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Pr Mamoudou H. DICKO, vice-président de la NAFA : « Djibril Bassolé est l’homme qu’il faut à l’instant T pour le Burkina »

Publié le vendredi 27 février 2015 à 23h14min

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Pr Mamoudou H. DICKO, vice-président de la NAFA : « Djibril Bassolé est l’homme qu’il faut à l’instant T pour le Burkina »

Professeur titulaire de biochimie à l’université de Ouagadougou, Mamoudou Hama Dicko est un ancien député du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Il serait l’un des rares parlementaires membres de l’ex-parti majoritaire à s’être opposé « en interne » au projet de modification de l’article 37 de la constitution. Ce qui lui valut d’être considéré comme un indiscipliné. Depuis le 20 janvier 2015, il a rendu sa démission du CDP, pour créer, avec d’autres camarades, un nouveau parti politique, la NAFA (Nouvelle alliance du Faso). Au cours de l’entretien qu’il nous a accordé le 24 février, Mamoudou Dicko revient brièvement sur son intention de vote du 30 octobre. Il parle aussi de la probable candidature du général Djibril Bassolé pour l’élection présidentielle d’octobre 2015. Une candidature que son nouveau parti appelle de tous ses vœux.

Lefaso.net : Vous êtes un ancien député du CDP, comment avez-vous vécu les évènements des 30 et 31 octobre 2014 ?

Mamoudou H. Dicko : Je ne voudrais pas revenir sur les évènements parce qu’actuellement nous sommes au stade de la réconciliation et nous pensons aux élections à venir qui me semblent prioritaires.

Lefaso.net : Il se dit que vous aviez décidé de voter contre le projet de loi sur la modification de l’article 37, vous confirmez ?

Mamoudou H. Dicko : Il faut rappeler que du point de vue de la constitution, en son article 85, tout mandat impératif est nul. Le deuxième alinéa dit également que le député qui quitte sa formation politique perd son siège. La non-impérativité du mandat veut dire que le député est libre de voter selon sa conviction, indépendamment de la volonté de son parti, de sa région ou de sa formation politique. Cette disposition de la constitution est très importante. C’est pour cela, que beaucoup ont estimé ou pensé que les députés étaient dépendants d’une volonté unique, alors que la constitution garantit cette liberté. Et même plus, le vote est confidentiel. Pour ce qui concerne la modification de la constitution, le vote est obligatoirement à bulletin secret. C’est pour cela que beaucoup de députés, pour des raisons de sécurité ou pour des raisons du respect de la confidentialité du vote, n’étaient pas obligés de donner leurs intentions de vote pour la révision.
Personnellement, j’ai eu l’opportunité de donner cette intention à un journaliste de l’Observateur qui est venu m’interroger à l’hôtel très tard vers 1 h du matin. Je lui ai dit ce que je pensais et conformément à mes convictions, je voterai contre.

Lefaso.net : Vous vous êtes confié à un journaliste la veille de l’élection, est-ce que votre famille politique avait connaissance de votre intention de vote ?

Mamoudou H. Dicko : J’avais parlé de ça le 08 septembre 2014 au cours d’une rencontre en interne au sein du groupe parlementaire. Je préfère aussi que d’autres fassent ce témoignage sur ce que j’ai dit dans le groupe au lieu que ce soit moi-même qui le répète ici.

En l’occurrence, le président de l’Assemblée nationale, monsieur Soungalo Apollinaire Ouattara pourrait témoigner. Après ma déclaration dans le groupe en interne, j’ai eu un entretien en privé avec lui le 09 septembre. Dans son bureau, je lui ai dit personnellement ce que je pensais de la situation. Je pense que son témoignage en ce qui me concerne sera plus valeureux que moi-même. Mais, aujourd’hui, ce qui me tient surtout à cœur, c’est le pardon. Je n’ai de rancune envers personne et je pardonne à tous ceux qui ont eu des exactions contre moi par rapport à mes intentions de vote.

Lefaso.net : Vous avez démissionné du CDP, quelles sont les raisons qui expliquent votre départ de l’ex-parti majoritaire ?

Mamoudou H. Dicko : Je n’ai pas voulu publier ma lettre de démission du CDP. J’ai écrit une lettre aux premiers responsables du parti dans laquelle, j’ai décliné les raisons pour lesquelles j’ai quitté le parti. Entre autres, je pense que le parti, malgré ce qui s’est passé, certains caciques n’ont pas voulu se retirer et laisser la place à une nouvelle génération. Il y a aussi le fait qu’après la crise on n’a jamais eu une réunion du groupe des anciens députés si ce n’est le vendredi 16 janvier. A l’époque, j’ai dit en interne à la réunion du 16 janvier que j’ai déploré le fait qu’on n’a même pas fait cas des problèmes sociaux des députés. Le directoire qui a été mis en place n’a pas requis l’assentiment et l’aval du bureau politique national.
Mais, je peux rassurer que nous avons de très bons rapports sociaux avec les amis qui sont restés au CDP. Je respecte aussi leur choix. Nous sommes un groupe d’anciens députés de l’ex-majorité et des gens de la société civile qui ne s’intéressaient pas forcément à la politique qui avons décidé de créer un nouveau parti.

Lefaso.net : Que répondez-vous à ceux qui disent que c’est parce que la vache à lait n’est plus là que vous quittez le parti ?

Mamoudou H. Dicko : Contrairement à ce que les gens pensent, il n’y a jamais eu de vache à lait en ce qui me concerne. J’ai personnellement dirigé deux campagnes, celles de 2010 et de 2012 au niveau provincial et je sais qu’il faut se battre pour se faire élire. Ce n’est pas du donner.
Du reste, je viens d’un endroit où c’est un laboratoire de science politique puisque nous étions dans une opposition à Dori, dans la province du Séno. Là-bas, la majorité locale, c’était le PDS/Metba. Donc, on ne peut pas parler d’une vache laitière à l’époque. Nous n’étions pas dans une situation de sinécure sur le plan politique. Il faut respecter ça aussi parce que ça veut dire qu’il y a eu quelques aspects démocratiques même si tout le monde n’est pas satisfait de la démocratie au Burkina. Mais, il y a eu des localités où je peux témoigner qu’il y avait la démocratie telle que la province du Séno et particulièrement dans la ville de Dori où Arba Diallo était député-maire. Lui-même était un ex-collaborateur de Blaise Compaoré puisqu’il a été son ambassadeur à Pékin. Après la mort de Sankara en 1987, Arba Diallo faisait partie des révolutionnaires qui ont accepté d’accompagner le front populaire.

Lefaso.net : Après votre départ du CDP, vous avez créé, avec d’autres camarades, la NAFA (Nouvelle alliance du Faso), que propose ce nouveau venu sur l’échiquier politique nationale burkinabè ?

Mamoudou H. Dicko : Au niveau de la NAFA, nous allons évoluer positivement en tenant compte des expériences du passé, des succès et des échecs pour construire un Burkina avec une nouvelle vision.
Les innovations qu’on peut constater à la NAFA, c’est déjà au niveau de la composition du bureau exécutif, on a environ 38% de jeunes et 30% de femmes. Nous sommes presque tous des trentenaires ou des quadragénaires. La seconde innovation au niveau de la composition, c’est qu’il n’y a pas que des anciens politiciens. Il y a aussi des gens de la société civile qui ont voulu mener des activités politiques.
Au niveau de la ligne idéologique, c’est la social-démocratie, qui est un modèle de démocratie représentative qui se situe, dans ses principes, entre le régime des « républiques socialistes » et celui de la « démocratie libérale ». La démocratie parlementaire et la démocratie sociale sont deux principes de fonctionnement complémentaires de la social-démocratie. Au vu de ce qui s’est passé dans notre pays, l’une de nos actions prioritaires va concerner la justice au Burkina. Il y a aussi le développement endogène avec la valorisation de l’agriculture pour assurer la sécurité alimentaire. Nous allons aussi mettre l’accent sur les TIC et l’innovation scientifique, nous allons œuvrer pour une meilleure répartition des richesses, mettre l’accent sur l’emploi et l’employabilité des jeunes…

Lefaso.net : Allez-vous présenter un candidat aux élections présidentielles de 2015 ?

Mamoudou H. Dicko : Nous avons un candidat et cela n’est qu’un secret de Polichinelle. Notre candidat, nous espérons qu’il va accepter, sera son excellence El Hadj Djibril Yipènè Bassolé. Nous serons très fiers d’évoluer avec lui. Je tiens beaucoup à ce mot « évolution » parce que c’est aller positivement en tenant compte des échecs et des succès du passé pour un meilleur bien-être des Burkinabè. C’est aussi pour la paix, la sécurité, le respect mutuel et la revalorisation de la notion d’Etat, du patriotisme et de la citoyenneté. Il faut rétablir l’autorité de l’Etat, et aller positivement vers une certaine réconciliation. On ne peut pas passer tout son temps à parler du passé sans évoluer. Il faut également laisser la justice faire son travail.

Lefaso.net : Votre candidat est un militaire et depuis 1966, le Burkina est dirigé par des militaires, ne pensez-vous pas qu’il est temps pour un président civil ?

Mamoudou H. Dicko : Les militaires sont des anciens civils et les militaires sont des futurs civils. Ils émanent de la société, ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les autres membres de la société. On les appelle militaires par rapport aux missions qui leur ont été assignées par l’Etat, c’est tout. C’est comme si tu dis le médecin, le pharmacien, le juriste, l’enseignant, c’est par rapport aux missions qui lui ont été assignées par la société. Ils font partie intégrante de la société. Et le fait qu’un ancien militaire soit élu président, c’est aussi constitutionnel.
La gestion de l’appareil d’Etat n’est pas donnée à n’importe qui. On a besoin d’une certaine expérience, de compétence et surtout de l’autorité. On a aussi besoin d’une confiance à l’échelle internationale. C’est tous ces ensembles qui donnent à l’homme la stature d’homme d’Etat qu’il faut à l’instant T, dans le contexte particulier burkinabè. C’est vrai qu’il était un homme de tenue, mais aussi un juriste, un diplomate avéré. Il a effectué beaucoup de médiations à l’international (OCI, Soudan, Mali, Côte d’Ivoire, Togo, Guinée…). Ce sont des expériences qu’il faut capitaliser. Avec lui, le Burkina pourrait avoir le leadership de la sous-région.
Il est important de tenir compte des enjeux de sécurité, notamment, l’extrémisme religieux, l’insécurité transfrontalière et le grand banditisme. Donc, je pense que El Hadji Djibril Bassolé est un homme qui a une capacité de management politique pour gérer toutes ses questions.

Lefaso.net : Votre parti a-t-il déjà échangé avec les jeunes qui appellent à la candidature de Djibril Bassolé depuis quelques temps ?

Mamoudou H. Dicko : Bien sûr. Nous étions à Dédougou le week-end dernier pour les soutenir. Son excellence El Hadj Djibril Bassolé était aussi à cette rencontre. Je pense que nous sommes dans la même ligne que ces jeunes. Ce matin (24 février) aussi, il y avait des femmes au palais de la culture Jean-Pierre Guingané pour lui demander de répondre favorablement à cet appel.

Lefaso.net : On est maintenant habitué à ces appels de mouvements à la candidature d’une personnalité, n’est-ce pas une instrumentalisation de l’intéressé ?

Mamoudou H. Dicko : Le témoignage que je peux vous faire ici, il n’y a jamais eu de relations privées entre El Hadj Djibril Bassolé et moi. La première fois que je l’ai rencontré dans ma vie, c’est le samedi 17 janvier 2015 vers 12h. J’ai échangé avec lui personnellement pour voir quelles sont ses ambitions dans le futur, quelles sont ses ambitions pour le Burkina. Il m’a convaincu lorsqu’on a échangé. J’ai vu en lui le futur candidat crédible pour la présidentielle de 2015. C’est quelqu’un qui doit accepter d’être candidat.
Je peux témoigner aussi, en toute sincérité, que ce n’est pas lui qui a voulu être candidat. Il y a eu des jeunes, il y a eu des hommes politiques qui ont voulu porter sa candidature. Ce n’est pas quelque chose qu’il a lui-même instrumentalisé. Et je n’étais même pas sûr qu’il allait accepter, n’eut été tout dernièrement, à Dédougou où il a dit qu’il répondra favorablement. Mais, nous sommes très fiers qu’il accepte cette candidature parce que c’est quelqu’un de vraiment présidentiable. Et Inch Allah, nous allons l’accompagner pour qu’il aille à Kossyam.

Lefaso.net : Quel est votre message afin que la transition puisse être conduite à bon terme ?

Mamoudou H. Dicko : Je voudrais exhorter tous les Burkinabè à penser à une réconciliation nationale, à privilégier l’intérêt supérieur de la nation. Que chacun laisse de côté son égo pour penser au futur du Burkina.
La recommandation que je peux faire aux autorités de la transition, c’est d’être vigilantes pour ne pas se laisser embrigader par certains partis politiques ou même des organisations de la société civile qui avaient des agendas cachés. Donc, ils doivent avoir la neutralité politique et donner la chance à tous les Burkinabè d’être élus dans des conditions transparentes et équitables.

Entretien réalisé par Moussa Diallo
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