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Présidentielle 2015 : Le CDP en quête d’un candidat

Publié le jeudi 24 avril 2014 à 22h35min

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Présidentielle 2015 : Le CDP en quête d’un candidat

Au stade actuel de la situation politique, tout laisse croire que le président Blaise Compaoré n’a plus d’autre choix que de respecter les termes de la constitution qui lui interdisent de briguer encore la magistrature suprême. Les médiateurs autosaisis ont fini par laisser les scrupules de côté pour lui dire ce qu’ils pensaient tout bas, à savoir : renoncer clairement à modifier l’article 37 de la constitution. « Le président du Faso prend sur lui la responsabilité de son départ en 2015, à la fin constitutionnelle de son mandat », déclarent les sages. Pour eux, c’est le seul scénario d’honneur qui s’impose à lui. Dans ce cas, « la majorité joue la carte de la responsabilité et positionne son
candidat le plus à même de lui assurer la victoire ». C’est le souhait de Jean-Baptiste Ouédraogo et de ses compagnons de la médiation. Cette invite à trouver un candidat autre que Blaise Compaoré pour l’échéance électorale de 2015 est un grand défi pour le parti présidentiel, une grande responsabilité qu’il n’a jamais pu exercer jusque-là. Le président Blaise Compaoré étant l’alpha et l’oméga du parti, les éventuels présidentiables se font encore tout petits, espérant avoir la préférence du « grand maître de la loge CDP ».

« Le CDP cherche candidat pour
2015. » Cela pourrait être
l’intitulé d’une annonce à
afficher au siège du parti, Avenue
du Dr Kwamé Nkrumah. Pressé
par le calendrier électoral qui
défile à grande vitesse, le
Congrès pour la démocratie et le
progrès (CDP) commence à
sortir de sa logique de « Blaise ou
rien ». Les responsables du parti
n’écartent plus l’hypothèse d’une
autre candidature autre que celle
de Blaise Compaoré à la
prochaine présidentielle.
Interrogé par notre confrère de
L’Evénement (n°276 du 25 mars
2014) sur les intentions de Blaise
Compaoré de briguer un autre
mandat, le secrétaire exécutif
national du parti lâche : « Etant un
collaborateur du président Blaise
Compaoré, je ne l’ai pas entendu se
prononcer sur cette question. Et le
CDP, mon parti, ne s’est pas encore
exprimé sur le sujet. Il convoquera en
temps opportun ses instances pour le
faire. » Assimi Kouanda n’est pas
non plus à l’aise quand on le
questionne sur le référendum
comme si le sujet était devenu
subitement tabou au CDP. Il se
contente d’annoncer des
évidences comme la tenue d’un
congrès pour début 2015 pour
faire connaitre le candidat du
parti. Toutes ces circonvolutions
traduisent néanmoins une
certaine évolution dans l’agenda
politique du pouvoir, ne serait-ce
que sur le plan théorique. Même
lors de la réunion du bureau
politique national (BPN) du parti
tenue le 29 mars, Assimi
Kouanda et ses camarades ont soigneusement
évité d’évoquer les sujets qui
fâchent (mise en place du sénat,
révision de l’article 37,
référendum). Ils ne martèlent
plus leur souhait de voir Blaise
Compaoré se représenter en
2015. C’est en soi un début de
changement de cap. Mélégué
Maurice Traoré, député et
conseiller politique du parti, avait
déjà dressé dans le quotidien Le
Pays du mardi 25 mars un constat
implacable de l’inutilité pour le
pays d’une énième candidature de
Blaise Compaoré. « … à mon avis,
quand on a fait 25 ou 30 ans à la tête
d’un Etat, on ne doit plus se poser de
question en terme d’avenir politique.
Après 30 ans, que peut-il encore faire
pour le Burkina qu’il n’a pas fait ? Il
faut simplement aménager le passage à
une autre phase de l’histoire politique
du pays. », assène l’ex-président de
l’Assemblée nationale (1997-
2002). Pour lui aussi, « si
aujourd’hui ou demain, Blaise décide
de ne pas se présenter, il faudra bien
que le CDP présente un candidat ».
Après avoir admis enfin que le
CDP peut présenter quelqu’un
d’autre, la question qui revient
c’est celle de l’identité des
hommes et des femmes
susceptibles de porter l’étendard
du parti à la prochaine
présidentielle. Les éventuels
candidats vont se recruter dans
trois milieux : la diplomatie, le
sérail militaire et l’appareil du
parti.

La carte Kadré

Au niveau des diplomates,
l’homme en vue actuellement,
c’est bel et bien Kadré Désiré
Ouédraogo, le président en
exercice de la Commission de la
CEDEAO. Il devient de plus en
plus présent sur la scène
nationale. Il a parrainé la dernière
édition de la Semaine nationale
de la culture (SNC). Il réunit
plusieurs atouts. Sur le plan du
caractère, c’est un homme
affable, très courtois et
consensuel. Sur le plan
professionnel, il a une riche
expérience à l’international. De la
BCEAO à la CEDEAO en
passant par Bruxelles, la capitale
de l’Union européenne, il a eu le
temps de tisser sa toile et de
démontrer ses compétences
d’économiste-gestionnaire et de
diplomate averti des grands
dossiers de l’Afrique et du
monde. Il a donc toutes les
qualités requises et appréciées par
certaines chancelleries
occidentales. Mais ces atouts
risquent d’être insuffisants dans
le contexte actuel de la situation
politique. Bien qu’ayant été
Premier ministre pendant cinq
ans (1996-2000), Kadré ne
dispose d’aucune base électorale
et son influence au sein du parti
est presque nulle. Il n’a aucun
contrôle sur l’appareil du parti.
S’il doit être désigné, ce serait
simplement par la seule volonté
de Blaise Compaoré, qui devra
par la suite s’investir
personnellement pour lui faciliter
la tâche. Il reste donc un candidat
à risque pour le CDP, une proie
très facile pour les dinosaures du
Mouvement du peuple pour le
progrès (MPP). On se rappelle de
ses difficultés en 1997, lors des
législatives, à se positionner
comme candidat dans sa
province d’origine du
Sanmatenga. Sa fonction de
Premier ministre n’avait rien pu
faire pour lui. Aujourd’hui plus
qu’hier, il serait très difficile pour lui
de conquérir démocratiquement
une position enviable dans la
province au regard de sa longue
absence. Pour remédier à ces
handicaps, il aurait besoin de
beaucoup de temps. Or, c’est ce
qui fait défaut au pouvoir dans
son ensemble.

Djibril Bassolet, le général diplomate

Lui aussi sillonne ces derniers
temps le Burkina Faso, alternant
inaugurations de mosquées et
parrainages de coupes sportives
par-ci, par-là. De sa Kossi natale
au Centre-Ouest, il est beaucoup
sollicité par diverses structures
religieuses et associatives dans le
cadre de leurs activités. Avec le
soutien de l’Organisation de la
conférence islamique (OCI) et
ses amis du Qatar, Djibrill
Bassolet se rend disponible et
surtout généreux envers tout ce
beau monde. Il pourrait mettre
toutes ces structures à
contribution s’il lui arrivait de
nourrir des ambitions nationales.
Par rapport à la situation
nationale, il a l’avantage de ne
s’être pas compromis sur l’article
37. Il a toujours répété que si sa
révision allait être source de
tensions, voire de troubles pour
le pays, il serait mieux de le laisser
en l’état. Son discours a toujours
été que Blaise Compaoré ne
ferait rien qui va remettre en
cause la stabilité du pays. En
martelant ce discours depuis
2011, lors des manifestations
scolaires et autres mutineries, il
prenait ainsi sa distance avec la
position officielle du CDP. Il
peut se prévaloir de cette
constance auprès de l’opinion
publique. Autre avantage du
pandore, c’est sa connaissance du
système qui gouverne le pays
depuis ces trente dernières
années. Du Conseil national de la
révolution (CNR) à la 4ème
République en passant par le
Front populaire, il a toujours été
au coeur du système sécuritaire. A
partir de l’année 2000, on a vu
son influence se renforcer dans le
système au point que certains
observateurs estiment que n’eut
été son entregent, le régime
n’aurait pas survécu à la crise
consécutive à l’assassinat de
Norbert Zongo. Il a beaucoup
pesé dans le « containment » du
Collectif contre l’impunité qui
avait décrété entre temps des
« résistances actives », synonymes pour certains de prémices
insurrectionnelles. Sa cote est
donc élevée auprès de la famille
présidentielle et quelqu’un
comme François Compaoré ne
finira jamais de le remercier pour
l’avoir tiré du pétrin dans
l’affaire David Ouédraogo. Si ces
états de services peuvent lui
créditer de bons points auprès du
cercle restreint du président, ils
constituent en même temps un
handicap auprès de l’opinion
publique. Son passé sulfureux
avec le régime et sa casquette de
militaire peuvent rebuter une
bonne partie de l’opinion,
surtout des villes qui ont envie de
tourner la page des hommes en
tenue à la tête du pays. Tout
comme Kadré, il ne maîtrise pas
non plus l’appareil du parti. Il n’a
jamais eu un mandat électif et
reste un peu distant des hommes
politiques, ce qui n’est pas un
avantage dans la situation
actuelle.

Paramanga ou Soungalo ? Juliette à l’affût

Au niveau des fins politiques, des
apparatchiks du parti, aucun
homme ou femme ne se détache
du lot. Il y a plusieurs figures qui
peuvent légitimement prétendre
à la candidature. Si on exclut
François Compaoré et Assimi
Kouanda, très affaiblis par la
controverse sur le sénat et
l’article 37, on a trois
personnalités à même de briguer
la candidature. Il s’agit du
président de l’Assemblée
nationale, Soungalo Appolinaire
Ouattara, le président du Conseil
économique et social (CES),
Paramanga Ernest Yonli et
Juliette Bonkoungou, ex ambassadrice
au Canada et conseillère politique du parti.
Quels sont les atouts et les
faiblesses de chacun de ses
candidats putatifs ?

Soungalo : consensuel mais très régional

C’est l’homme politique le plus
en vue dans le système de ces
cinq dernières années. Il a fait
une ascension fulgurante,
gravissant presque tous les postes
politiques en vue l’un après
l’autre (secrétaire général de
ministère, secrétaire général du
gouvernement, ministre délégué,
ministre, président de
l’Assemblée nationale). Au
niveau de sa région, il peut se
targuer d’avoir une assise
populaire en cultivant l’image
d’un politique à l’écoute des gens,
généreux et rassembleur à la
différence de ses aînés locaux qui
ont passé leur temps à entretenir
des querelles de personnes ou de
groupes. Il a réussi à faire une
nette démarcation de style et de
méthode d’avec les barons
historiques locaux du parti
(Thomas Sanou, Salia Sanou,
Alfred Sanou, Koussoubé avant
sa démission, etc.). Tout cela a
joué dans la balance pour l’asseoir
au perchoir de l’Assemblée
nationale après les législatives de
2012. Pourtant, malgré sa
position de deuxième personnage
de l’Etat, Soungalo reste pour le
moment confiné dans une
posture de leader régional.

Paramanga, énergique mais très clivant

C’est le seul proche de Blaise
Compaoré qui a eu le courage
d’affirmer qu’il pouvait bel et
bien se porter candidat à la
présidentielle à la place de Blaise
Compaoré. C’était avant qu’on le
débarque de son poste de
premier ministre en 2007. Avant
le congrès de mars 2012, il ne
cachait pas non plus ses
intentions de prendre les rênes
du parti, après son passage aux
Etats-Unis comme ambassadeur.
Il estimait qu’il le méritait après
l’annonce du retrait des
principaux architectes comme
Roch et Simon.
Paramanga a été très déçu par la
suite. Du CES, il rêve de voir
Blaise Compaoré annoncer son
retrait pour extérioriser ses
intentions. De tous les leaders
actuels du CDP, c’est celui qui
montre vraiment qu’il est
vraiment intéressé. Pour une
élection présidentielle, c’est une
disposition d’esprit importante. Il
faut en vouloir d’abord, montrer
qu’on est prêt à assumer les
charges. Il a l’énergie et
l’ambition qu’il faut à tout bon
candidat. Il lui reste la confiance
de ses camarades qui le trouvent
très suffisant, parfois arrogant.
Dans sa propre région, l’Est, il
n’arrive pas à rassembler, même
au sein de son parti. On ne parle
pas des autres leaders d’autres
partis où c’est souvent « je t’aime
moi non plus ». Par exemple, ses
relations avec le roi du Gulmu, le
Kupiendieli, (le député
ADF/RDA) n’ont jamais été
bonnes depuis que ce dernier a
rejoint la mouvance
présidentielle. Or, le roi contrôle,
à travers ses réseaux de chefs une
bonne partie de la région. Ce
n’est pas pour rien que
l’ADF/RDA a remporté trois
élus nationaux dans la région.

Juliette, intellectuelle très diminuée physiquement

L’opinion publique attendait sa
démission avec les responsables
actuels du MPP. Elle faisait en
effet partie de ceux qui
critiquaient ouvertement la
décision du congrès de mars
2012 d’écarter les fondateurs du
CDP au profit de néophytes. Elle
n’appréciait surtout pas le mépris
de certains parachutés du parti
qui, à longueur de colonnes dans
les journaux, sur les antennes des
radios ou les plateaux de
télévision les traitaient de has been.
Elle tentait de donner la réplique
à chacune de ses sorties
médiatiques. C’est donc avec
surprise que le 4 janvier, on
apprend qu’elle ne figure pas sur
la liste des démissionnaires.
Quelques jours après, on
apprenait que le président l’avait
chargé de mener une médiation
entre le groupe de Roch et celui
de Assimi pour recadrer les
choses au sein du parti.
Vraisemblablement, c’est ce qui
aurait milité pour sa « loyauté »
envers le président. Mais comme
on le sait, sa mission a foiré avant
même d’avoir commencé ; ses ex camarades
ayant décidé de
rompre définitivement avec le
système en place.
Que pouvait-elle faire dans ce
cas ? Au début de la médiation de
Jean-Baptiste Ouédraogo et de
ses compagnons, certaines
sources affirmaient qu’elle misait
sur cette médiation pour la
propulser au poste de Premier
ministre de la transition prônée
entre temps par les « sages ».
Après la fin de la médiation, elle
se retrouve encore esseulée. Il ne
lui reste plus que la candidature à
la présidentielle. Ce serait
original et une première au Faso.
Mais on se demande si ce n’est
pas tard pour cette femme,
énergique et battante dans les
années 90 et début 2000.
Aujourd’hui, elle est très
diminuée physiquement et elle a
perdu de son aura d’antan, même
dans son fief de Koudougou,
après presqu’une dizaine
d’années passée au Canada. Autre
handicap, c’est son image dans
l’opinion publique. Son
louvoiement par rapport à
l’article 37 a quelque peu terni
son image. Elle est pour le
référendum, même si elle en
appelle à la sagesse du président
Compaoré pour laisser en l’état le
fameux article. Une position
intenable intellectuellement. Mais
« Julie la rose » croit à son étoile et
attend sagement la décision du
président car, après tout, c’est lui
seul qui décide des grandes
orientations et des choix
importants au CDP. Ce qui est
sûr, le temps joue contre le
président et tous ces
présidentiables qui attendent sa
décision finale. Pendant ce temps,
le MPP prend de l’envol et son
président prend chaque jour de
l’assurance. A cette allure, le CDP
risque de soutenir le candidat de
l’ADF/RDA comme ce dernier
l’avait aussi fait en 2005 et 2010
pour le candidat du CDP.

Abdoulaye Ly

MUTATIONS N° 50 du 1er avril 2014. Bimensuel burkinabé paraissant le 1er et le 15 du mois (contact :mutations.bf@gmail.com . site web : www.mutationsbf.net)

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