sur la compétence dans toute la chaînes de commandement, des différents Ministères aux garnisons ;

-  assurer aux FDS une bonne formation, des conditions de vie décentes, un traitement juste et équitable ;

-  doter en qualité et quantité les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) en matériel d’intervention et en carburant ;

-  clôturer les services de sécurité, les alimenter en eau courante et électricité, et équiper les bureaux des FDS en matériel adéquat de travail ;

-  rendre prioritaire les missions internes de défense du territoire et de la sécurité nationale aux missions de maintien de la paix ;

-  veiller à un commandement fondé sur l’exemplarité, la compétence, l’esprit de sacrifice et le patriotisme ;

-  etc.

Camarades,

A l’occasion de la commémoration du 41ème anniversaire des journées historiques des 17 et 18 décembre 1975, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes, appellent leurs militants et l’ensemble des travailleurs du Burkina Faso à renforcer leurs structures syndicales, à se mobiliser pour que, dans l’unité d’action, nous puissions agir afin que soient prises en compte les véritables préoccupations des travailleurs et des masses populaires.

En cette fin d’année 2016, les secrétaires généraux exhortent les travailleurs et le peuple à aborder les fêtes de fin d’année avec vigilance, dignité et espoir, et à entrer dans l’année nouvelle avec encore plus de détermination et d’engagement pour un changement véritable en leur faveur.

Vive les dates historiques des 17 et 18 décembre 1975 !

Vive l’unité de lutte des travailleurs !

Ont signé :

Pour les Centrales syndicales :

CGT-B
Bassolma BAZIE

Secrétaire Général

CNTB
Augustin Blaise HIEN

Secrétaire Général

CSB
Olivier OUEDRAOGO

Secrétaire Général

FO/UNSL
Joseph L.TIENDREBEOGO

Secrétaire Général

ONSL
Paul N. KABORE

Secrétaire Général

USTB
GeorgesY. KOANDA

Secrétaire Général

Pour les Syndicats Autonomes :

Le Président de Mois

François de Salle YAMEOGO
Secrétaire Général/ SYNATEB

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Vos commentaires

  • Le 27 décembre 2016 à 16:09, par gohoga En réponse à : Commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975

    Hé les politiciens de l’ombre depuis 41 ans c’est la première foi que vous vous rappeler de cette grève ??????

  • Le 27 décembre 2016 à 16:23, par Macaire SANA En réponse à : Commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975

    Le Burkina est vraiment un pays particulier.

    C’est très rare de voir dans un même pays toutes les centrales syndicales, assises sur une même table :
    - parler le même langage de lutte pour la défense des intérêts des travailleurs et du peuple
    - avoir le même point de vue sur la défense des libertés démocratiques et publiques
    - rester solidaires à chaque tournant de l’histoire du pays (comme ce fut le cas le 3 janvier 1966, les 17 et 18 décembre 1975, le 15 septembre 2015).

    Au Burkina, on réussit à le faire depuis des décennies (voire depuis l’indépendance du pays), Chapeau bas ! Il y a de quoi en être fier. Je suis fier d’être Burkinabé.

    Le modèle burkinabé est difficilement copiable.

  • Le 28 décembre 2016 à 21:46, par LE SYNDICAT En réponse à : Commémoration de l’historique grève des 17 et 18 décembre 1975

    Félicitations aux différentes organisations syndicales (centrales syndicales comme syndicats autonomes).
    Cette déclaration est publié le lundi 26 décembre 2016 et précise "assurer des nominations fondées sur la compétence dans toute la chaînes de commandement, des différents Ministères aux garnisons ;". Et le 28 décembre, il est annoncé que le conseil de Ministre a changé l’Etat Major des Armées. C’est bien même si on pourrait croire à une simple coïncidence.
    Que le reste suive donc !
    que cette vision et unité syndicales soient sauvegardées !
    courage et félicitations !

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