LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Mieux vaut une tête bien faite qu’une tête bien pleine.” Montaigne

Diaspora : Edouard Sanou, le visage de l’UPC/France

Publié le mardi 2 décembre 2014 à 00h35min

PARTAGER :                          
Diaspora : Edouard Sanou, le visage de l’UPC/France

Chef d’entreprise dans l’informatique installé à Paris, militant de longue date de la société civile, Edouard Sanou a sauté le pas en s’engageant dans un parti politique. Depuis mai 2013, il est le président de l’UPC France. Portrait.

En France, ils ont été les vedettes médiatiques de l’insurrection populaire du 30 octobre dernier au Burkina Faso qui a conduit à la démission du président Blaise Compaoré. Représentants de partis politiques en France, responsables d’associations de la société civile, individus s’intéressant au Burkina, etc., leurs visages et leurs voix sont devenus familiers aux téléspectateurs et auditeurs des chaines de télévision et radios françaises. Parmi eux, Edouard Sanou, président de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), section France, le premier parti de l’opposition burkinabè depuis les élections législatives de décembre 2012 jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale consécutive à l’incendie et à la chute de Blaise Compaoré.

Pondéré dans ses interventions, très courtois, cet ingénieur informaticien avec spécialité gestion, et chef d’entreprise, a la charge depuis le 3 mai 2014 de faire connaitre l’idéologie et le projet de société de l’Union pour le progrès et le changement, et recruter des militants dans la perspective des élections législatives et de l’élection présidentielle de 2015. Malheureusement, pour la deuxième fois, les Burkinabè de l’étranger seront à nouveaux les grands absents des ces consultations. (Nous y reviendrons sur ce scandale républicain qui n’a que trop duré).
C’est dans ses bureaux situés en plein cœur de la Défense, le quartier des affaires, que Edouard Sanou reçoit Lefaso.net. L’entretien, qui a eu lieu avant les évènements de fin octobre, va durer près de deux heures, le temps nécessaire de découvrir l’homme, ses origines familiales, sa formation scolaire et universitaire, son parcours professionnel et ses engagements politiques. Présentation : « Je suis né le 13 octobre 1957 à Bobo-Dioulasso, marié et père de trois enfants qui sont tous ici en France, et j’habite à Conflans-Sainte-Honorine, dans les Yvelines. Mes parents ont eu onze enfants dont un est décédé. J’ai quatre sœurs et six frères et je suis le quatrième. »

Ancien séminariste de Nasso jusqu’en classe de 4e, puis, après un passage d’une année au lycée municipal de Bobo-Dioulasso, c’est finalement au lycée Ouézzin Coulibaly qu’il termine son cycle secondaire, sanctionné par un Baccalauréat C. Dans la foulée, il réussit au concours d’entrée à l’Institut africain d’informatique, basé à Libreville au Gabon. Il y reçoit la formation d’analyste programmeur. Désireux de poursuivre ses études dans une école d’ingénieur, il débarque en France en 1981, précisément à l’Institut supérieur des ingénieurs de Montpellier, muni d’une bourse nationale. Après deux années passées dans cette ville, il poursuit sa formation en Informatique et Gestion à Bordeaux durant trois ans, puis à Toulouse où il obtient un DESS. En 1986, retour à Bordeaux « parce que là-bas, j’avais fait la connaissance d’une fille, et qui deviendra mon épouse ».

Travailleur indépendant, il s’installe pendant trois à Grenoble, puis monte à Paris qu’il ne quittera plus. Toujours en tant que travailleur indépendant, il décroche par la suite sans trop de difficultés un poste d’ingénieur informaticien dans une petite entreprise dans le bâtiment, la « Confédération des artisans ». « J’y suis resté un an et j’étais l’homme à tout faire dans cette boite », se rappelle t-il. En 1990, une entreprise américaine, « Oracle », le recrute en tant qu’ingénieur technico-commercial, puis le nomme un an plus tard patron de l’équipe de support, donc un poste de management qu’il assume pendant six ans.

Comme s’il avait été piqué par le virus de la bougeotte, Edouard Sanou est recruté en 1995 par SAP, une société informatique allemande, en tant que « conseil aux entreprises ». Il y reste pendant onze ans, occupant tour à tour les postes de patron du conseil, patron du support, puis patron de certaines activités commerciales. Après SAP, c’est l’entreprise Steria qui l’accueille comme responsable des activités de conseils sur les progiciels de gestion. Pour le néophyte, « ce sont des outils semi-finis que l’on peut acquérir pour adapter à ses propres besoins spécifiques. Tout le contraire du logiciel qu’on achète pour utiliser en l’état, comme Word par exemple. Avec le progiciel, le client achète une enveloppe avec un contenant et des fonctions qui sont réalisées de manière très standard et c’est à lui de faire du paramétrage et y mettre exactement ce qu’il veut », explique t-il pédagogue.

Après une solide expérience dans le monde du travail en tant que salarié, Edouard Sanou décide de voler de ses propres ailes. Avec des associés, il crée en 2008 Exilone dont il détient 82,5% du capital, toujours dans le conseil en informatique aux entreprises. « Mes clients sont principalement en France même s’il nous est arrivé de faire des prestations dans aux Etats-Unis et dans les pays arabes. Nous avons tenté de faire quelque chose en Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, mais ça ne s’est pas bien passé. Peut-être ne sommes-nous pas assez bien armés pour nous faire une place dans le marché ivoirien, mais nous n’y avons pas renoncé », explique t-il. Jusqu’en 2011, la société connait une rapide expansion, mais entre-temps, la crise qui frappe les grandes entreprises est passée par là, et par ricochet, les petites entreprises surtout celles dont le chiffre d’affaires dépend en grande partie des commandes des premières. « Nous avons perdu quelques salariés et coupé dans nos investissements, mais fort heureusement, depuis un an, nous sommes à nouveau dans un cercle vertueux et on réembauche, essentiellement des informaticiens, ingénieurs ».
La particularité d’Exilone ? Faire des prestations directement chez le client en dotant son entreprise d’outils, en l’espèce de progiciels qui permettent aux salariés de travailler de manière individuelle tout en étant interconnectés avec les autres. « Dans chaque entreprise, on y retrouve les grandes fonctions structurelles : finances, comptabilité, ressources humaines, production, relation clients, etc. Toutes ces fonctions ont besoin d’outils pour être opérationnelles et avec le progiciel, nous faisons en sorte qu’ils puissent travailler en réseau », explique le patron d’Exilone.
La clientèle de la société comprend aussi bien de grandes entreprises que de petites et moyennes entreprises : Gaz de France, La poste, Areva, Air Liquide, ou des structures comme les chambres de commerce, les mairies, les instituts de recherche, les établissements français du sang, etc.

Parallèlement à sa formation scolaire et universitaire, puis à son parcours professionnel, Edouard Sanou a toujours été intéressé par les questions politiques, au sens large du terme. « Au lycée Ouézzin, j’étais membre de l’association des élèves, puis membres du l’Ugev (Union générale des étudiants voltaïques) en tant que membre du bureau et président de l’Association des étudiants voltaïques de France. A Montpelier, j’étais membre du bureau puis président de la section, puis à Bordeaux j’ai été membre de l’Association des élèves voltaïques en France (Aevf) ».

Deux ans après le coup d’Etat du 15 octobre 1987, le Burkina n’est pas encore sorti de l’Etat d’exception, mais une certaine ouverture permet à certaines associations de voir le jour. Ainsi nait le 19 février 1989, le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) dont la vocation est de défendre les droits de l’homme en dénonçant les crimes et les atteintes à la liberté d’expression. La philosophie de cette organisation convient à Edouard Sanou et il en devient un des membres du bureau dès la création de la section France. « On n’était pas totalement sorti de l’Etat d’exception et il y avait de situations risquées pour les gens », se rappelle t-il. Comme le soutien ouvertement apporté à Laurent Gbagbo alors dans l’opposition, en revendiquant pour lui le droit de s’exprimer librement. Avec des partenaires français, notamment la Ligue des droits de l’homme, le MBDHP/France a apporté son soutien à des journalistes emprisonnés et a surtout été à la pointe des manifestations contre l’assassinat en 1998 du journaliste Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune à travers le Comité français de l’affaire Norbert Zongo (Cofanzo). « Je suis toujours membre du MBDHP/France et je ne crois pas que ce soit antinomique avec l’appartenance à un parti politique parce que la défense des droits de l’homme est au dessus de toute idéologique et de toute appartenance politique », explique le numéro un de l’UPC en France.

Pourquoi éprouve t-il pour autant le besoin de s’engager dans un parti politique, en l’occurrence, celui dirigé par Zéphirin Diabré ? « Nous sommes à un tournant de notre histoire politique et même si on n’est pas un militant politique au sens traditionnel du militantisme politique, on sent que c’est le moment d’agir et de participer à un débat pour que s’installe dans notre pays une vraie démocratie », argumente t-il. Pour lui, « le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) avait quelque peu cannibalisé le débat depuis longtemps et la plupart de ceux qui font la politique étaient soit au CDP, soit dans des partis microscopiques ou des partis satellites ». « Le premier évènement majeur qui a permis de dessiner un nouveau visage de l’opposition au Burkina, c’est le retour de Zéphirin Diabré en politique. D’abord à travers l’organisation de conférences débat sur la démocratie et l’alternance et ensuite la création de l’Union pour le progrès et le changement en 2009 ». Comme pour lever toute équivoque, il s’empresse de préciser : « En disant cela, je ne veux pas faire injure aux autres partis qui existaient. L’Unir/Ps et d’autres partis existaient et essayaient de rassembler l’opposition burkinabè, mais j’ai le sentiment que l’opposition bien structurée et rassembleuse est née avec l’UPC. Aujourd’hui, l’alternance par les élections est possible, d’autant que le CDP a explosé avec le départ de ses caciques qui ont créé le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) ». Dans ce contexte, continuer de militer dans les associations de la société civile ne lui parait plus pertinent. Il faut s’engager dans un parti politique, « là où se trouve le pouvoir de décision et de direction ». Pour lui, le moment de prendre la carte d’un parti était venu parce qu’il sent que maintenant, « on peut, soit, entrer dans un cercle vertueux, celui de la bonne gouvernance et du débat démocratique, soit, demeurer dans un modèle fermé et qui ne correspond pas à l’idée que j’ai de la vie démocratique dans notre pays ».

A ceux qui doutent des capacités des Africains à épouser les valeurs démocratiques, Edouard Sanou croit solidement que le continent noir est capable de se doter d’institutions démocratiques fortes comme l’ont fait d’autres continents. Et rêve que « le Burkina soit parmi les pays qui ont entamé un processus vers des structures démocratiques et politiques évoluées où on n’aura pas un homme fort dans un régime fermé ».

Il avoue toutefois que sa décision d’adhérer à l’UPC, n’a pas été facile à prendre parce que, explique t-il « dans la diaspora burkinabè en France, ceux-là qu’on qualifie d’intellectuels ne sont pas vraiment attirés par les partis politiques, à l’inverse de ceux qu’on désigne maladroitement de travailleurs. Ils ont un regard assez négatif sur l’appartenance à un parti politique et ça peut se comprendre : Peu de partis présentent une démarche claire, étayée, ouverte, planifiée et documentée ».
Le paysage politique ayant changé, il ne lui paraissait plus possible de rester en dehors de l’arène politique. En examinant les offres politiques en présence, son choix s’est porté sur l’UPC parce que « sa démarche me parait transparente, clairement exposée, constructive et rassembleuse ». Quant on lui fait remarquer que vu son parcours militant, le choix de l’UPC, un parti libéral, est loin d’être une évidence, il s’en explique longuement : « Certes, Zéphirin Diabré a été ministre des Finances, président du Conseil économique et social, donc comptable du bilan de Blaise Compaoré. Mais cela ne l’empêche pas de proposer des solutions nouvelles. Il est entré dans le gouvernement comme technocrate, et si on devait disqualifier tous ceux qui ont participé aux différents gouvernements, il n’en resterait pas grand-chose. Je rappelle que Diabré a quitté volontairement le système Compaoré en 1998 pour embrasser une autre carrière dans le privé alors qu’il aurait pu y rester, et peut-être devenir premier ministre ». Se voulant plus précis, il ajoute : « Mon choix n’est pas idéologique et l’étiquette libérale ne représente pas grand-chose. Je suis pragmatique et ce qui m’intéresse, c’est la capacité d’un dirigeant à gouverner avec efficacité ». A ces critères s’ajoute, sans doute ce qui a été aussi pesé dans le choix du parti dirigé par Zéphirin Diabré. Le patron de l’UPC a aussi étudié à Bordeaux au même moment que Edouard Sanou, et c’est durant cette période « que j’ai découvert l’homme, son attachement à certains idéaux de défense des droits humains, son militantisme dans des structures comme Greenpeace et la façon pragmatique qu’il a à traiter les problèmes au-delà des étiquettes ». Il adhère surtout à l’UPC dans l’espoir d’influencer, de l’intérieur, les positions du parti sur les sujets de grande importance.
D’abord sympathisant en participant à des rencontres animées par le correspondant de l’époque, Noël Béoindé, Edouard Sanou s’est définitivement décidé à embrasser la cause de l’UPC et en devenir le premier responsable « vu que pour tout un tas de raisons, Béoindé ne pouvait plus continuer et que le poste m’intéressait ».

A l’issue d’une assemblée générale tenue le 3 mai 2014, il est élu président d’un bureau pour le moins très « intellectuel ». (Voir composition du bureau en bas).
Légaliste, l’UPC a sollicité une audience auprès de l’ambassadeur Tiaré pour « lui présenter officiellement les membres du bureau ». L’UPC a participé à la mise en place des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans la perspective des prochaines élections.
Désormais capitaine du navire UPC/France, Edouard Sanou compte « travailler à installer des sous-sections dans toute la France, mobiliser mes compatriotes de la diaspora autour du programme du parti, être à l’écoute de leurs préoccupations, et expliquer nos positions à la communauté internationale ».

Joachim Vokouma ; Lefaso.net (France)

Dans nos prochaines éditions, portrait de Joël Compaoré, Secrétaire général du CDP/France

.

Bureau de la section France de l’UPC mis en place le 3 mai 2014
Président : M. Edouard Sanou, Ingénieur en informatique et chef d’entreprise
Secrétaire Général : M. Jean-Pierre Yara, Médecin radiologue,
Trésorier : M. Germain Sanon, Directeur Financier – Chef d’entreprise
Secrétaire à l’information et à la mobilisation : Maître Clarisse Ouédraogo, Avocate
Secrétaire relations politiques et à la formation : M. Etienne NABI, Enseignant à la retraite
Secrétaire aux affaires administratives et juridiques : D. Edith Bamogo, Médecin

PARTAGER :                              

Vos réactions (27)

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique