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Intronisation des koglwéogo dans des mosquées : Gare aux amalgames !

Opinion

Publié le mercredi 8 juin 2016 à 23h30min

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Intronisation des koglwéogo dans des mosquées : Gare aux amalgames !

Le Burkina Faso connait depuis un certain temps la recrudescence de groupes d’auto défense communément appelés koglweogo. Certaines de leurs pratiques sont décriées alors que ces derniers prétendent apporter leur soutien aux populations victimes d’actes de terrorisme et de braquage perpétrés ça et là. La majorité de leur intronisation se passe dans des mosquées souvent soutenue par la bénédiction des responsables religieux. Quelle lecture islamique faut-il faire de cette immixtion des imams dans ces groupes d’auto-défense ?

L’islam est une religion qui a des principes assez clairs dont le but est d’apporter la flamme de la guidance aux peuples afin que dans chaque famille illumine la stabilité, la sérénité, l’amour et la collaboration de tous les membres de la société. Malheureusement le comportement de certains leaders est aux antipodes des principes de l’islam et l’expose ainsi à des critiques acerbes.

Les sévices des groupes d’auto-défense dénommés koglweogo défraient la chronique ces derniers temps. L’islam, religion qui recommande le bien et interdit le blâmable est pointé du doigt et cela se justifie par l’implication de certains imams dans leur intronisation. Au cours de ces cérémonies, des versets du coran sont récités dans les mosquées et des bénédictions sont faites par ces responsables religieux.

Loin de porter un jugement critique des koglweogo, il s’agit ici d’apporter un éclairage de l’application des principes de l’islam souvent incompris ou mal interprétés. En effet, la loi canonique de l’islam contenue dans le coran est considérée comme le fil conducteur de la vie de tout musulman. Il ne s’agit pas seulement des sanctions pénales mais un ensemble de normes à respecter. En principe, chaque membre de la société incriminé d’un comportement malveillant est susceptible de peine et cette règle n’est pas seulement l’apanage des religions révélées. Presque toutes les sociétés disposent de ces sanctions en cas de dérive aux normes sociales.

S’agissant de l’islam, il n’appartient pas à un individu ou groupes d’individus d’appliquer une sanction quelconque à un contrevenant. Dans une société multiculturelle ou laïque, il est absurde et même impensable de vouloir placer une religion ou une forme de spiritualité comme norme sociale. En ce sens que pour former une société, il faut mettre en place ce qui rassemble et non ce qui divise.

Beaucoup de fidèles musulmans ne connaissent de l’Islam que le grand boubou au bonnet blanc, la polygamie, le maraboutage, la mendicité…

Il est donc du devoir des musulmans de se départir de toute pratique incompatible avec la religion. Quand on est élu responsable d’une communauté, on tente tant bien que mal de se conformer aux principes et aux exigences de cette communauté. Le responsable religieux en particulier est censé être un guide, une référence et ses actes sont vus par ses adeptes comme un enseignement religieux. La sanction pénale infligée au vol remplit des conditions. Ligoter un présumé voleur, le châtier à coups de fouet, badigeonner ses blessures d’un mélange de piment et de potasse jusqu’à ce qu’il reconnaisse son forfait de vol et l’accabler d’une forte amende (15500F pour la valeur d’un œuf, 155 000F pour les petits ruminants et 310 000F pour les gros ruminants) est loin d’être une prescription de l’islam. Pourquoi alors cautionner de telles pratiques en les accompagnant de lecture coranique et de bénédictions ?

L’islam en Afrique et précisément au Burkina s’est laissé emporter par la tradition à telle enseigne que le profane n’arrive plus à faire la part des choses entre pratiques traditionnelles et religieuses. Cette amalgame ternit l’image de l’islam et plonge beaucoup de croyants dans des actes d’associationnisme et d’incroyance. Il est écœurant de voir certaines valeurs islamiques se désagréger dans nos sociétés. Au lieu de lutter pour un islam radieux et prospère, certains leaders religieux s’adonnent à des pratiques qui, le plus souvent sont aux antipodes des principes islamiques. C’est cet état de fait qui a amené Roger Garaudy à remercier Dieu pour avoir connu l’islam avant de connaître les musulmans. S’il avait connu d’abord les musulmans il ne serait pas musulman, a-t-il ajouté. Il est alors impérieux aux musulmans, bénéficiaires de ce trésor de rectifier le tir et de lever toute équivoque sur certains de ces principes qui sont interprétés à tort et à travers. Cela se justifie du fait que beaucoup de fidèles musulmans baignent dans l’ignorance et ne connaissent de l’Islam que le grand boubou au bonnet blanc, la polygamie, le maraboutage, la mendicité…

A l’heure où les musulmans accueillent le mois de ramadan, il est temps de rappeler que l’islam est une religion qui dispose en son sein d’un ensemble de règles et de principes que tout fidèle doit observer pour développer sa santé physique, mentale et morale. L’islam n’a pas seulement pour but la recherche de la vie éternelle mais permet aux hommes de vivre en parfaite harmonie. Les savants, les responsables religieux sont les locomotives pour véhiculer les valeurs de l’islam et éclairer les lanternes de tous ceux qui sombrent dans l’obscurantisme. Ils doivent à ce titre se démarquer de toute pratique contraire aux valeurs intrinsèques de l’islam ; c’est ainsi qu’ils pourront préserver l’islam de toutes souillures qui sont de nature à le discréditer.
Bon début de ramadan à tous les musulmans.

Karim KABORE
Intendant au Lycée Départemental de Poura-Mine
abdoulkaka@yahoo.fr

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