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Manifestation à Nioko : « Le 28 octobre-là, c’est trop loin »

Publié le samedi 25 octobre 2014 à 17h21min

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Manifestation à Nioko : « Le 28 octobre-là, c’est trop loin »

Les partis politiques de l’opposition ont appelé à une journée nationale de protestation le 28 octobre contre le processus de révision de la Constitution, notamment de l’article 37 relatif à la limitation du nombre de mandats présidentiels. Mais, manifestement, pour certains de leurs militants ou sympathisants, la date du 28 octobre ressemble à une éternité. Depuis le 23 octobre, des « manifestations spontanées » sont organisées dans plusieurs endroits de la capitale.

« Le 28 octobre là, c’est trop loin, on ne peut pas attendre ; c’est pourquoi depuis le 23 octobre, nous on manifeste ici pour dire qu’on n’est pas d’accord avec le référendum », tente d’expliquer un manifestant dans un brouhaha et une sorte de désorganisation, hier matin 24 octobre, aux environs de 10 heures à la sortie Est de Ouagadougou, où des jeunes avaient barré la route en y posant des troncs et en incendiant des pneus, contraignant des usagers à descendre sur le bas-côté et les automobilistes, soit à faire demi-tour, soit à patienter.

La veille, c’est-à-dire le 23, ils avaient déjà perturbé la circulation et annoncent qu’il en sera ainsi « jusqu’à ce que le président comprenne qu’on n’est pas d’accord ».

Quand la police anti-émeute arrive sur les lieux, les manifestants s’arment d’abord de projectiles, prêts à l’affrontement avant qu’un des leaders leur enjoint de les déposer. « Non, posez les cailloux, on va vers eux les mains nues et en l’air ». Ils s’exécutent. Puis entament l’hymne national. Commence alors un dialogue entre eux et le patron de la police, signe que les temps ont assurément bien changé. Les leçons des évènements de 2011 semblent avoir été tirées côté forces de l’ordre. On discute, la répression n’arrivant qu’en ultime recours. « Nous ne sommes pas venus pour vous réprimer ; on ne va pas utiliser les gaz lacrymogènes ; vous avez le droit de manifester et nous sommes là pour vous écouter et qu’ensemble, on trouve une solution pour que la circulation reprenne. On vous comprend, mais vous savez qu’on est dans une république et il faut respecter les droits des autres aussi. Vous avez montré que vous n’étiez pas contents ; les gens le savent maintenant ; donc il faut qu’ensemble, on enlève les troncs d’arbres pour libérer la route. Imaginez une ambulance qui transporte un malade à l’hôpital, vous voyez bien que ça pose problème ».

Les manifestants écoutent poliment leur interlocuteur, puis à la fin de son discours, tous se mettent à parler. Un d’eux arrive à s’imposer : « Nous avons longtemps manifesté pacifiquement, même sous la pluie. Mais nous voyons bien que Blaise Compaoré ne recule pas ; donc on change de stratégie. Ce que nous voulons est clair : retrait pur et simple du projet de loi sur la modification de l’article 37, seule condition pour maintenir la paix dans ce pays. Nous voulons qu’après 2015, on parle de Blaise Compaoré en disant, ancien président de la république. Il a dirigé mon grand-père, mon père et moi maintenant. Il n’est pas question. Il faut que ça change. Moi, j’ai eu mon bac en 2012 et je suis toujours en première année. Vous trouvez ça normal ? ».

Très calmement, le policier reprend la parole : « Alors, on fait quoi maintenant. Vous levez les barrières ou pas ? ». Les réponses sont désordonnées et contradictoires. « Oui, on va le faire, mais 13h », répond un », vite contredit par son voisin. « Ah non, à 14h ». Un troisième intervient : « Mais tu es qui pour fixer l’heure ? Si tu fixes l’heure tout seul, on s’en va, on te laisse seul et tu répondras seul ». Un autre dit que « ce sera comme hier. A 18h ». Un usager, visiblement excédé, vient leur dire de laisser les gens passer. Il est proprement rabroué.

En permanence au téléphone, le chef de la police bat en arrière avec son équipe. On tente alors d’interviewer un ou les responsables de la manifestation. « Il n’y a pas de responsables ici, c’est spontanée », répond celui visiblement qui a de l’ascendant sur les autres. « Si, on a des responsables, mais on les voit pas, ils ne sont pas là », rectifie un étudiant de Kossodo.

Avant de poursuivre la discussion, ils exigent de savoir qui est l’auteur de ces lignes, lequel décline son identité. « Ah oui, je le lis souvent sur Lefaso.net », confirme un autre étudiant.

Celui qui parle le plus depuis notre arrivée sur les lieux nous interpelle : « Nous avons lu la déclaration de la France dans laquelle elle salue le rôle de médiateur du président Compaoré en Afrique de l’Ouest. Si la France a besoin de lui, qu’elle crée un poste de médiateur là-bas pour lui. Nous, on sait que la France défend ses intérêts, mais la domination coloniale, c’est terminée ».

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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