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Attaque de djihadistes présumés à Samorogouan : Vigilance oui, panique ou paranoïa non !

Publié le dimanche 18 octobre 2015 à 13h30min

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Attaque de djihadistes présumés à Samorogouan : Vigilance oui, panique ou paranoïa non !

Une date a enfin été trouvée pour la tenue des élections présidentielle et législatives. Ce sera probablement le 29 novembre prochain. Un report de 07 semaines si l’on considère la date du 11 octobre initialement retenue. La faute au coup d’Etat avorté du 17 septembre et « des menaces sécuritaires sur le pays. » soutient le gouvernement. En effet, prenant l’exemple de l’attaque contre la gendarmerie de Samorogouan, le président Michel Kafando parle d’ « une certitude que des actions isolées sont programmées ». Certitude ou paranoïa ?

Il est de bon ton, quand la nation est en deuil, durement frappée comme le Burkina ces derniers temps, de taire toute critique à l’égard des autorités gouvernementales, pour participer à l’élan de solidarité nationale en faveur de la paix et de la sécurité pour tous. C’est un devoir citoyen et patriotique auquel nous souscrivons.

Cependant, la nation a plus que besoin de nos larmes et de nos complaintes amères, conjuguées en sentimentalisme sans bornes. Pleurons nos morts sans laisser les larmes nous oblitérer la vue ! Soyons solidaires dans l’épreuve sans donner un blanc seing au gouvernement dans son opération de com sur la collusion entre putschistes et djihadistes et le péril terroriste auquel le Burkina serait exposé. Oui à l’appel à la vigilance sans céder à la panique ou à la psychose du péril omniprésent.

A ce propos, il faut se féliciter que les habitants de Tenasso, village situé à 12 kilomètre de Samorogouan où a eu lieu l’attaque des présumés djihadistes, aient découvert une cache d’explosifs qu’elles se sont empressées d’indiquer aux forces de défense et de sécurité. A contrario, on n’est surpris que des citoyens burkinabè notamment le nommé El Hadj Gonka, aient offert gîte et couvert aux étrangers qui se sont révélés plus tard être les assaillants dans l’attaque du 09 octobre. Cet El Hadj a-t-il hébergé les présumés djihadistes en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en complice actif, ou s’est –il laissé abusé par un naïf épanchement de solidarité débonnaire à l’africaine ? Par ailleurs, pourquoi la gendarmerie n’a-t-elle pas tout de suite conduit cet El Hadj Gonka en lieu sûr une fois qu’il a été arrêté après l’enlèvement de trois éleveurs le 5 octobre dernier dont il se serait rendu complice ? Le garder à Samorogouan a été de la part de la gendarmerie, une imprudence qui a été payé trop chère par les attaques meurtrières que l’on connait.

Au-delà de cette imprudence de la gendarmerie de Samorogouan, il faut stigmatiser par un crie d’alarme, le dilettantiste du gouvernement dans sa réponse aux attaques de présumés terroristes que connait le Burkina depuis bientôt un an. Tambao, Déou, Oursi, Samorogouan, la liste des localités attaquées par des individus non identifiés s’allonge de façon inquiétante.

Face à la dernière attaque, l’exécutif s’est fendu d’un communiqué laconique rejetant la responsabilité de ses attaques sur les putschistes du 17 septembre. « Le gouvernement rappelle qu’au plus fort de la crise, il avait attiré l’attention des populations sur la mobilisation de forces étrangères et de djihadistes que les putschistes avaient appelés à la rescousse, pour la réalisation de leur funeste dessein, celui de sacrifier l’avenir de notre pays sur l’autel de leurs intérêts égoïstes. Tous les renseignements obtenus laissent penser à la continuité du plan de déstabilisation des institutions de la Transition fomenté par les putschistes », affirme le communiqué officiel du gouvernement. On veut bien y croire à cette thèse de la collusion entre putschistes et djihadistes présumés. Le hic, c’est que le gouvernement en parle sans donner le moindre début de preuve. Où sont donc « tous les renseignements obtenus » dont parle le gouvernement ? Et pourquoi donc les putschistes arrêtés et emprisonnés, en attente de leurs procès, leurs complices attaqueraient des postes de gendarmerie au risque de mettre les vies de leurs commanditaires en danger ou tout le moins à aggraver les charges qui pèsent contre eux devant les juridictions compétentes ? Cela ne relève d’aucune stratégie, militaire ou politique, cohérente. Et comment les djihadistes, réputés de connivence avec les putschistes pensent-ils continuer leur « plan de déstabilisation des institutions de la Transition » en s’attaquant à la périphérie de l’appareil sécuritaire de l’Etat, une caserne de gendarmerie à mille lieux de la capitale où sont le cœur et les poumons du pouvoir ? Si ces présumés djihadistes sont de mèche avec les putschistes, il faut croire qu’ils manquent d’audace et de cohérence stratégique. Mais enfin, attendons de voir.

Pour le moment, bien d’observateurs restent incrédules devant l’acharnement du gouvernement à trouver un lien entre putschistes et djihadistes. Au demeurant, le communiqué du chef d’Etat major général des armées sur cette affaire est plus nuancé, plus professionnel et plus crédible qui parle « d’hommes armés non encore identifiés venant des frontières ouest du Burkina ». A l’opposé, celui du gouvernement sens à plein nez, la com. pas loin du mensonge, pardon de la complainte d’Etat. L’Etat victime d’une conspiration internationale. N’est-ce pas qu’à l’heure où l’Etat islamique et ses tentacules donnent des insomnies à tous les services de sécurité des pays du monde entier, il fait bien pour un gouvernement de s’inscrire sur la liste des victimes des « forces du mal » ?

A supposer même qu’il en soit ainsi, on appellera le gouvernement de Michel Kafando à se laver lui-même la face en attendant que la communauté internationale lui lave le dos. Hélas, force est de reconnaitre qu’avant la tentative de putsch de septembre dernier, l’enlèvement d’un Roumain à Tambao, l’attaque du poste de douane de Déou et de la gendarmerie d’Oursi, ont donné lieu à une réaction timide de la part des autorités de la transition ! Les auteurs de ses attaques meurtrières courent toujours et le gouvernement fait motus et bouche cousue sur les enquêtes qui ont apparemment fait chou blanc. Pour l’attaque de la gendarmerie de Samorogouan, on attend de la part de nos forces de défense et de sécurité, plus de professionnalisme dans les enquêtes.

Derbié Terence Somé

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