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Issouf Toé, promoteur immobilier à Bobo-Dioulasso : « Tout est à refaire dans le domaine… »

Publié le vendredi 8 avril 2016 à 00h00min

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Issouf Toé, promoteur immobilier à Bobo-Dioulasso : « Tout est à refaire dans le domaine… »

L’immobilier est un secteur qui bouge. Et Issouf Toé s’y investit depuis 2012. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il nous parle de son expérience, des difficultés, et des perspectives à même de booster davantage le secteur au Burkina. Lisez plutôt !

Lefaso.net : Présentez-vous à nos lecteurs

Je suis Issouf Toé, promoteur du bureau immobilier Dasco Group (Dadou Service and Consulting). Dadou est le nom de mon père à qui je tiens à rendre hommage. Il est mort à son âge d’or.

Lefaso.net : Vous êtes comptable de formation, pourquoi avoir plutôt choisi l’immobilier ?

L’idée d’intervenir dans l’immobilier est née suite aux différents problèmes que rencontrent les burkinabè de la diaspora qui veulent investir au pays pour qu’à leur retour ils puissent avoir un toit où mettre la tête. Très souvent malheureusement, les fonds d’investissement sont confiés aux parents qui les gèrent de façon très archaïque. C’est donc pour palier à ce vide que l’ambition est née. L’objectif est donc d’aider la diaspora burkinabè à suivre ses biens déjà existants au pays et enfin proposer un plan saint d’investissement et un modèle de suivi moderne. Nous aidons aussi ceux qui résident au pays.

Depuis quand est-ce que vous exercez dans ce domaine ?

Nous intervenons dans ce domaine depuis septembre 2012

L’immobilier semble être un domaine pas vraiment organisé. Comment est-ce que vous fonctionnez ?

Il faut d’abord savoir qu’en matière de services immobiliers, on rencontre généralement les agences immobilières et les administrateurs de biens. Les premières sont les agences purement commerciales, en ce sens qu’elles exercent principalement des activités de transaction et de location. Les secondes sont de véritables agences de services immobiliers, car elles s’occupent de la gestion du patrimoine d’autrui. L’immobilier permet également d’accéder à plus de 15 métiers différents, de la gestion location à la vente de neuf, en passant par l’immobilier commercial, la transaction ou la location. Par ailleurs, au sein d’une agence, nombre de profils se côtoient, du gérant, en passant par le directeur, le conseiller en vente, et l’assistante etc. Maintenant pour revenir à votre question ces éléments ne sont pas couverts par des lois précises au Burkina Faso. C’est ce qui fait que les intervenants dans ce milieu confondent tout et alors sèment la désolation totale. Un domaine aussi très important qui n’est pas couvert par des textes règlementaires fonctionne très difficilement. On se retrouve avec des impayés des loyers, de l’eau et d’électricité. En plus de cela on se retrouve avec des maisons inhabitables (sales, matériels installés dans les toilettes et cuisines inutilisables, les murs perforés, portes sans clés) à la sortie du locataire. Souvent le bailleur réinvestit l’argent qu’il a récupéré comme loyer pour la réparation afin de pouvoir remettre en location.

Est-ce un métier qui nourrit son homme ?

L’immobilier nourrit son homme. Ce serait encore intéressant si ce domaine était règlementé par une loi très ferme. Par exemple, avoir un code de l’urbanisme clair qui complète la loi domaniale et foncière qui reste aussi à adapter au concept actuel. Le secteur de l’immobilier est spécifique, en ce qu’il est toujours porteur. Le logement est un bien de première nécessité. Nos clients sont, et seront toujours en recherche de logement, que ce soit dans le cadre d’une mutation, d’un projet d’acquisition, de location d’une première installation. Même en temps de crise, notre secteur est protégé par un marché toujours actif. Mais nous avions besoin d’être couverts par des textes.

Quelles sont les difficultés ?

Vous n’êtes pas sans savoir que les difficultés sont énormes du moment que les locataires savent qu’ils peuvent consommer l’électricité et l’eau et sortir laisser toutes les factures à la charge du bailleur, qu’ils ne peuvent pas être expulsés dans des délais raisonnables à cause de la procédure judiciaire très lente. Même s’ils accusent des retards de paiement de deux à trois mois. Ce n’est pas que comme la Sonabel et/ou l’Onea ou si le délai de règlement est dépassé la pénalité est automatique, ou au pire, la suspension. Ce n’est pas non plus comme le prêt bancaire ou la peine est automatique. L’administration oublie souvent que le paiement du loyer est égal au règlement dans le délai des engagements auprès des institutions financières.

Comment le métier se présente particulièrement à Bobo-Dioulasso ?

Il faut d’abord savoir que les intervenants des professions immobilières assurent des activités de conseil et d’intermédiaire auprès de ces différents interlocuteurs dans le cadre de leur fonction. Le métier est très complexe du moment où les intervenants dans ce métier n’ont pas une formation de base solide.

Si vous devez faire des propositions, ce seraient lesquelles pour une bonne organisation du domaine ?

Tout est à refaire dans ce domaine. Par exemple il faut que les intervenants dans le domaine immobilier aient la connaissance des termes juridiques propres à l’immobilier qui aborde les thèmes comme le patrimoine, les droits patrimoniaux et extra patrimoniaux, les biens meubles et immeubles, le droit des biens et le droit de la propriété et de ces démembrements.

La mise en place d’un code de l’urbanisme adapté à nos réalités, l’instauration d’un certificat d’urbanisme et la réinstauration du permis de construire. Il faut réadapter les prix des loyers en fonction des salaires. Comment peut-on, par exemple, imaginer un fonctionnaire qui a un salaire de FCFA 80 000 et loge dans une maison de 30 000 FCFA à Ouagadougou. Il n’a pas le choix que d’être corruptible. C’est pourquoi il est nécessaire de dresser un fichier de tous les bâtiments respectant les normes standards de la construction.

Il reviendra à l’INSD de publier le nombre total de logements au Burkina pour enfin connaître les besoins futurs en nombre de logements dans les cinq années à venir. Ce qui permettra aux autorités de connaître exactement le nombre de logements en location. Il faudra, en outre, rendre publics dans les délais raisonnables tous les textes amandés par le parlement. La création d’une carte professionnelle et d’un code éthique de l’immobilier est aussi importante. Pourquoi pas reprendre le plan d’urbanisation du Burkina Faso pour éviter les lotissements. Sinon quelles sont les terres que vont cultiver nos enfants dans les quinze ans ?

Y-a-t-il des perspectives ?

Avec les nouvelles autorités auxquelles je fais confiance, il peut y avoir des perspectives comme la relecture de la loi foncière et domaniale, l’encadrement des intervenants dans le milieu de l’immobilier, la tenue d’un fichier des logements par ville et village, qui pourra aboutir à la création d’un carnet numérique de suivi et d’entretien qui peut être imposé à tout logement neuf dès 2017. Des réflexions sont à engager rapidement pour préciser le contenu et son alimentation à savoir les plans descriptifs des ouvrages et équipements, notices de fonctionnement et d’entretien, le tout pouvant ou non être attaché à une maquette numérique… d’autant plus qu’on parle maintenant de construction numérique. En somme il faudra faire de l’immobilier un moteur de développement économique et créateur d’emplois.

Un message pour terminer ?

Je voudrais féliciter et encourager les nouvelles autorités de ce pays. Je réitère mon souhait qui porte sur la réorganisation du secteur immobilier, qui permettra la création d’emplois supplémentaires pour au moins 500 personnes par an et contribuera pour 6 ou 7 % du PIB. Du reste au regard des nombreuses difficultés que rencontrent les intervenants dans l’immobilier, il sera nécessaire d’organiser une large concertation avec des représentants de l’ensemble des acteurs. Je suis sûr qu’il va ressortir un souhait commun de réorganiser la filière sous l’égide de l’Etat.

Propos recueillis par Bassératou KINDO
Lefaso.net

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