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La montée en puissance des religions, une menace pour la stabilité sociale ?

Publié le mercredi 10 juillet 2013 à 22h48min

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La montée en puissance des religions, une menace pour la stabilité sociale ?

C’est la question que l’on se pose au sortir du panel sur la laïcité au Burkina Faso, animé à l’Université de Ouagadougou, le 4 juillet dernier, par des spécialistes du christianisme et de l’islam. Les arguments avancés par les professeurs Issa Cissé et Magloire Somé tendent à répondre par l’affirmative… Et la propension de chacun à défendre sa religion ne semble pas arranger les choses.

Le panel organisé par l’Institut pour la Gouvernance Démocratique (IGD), le 4 juillet dernier à l’Université de Ouagadougou, avait pour thème : « Religions et politique au Burkina Faso à la lumière du Forum national sur la laïcité ». Il a été animé par l’islamologue Issa Cissé et le spécialiste en christianisme Magloire Somé – deux enseignants-chercheurs au département d’Histoire et Archéologie – et par Ignace Sandwidi, représentant de l’Eglise catholique au Forum national sur la laïcité qui s’était tenu en septembre 2012 au Burkina Faso, ainsi qu’au Cadre de Concertation sur les Réformes Politiques (CCRP).

Ces échanges étaient organisés en partenariat avec l’Association américaine de Sciences Politiques (APSA), dans le cadre de ses activités annuelles visant à promouvoir la recherche et l’appui des jeunes chercheurs. Ainsi, plusieurs chercheurs en Sociologie, en Anthropologie et en Sciences Politiques, venus des Etats-Unis d’Amérique, de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Kenya, etc. – ils étaient une vingtaine venus de 17 pays –, ont participé aux échanges par diverses contributions. Mais, au-delà de ces participants, il était opportun de permettre au grand public de prendre part au débat, au regard de la pertinence du thème et du flou qui entoure le concept de laïcité.

Un Etat « trop faible » face aux religieux ?

Les religions unissent. Mais elles peuvent aussi diviser. Et les théologiens n’ont pas le monopole de la réflexion sur les questions religieuses : « Nous avons essayé de montrer qu’en Afrique, il est tout à fait possible de discuter scientifiquement des rapports entre religions et politique », a ainsi précisé le Pr Augustin Loada, directeur de l’IGD.

Au cours de leurs communications les panélistes ont tous évoqué, dans le cas du Burkina, des inquiétudes par rapport à la montée en puissance des religieux et des coutumiers face à l’Etat. Tous ont en effet reconnu la forte influence du religieux sur le politique. Or « ce ne sont pas les religieux et les coutumiers qui sont trop forts, c’est l’Etat qui est trop faible », ont-ils avancé. L’Etat – qui doit normalement réguler les rapports avec les communautés religieuses – ne joue pas correctement sa partition selon les panélistes, laissant ainsi un « espace vide » occupé par les religieux.

Pourtant, « la montée en puissance des religions menace dangereusement la stabilité sociale du Burkina », a soutenu le Pr Magloire Somé. Du fond de la salle, le Pr Augustin Loada a pour sa part estimé que cet état de fait était « dangereux même pour les religions, dans la mesure où s’il n’y a plus de cohésion sociale, personne ne pourra pratiquer en toute sérénité son culte ». Le Pr Issa Cissé a abondé dans le même sens, estimant par ailleurs que l’Eglise catholique voulait dicter les règles de conduite à l’Etat…

Quand le religieux prend le dessus sur le scientifique

Il n’en fallait pas plus pour assister à une « coalition » entre le Pr Magloire Somé et Ignace Sandwidi. Défendant leur religion, ils ont en effet décrié la désorganisation des associations islamiques. « On ne peut pas en vouloir à l’Eglise d’être une force de proposition », a ainsi lancé le Pr Somé. Les deux hommes ont en outre estimé que l’Eglise catholique constituait une force capable d’intervenir dans le social, de se prononcer sur les problèmes politiques et de se positionner comme une sorte de contre-pouvoir.

Le Pr Issa Cissé, de son côté, a soutenu que l’avènement du général Aboubacar Sangoulé Lamizana en 1966 avait rapproché l’islam et la politique, et que le Président avait voulu renforcer les relations avec le monde arabe. Rapprochement auquel l’Eglise n’était pas favorable… Autant dire que la suite du débat n’était plus une affaire de scientifiques ; chacun a simplement défendu sa religion. Il a même fallu, à un certain point, l’intervention du Pr Loada pour appuyer le modérateur qui commençait à perdre le contrôle de la parole.

Alors, ce débat était-il opportun ? On se le demande, finalement. Le directeur de l’IGD, lui, répond par l’affirmative. Le débat a selon lui le mérite de poser un problème, celui de la compréhension même du concept de laïcité. Un concept vague et sujet à toutes sortes d’interprétations, car si le principe de laïcité soutient que l’Etat ne doit pas revêtir une forme confessionnelle, il ne dit pas jusqu’où peut aller l’implication du religieux dans la politique – et inversement, l’implication du politique dans la religion. On a, pourtant, tout intérêt à marquer ces limites.

Moussa Diallo

Lefaso.net

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