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Le Burkina va-t-il vers l’ingouvernabilité ?

Publié le lundi 27 juin 2016 à 00h40min

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Le Burkina va-t-il vers l’ingouvernabilité ?

Après Boudiéri dans la Tapoa, c’était au tour de Ouagadougou, la capitale, où les populations du quartier Zongo sont entrés dans un affrontement sanglant et incendiaire contre les groupes d’auto-défense Koglwéogo. La scène était horrible, indigne d’un Etat civilisé et le bilan lourd.

Ce que nous redoutions dans notre précédente publication semble être déjà dans nos murs. D’autres affrontements seraient même encore à craindre entre Pro et Anti Koglwéogo à en croire les échos du pays. Et ces deux localités pourraient être considérées comme des zones de déclic de cette aventure de très haute dangerosité. Ce schéma de confrontation aboutira à la constitution certaine des groupes de non alignés qui ne seront ni pro ni anti koglwéogo comme il en existe partout.

Les ardeurs étant humainement incontrôlables en pareilles situations, il faut redouter des radicalisations très profondes dans chacun des camps. Cela conduira inévitablement à une démultiplication à l’interne de tous les groupes en sous-groupes. On distinguerait alors entre Koglwéogo radical et modéré, entre Anti Koglwéogo radical et modéré. Cette complication débouchera en toute logique sur des rivalités et querelles de toutes sortes, notamment de leadership, où des membres influents de chacun des sous-groupes voudraient s’affirmer, s’émanciper et ainsi prendre son autonomie. Ce serait la fragmentation amorcée.

A l’instar des groupes terroristes, on aboutira à des cellules mobilisées et regroupées de part et d’autre autour de guides, de chefs spirituels ou charismatiques. Cette étape sera celle où l’on parlera par exemple des Koglwéogo de Django, de Dongo, de Dougi ou des Anti Koglwéogo de Bongo, de Bougo ou de Baga. La nation ainsi balkanisée, elle tomberait tout simplement dans l’ingouvernabilité, encore si nation il y aura. Les appétits de l’humain étant insaisissables et insatiables, l’on ne s’étonnerait pas que des sous-groupes ou cellules glissent vers des revendications sécessionnistes, indépendantistes ou de rattachement au pays voisin.

Nous pourrions avoir tort d’écarter à l’absolu cette hypothèse car en général, les mouvements sécessionnistes ont l’art très pointu, d’embarquer les populations à leur suite en instrumentalisant leurs conditions de vie. Et lorsque dans une localité des populations dorment et se réveillent avec le sentiment d’avoir été oubliées, abandonnées, négligées, méprisées par l’Etat, c’est la porte ouverte à toutes sortes d’instrumentalisation. Le si proche Nord Mali est d’ailleurs un excellent cas d’école.

Cette ingouvernabilité au sommet pouvant naître de la crise des Koglwéogo pourrait d’ailleurs s’aggraver d’une ingouvernabilité à la base : l’instabilité et la déchirure très probables au sein de nombreux exécutifs communaux dont la mise en place s’est déroulée dans le feu et le sang, laissant derrière elle des stigmates encore vivaces et des rancœurs féroces. Notre survie collective est engagée et les plus hautes autorités de la Nation interpellées ardemment.

Arnaud Maré

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