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« Personne ne m’impose quoi que ce soit », Ismaël Ouédraogo, directeur général de la télévision Burkina Info

Publié le jeudi 25 août 2016 à 23h45min

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« Personne ne m’impose quoi que ce soit », Ismaël Ouédraogo, directeur général de la télévision Burkina Info

On ne le présente plus. Du moins, aux fidèles auditeurs de la radio Ouaga FM où il a passé onze années en tant que journaliste. Féru des questions politiques et économiques, il était respecté par certains et incompris des autres pour ses analyses. En février 2016, il succède à Rémis Fulgance Dandjinou, l’actuel ministre en charge de la communication, à la tête de Burkina Infos, la plus jeune chaine de télé dans le paysage médiatique burkinabè. Vous l’aurez deviné, il s’agit d’Ismaël Ouédraogo. Dans un entretien qu’il nous a accordé, le lundi 22 août 2016, l’homme nous parle de sa passion, de ses relations avec son prédécesseur et de sa gestion de la télévision. Lisez !

Lefaso.net : Qui est Ismaël Ouédraogo ?

I.O : Ismaël Ouédraogo est un journaliste burkinabè passionné du métier depuis sa tendre enfance. Il s’est toujours intéressé aux questions politiques, économiques, à tout ce qui est en rapport avec la démocratie, la bonne gouvernance et la transparence. Le journalisme pour moi est une passion qui se matérialise aujourd’hui à travers les différentes activités que je mène au quotidien. Hegel l’a dit : « Rien de grand ne s’est accompli dans le monde sans passion ».

Lefaso.net : Où avez-vous fait vos premiers pas dans le journalisme ?

I.O : Ismaël Ouédraogo et le journalisme, c’est une longue histoire. C’est vrai que j’ai été révélé au grand public à travers un certain nombre d’émissions à Ouagadougou mais depuis 2002, j’ai commencé à faire de la radio, à Horizon FM à Bobo-Dioulasso. C’était à mes heures perdues. Ensuite, il y a eu la radio média Star qui n’existe plus malheureusement. J’étais toujours élève en classe de 2de ou 1re. Arrivé à l’université de Ouagadougou, j’ai entamé véritablement une carrière au niveau de la radio Ouaga FM en 2005. J’y ai passé onze années dont deux et demie comme directeur de rédaction avant de rejoindre la télévision Burkina Info.

Lefaso.net : Pour certains de vos anciens collaborateurs, vous êtes quelqu’un de très exigeant. Vous confirmez ?

I.O : La rigueur, la discipline et le travail bien fait sont pour moi des éléments essentiels quand on veut réaliser quelque chose de grand. Et je l’ai toujours répété à mes collaborateurs. Vous savez, quand on aspire à diriger, à être quelqu’un dans la société, quel que soit le niveau de responsabilité qu’on veut occuper, vous devez commencer par être discipliné vous-même. La discipline et la rigueur sont des mots que je conjugue toujours au présent.

Lefaso.net : Que retenez-vous de votre passage à Ouaga FM ?

I.O : De la radio Ouaga FM, je retiens une école. Une école, parce que j’ai côtoyé des rédacteurs en chef avant d’être moi-même rédacteur en chef. Et tous ceux qui sont passés par là ont été de grands hommes…

Lefaso.net : Des noms qui vous viennent à l’esprit ?

Je pense à Aziz Bamogo qui a été mon premier rédacteur en chef et qui est aujourd’hui président de l’association Publicitaires associés ; je pense à Ali Kabré qui fut entre-temps correspondant de RFI (Radio France Internationale, ndlr) au Nigéria. Je pense aussi à des collaborateurs de premier choix, car il faut le dire aussi, chacun a apporté sa touche dans cette formation que nous avons obtenue au fil des années. Je pense à Achille Dabiré de Tam-tam productions et promoteur de la radio Wat FM, à Sams’K le Jah, animateur chevronné qui, au-delà de tout, avait déjà cet engagement en lui et faisait très bien son travail. Il y avait Georges Sawadogo…

Je ne peux malheureusement pas citer tout le monde. Ouaga FM a toujours été une radio ambitieuse qui est allée de l’avant en donnant des informations de qualité et je pense que nous avons, nous aussi à notre manière, contribué de façon modeste à cela. Même si je quitte la radio le cœur meurtri avec la disparition de mon colistier de tous les temps, Mohamed Touré. Avec lui, on avait créé une dynamique et des émissions assez intéressantes. Nous étions de véritables complices et notre philosophie, c’était de travailler à nous améliorer au quotidien.

Lefaso.net : Cela fait plus de six mois que vous dirigez la télévision Burkina Info. Qu’est-ce que cela fait de passer de directeur de rédaction d’une radio à directeur général d’une télévision ?

I.O  : De directeur de rédaction à directeur général, on dira que c’est une bénédiction divine que d’évoluer dans sa vie de façon constante. C’est cela aussi la responsabilité. Directeur de rédaction s’inscrit dans le contexte d’une rédaction bien déterminée : vous avez des journalistes avec qui vous travaillez au quotidien, etc. Mais aujourd’hui directeur général, vous avez affaire à un monde. Burkina Info, c’est toute une télévision, une télé avec un personnel jeune et dévoué. C’est une télé qui n’a qu’un an d’existence mais qui est en train de tracer ses sillons et qui rêve grand. Nous y croyons et nous allons nous y engager à cet effet. Le Burkina, à travers Burkina Info, sera le pays par lequel les informations du reste du continent seront diffusées. Je le crois et je le dis parce que nous avons des jeunes qui croient en ce qu’ils font. La spécificité de cette télé, c’est que ce n‘est pas une télé généraliste. On ne diffuse pas de feuilletons chez nous, on ne joue pas de musique. Ce sont des émissions à thèmes, liées exclusivement à l’information. C’est une première, c’est aussi un grand défi. Quand on m’a sollicité pour diriger cette télé, c’était très difficile. Je me demandais comment informer les premiers responsables de Ouaga FM, mais à un moment donné dans la vie d’un homme, il faut accepter les challenges et pour moi Burkina Info est un défi qui m’a été offert.

Lefaso.net : « J’ai choisi de nommer un jeune directeur, Ismaël Ouédraogo, qui n’est pas forcément tendre avec moi », a déclaré le ministre Rémis Fulgance Dandjinou lors d’un entretien qu’il a accordé au journal Le Pays. A votre avis, qu’est-ce qui a prévalu à cette nomination.

I.O : (Sourires) Ce qui a prévalu à ma nomination ? C’est une question piège. Plusieurs personnes avaient le profil pour le poste. Mais je prends cette nomination comme une reconnaissance du travail qui est fait depuis un certain bout de temps. Je pense que j’ai été l’un des premiers à dire que Rémis Fulgance Dandjinou et Alpha Barry (Ministre des affaires étrangères, ndlr) n’avaient pas leur place dans le gouvernement parce que pour moi c’était un gouvernement politique et des journalistes, en principe apolitiques, n’y avaient pas leur place. Chacun a dit ce qu’il pensait. Mais ce que je dis aussi, c’est que je ne suis pas venu à Burkina Info dans l’optique d’être muselé et dominé par qui que ce soit. Et quand j’ai discuté avec les actionnaires de la télé, je leur ai dit que la condition sine qua non pour que j’accepte être directeur général, c’était ma liberté d’expression et d’opinion. Je ne voudrais pas qu’à un moment donné on puisse me dire : « tu n’as pas le droit de dire ceci ou cela ». Le jour qu’on me le dira, je partirai. Je ne me vois pas aujourd’hui être contraint à dire des choses qui ne rencontrent pas mon assentiment.

Je pense que j’ai toujours vécu ainsi et par conséquent personne ne me téléguide, personne ne m’impose quoi que ce soit. Chaque fois qu’on a une prise de position, on a affaire à des critiques qui ne sont pas objectives. J’ai la liberté d’agir et de gérer la télé comme je l’entends. Bien entendu, on a des objectifs et une ligne éditoriale : c’est de traiter l’information avec qualité et professionnalisme en donnant la parole à tout le monde, c’est-à-dire à la majorité, l’opposition et la société civile. Et pour l’instant je ne pense pas qu’on ait empêché quelqu’un de parler sur Burkina Info.

Lefaso.net : Quelles sont vos relations avec M. Dandjinou actuellement ?

I.O : Nos relations sont bonnes. Rémis Dandjinou fait partie des actionnaires de Burkina Info. Lui et moi pouvons passer deux semaines sans nous parler. C’est la preuve qu’il est préoccupé par ses obligations au ministère de la communication. Je n’ai vraiment pas de problème avec lui. Quand il y a des urgences, un coup de fil et c’est bon. Dandjinou ne s’immisce pas du tout dans le traitement de l’info à Burkina Info.

Lefaso.net : Burkina Info prend de plus en plus part aux missions officielles à l’étranger. Les confrères vous titillent en disant que la télévision est devenue la RTB 3. Que répondez-vous à cela ?

I.O : Ce sont mes journalistes qui me remontent l’information. C’est trop facile de dire de telles choses. Burkina Info participe aux missions officielles ! Vous parlez de quelles missions ? La seule et unique fois que nous avons voyagé avec le président Roch Marc Christian Kaboré depuis qu’il est au pouvoir, c’était en Arabie Saoudite. Et là, c’est de façon tournante que nous avons été associés au même titre que tout le monde. Nous couvrons les activités de la Présidence comme tous les organes de presse. C’est un procès d’intention qu’on nous fait. On ne pourra jamais enlever cette image de Rémis Dandjinou qui colle à la télé… Je prends ça sous le coup de la plaisanterie entre confrères. Nous ne sommes pas la RTB 3, c’est sûr, mais nous ne sommes pas non plus une télé qui ne contribue pas au développement.

Lefaso.net : Parlez-nous un peu de l’émission de Burkina Info sur le bouquet Canal+, ce projet qui vous était si cher et qui est désormais une réalité.

I.O  : Nous sommes une télé TNT (Télévision numérique terrestre, ndlr). Burkina Info est une télé échantillon d’un processus. Nous sommes la seule et unique télé qui n’émet pas en clair, c’est-à-dire qui n’émet pas avec les antennes locales. Il faut impérativement un décodeur pour recevoir nos programmes. C’est un défi que les actionnaires de la télé se sont lancé et que nous sommes en train de relever avec difficultés, nous le reconnaissons. Nous sommes en train de discuter, de négocier pour qu’on nous maintienne sur le numéro (fréquence 99, ndlr). S’il y a lieu qu’on nous classe dans la même logique que les chaines d’informations un peu partout dans le monde, nous serons également partants. Ce que je peux dire déjà, c’est que c’est un ouf de soulagement pour nous de savoir qu’on peut nous recevoir sur le bouquet Canal+. Beaucoup de gens nous suivent actuellement et c’est un bon retour qu’on a. Ce n’était pas gagné d’avance et aujourd’hui nous en sommes comblés.

Lefaso.net : Quels sont vos ambitions pour la télévision ?

I.O : Nous comptons travailler davantage à faire de Burkina Info la meilleure chaine d’informations qui puisse exister à partir du Burkina Faso. Si Burkina Info réalise ses missions, c’est l’image du pays que nous sommes en train de vendre. Quand on parle de France24, tout le monde voit l’image de la France. Notre télé se veut ambassadrice du pays des hommes intègres. Nous souhaitons avoir le soutien de toute la population. Je le reconnais, ce n’est pas facile de faire que de l’information. Tout ce que vous voyez sur notre chaine, ce sont des programmes purement burkinabè que nous produisons nous-mêmes. Nous avons une cellule qui s’occupe aujourd’hui des grandes actualités ; ce sont des reportages de 26mn, de 13mn. Vous avez également des émissions phares qu’on travaille à enrichir, des analyses qui ne font pas forcément l’unanimité, j’en conviens. Personne n’a le monopole de la vérité. Chacun apporte sa touche et je pense que si on s’inscrit dans la critique constructive, on ne peut réaliser que de grandes choses.

Lefaso.net : Votre poste sera-t-il menacé après le départ de Rémis Dandjinou du ministère de la communication ?

I.O : Je ne pense pas. Vous savez, je ne m’accroche à rien du tout. Si Rémis Dandjinou revient demain à Burkina Info, il pourra reprendre sa place et moi je continuerai ailleurs ou je peux rester même dans la maison. Je ne fais pas de la fixation sur un bureau. La preuve c’est que je ne tombe pas du néant. J’occupais un poste de responsabilité à Ouaga FM avant de partir. Je vais vous raconter cette anecdote. Quand les gens viennent me voir, ils disent que mon bureau est joli et bien équipé. Je leur réponds en leur faisant remarquer que c’est juste un poste passager que j’occupe. Ce n’est pas mon entreprise et j’ai été appelé pour venir jouer ma partition. J’espère le faire comme cela se doit mais le jour où je serai appelé à faire valoir mes compétences ailleurs, je m’en irai. Quant à Rémis Dandjinou, ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, je ne peux que lui souhaiter bonne chance.

Lefaso.net : Quel regard portez-vous sur la presse burkinabè ?

I.O : Je pense que la presse burkinabè a gagné en maturité. Je me rappelle quand on faisait les débats notamment sur la télévision BF1 et Ouaga FM, ils n’étaient pas nombreux les médias qui acceptaient critiquer le régime de Blaise Compaoré. Quand il s’agissait de parler du RSP (Régiment de sécurité présidentielle, ndlr) par exemple, ils n’étaient pas nombreux ces journalistes qui partaient s’asseoir sur des plateaux de télévision pour le faire. La presse a contribué à l’éveil des consciences et si on a fait partir Blaise Compaoré qui a voulu tripatouiller la Constitution, c’est en grande partie grâce à la presse burkinabè. Elle a beaucoup travaillé et elle continue de le faire. Souvent quand les gens sont victimes d’injustice, ils préfèrent approcher les journalistes en premier lieu plutôt que de passer par les procédures normales. La presse burkinabè est un outil très précieux qu’il faut préserver.

Lefaso.net : Un dernier mot

I.O : Je voudrais au terme de cet entretien dire merci à votre journal qui nous ouvre ses colonnes. Je n’oublie pas les téléspectateurs, les partenaires et le personnel jeune et dynamique de Burkina Info. Je voudrais faire une mention spéciale aux actionnaires de la télé qui ont cru qu’à partir du Burkina Faso, on peut créer une chaine pour dominer le monde entier à travers les informations. Je demande à la population également de continuer à nous aider à travers leurs critiques. Car si Burkina Info grandit, c’est toute la nation burkinabè qui grandira avec elle. Notre nation sera une grande nation si nous voulons qu’elle le soit. Nous serons un grand pays si nous y croyons et c’est ensemble que nous allons construire le Burkina Faso.

Entretien réalisé par Herman Frédéric Bassolé
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