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Artisans du Nahouri : "Nous vivons une nouvelle forme d’esclavage"

Publié le mercredi 29 décembre 2004 à 07h10min

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Les artisans du Nahouri, réunis en Assemblée générale le 20 décembre dernier à la Maison des jeunes et de la culture de Pô, ont porté sur les fonts baptismaux, la "Fédération des artisans du Nahouri" (FAN).

La cérémonie d’ouverture de cette AG a été présidée par le Haut-commissaire, Blaise Corneille Ouédraogo, assisté du Maire Ahmadou Kora. Une AG au cours de laquelle M. Victor Kirassé Pouahoulabou (PK. Victor) a été porté à la tête de la fédération. Il dénonce dans cet interview et des pratiques entravent le développement des artisans. Ainsi, lance un appel aux bailleurs de fonds pour qu’ils prennent des dispositions pour qu’ils veillent à la transparence de la gestion des ressources.

"Le Pays" : Pourquoi avoir créé cette fédération ?

P.K Victor : Tout d’abord, je remercie les artisans du Nahouri qui m’ont fait confiance. Je suis de leur milieu et nous allons tous ensemble oeuvrer à mener une organisation interne, ensuite envisager la formation professionnelle de tous nos membres. Nous nous organiserons aussi afin d’acquérir des crédits pour pouvoir améliorer nos conditions de vie et de travail. Et ce qui nous a motivé à créer cette fédération, c’est que le Nahouri compte beaucoup d’artisans dispersés et sans aucune organisation. Pourtant, ce métier est promoteur ; d’où nous avons donc trouvé nécessaire de créer cette fédération pour permettre aux différents artisans d’avoir des appuis auprès des partenaires.

La création de votre fédération répond-t-elle aux recommandations de la caravane des métiers ?

Une loi datant de 1992 fait état de la liberté d’association, donc chacun est libre de créer son association. Il y a certes la caravane des métiers qui ambitionne d’oeuvrer au développement des artisans mais il n’est pas exclu que l’on crée aussi d’autres associations avec les mêmes objectifs. Je pense que la création de notre fédération répond à notre souci de contribuer davantage à l’épanouissement des artisans car nous avons remarqué qu’ils sont beaucoup exploités. Il y a des gens bons dans la caravane qui sont prêts à appuyer les artisans ; nous les connaissons bien. Malheureusement, il y en a aussi qui durant des années, ont passé le temps à ruine aux intérêts des artisans. C’est pourquoi nous au Nahouri, nous voulons nous démarquer d’eux pour notre propre bonheur.

Des artisans nahouriens se plaignent d’une dette qu’on leur aurait fait contracter et qui constitue un véritable casse-tête pour eux...

Les artisans nahouriens au niveau de notre bureau m’ont fait le compte-rendu selon lequel la caravane des métiers leur a laissé une ardoise de 400 000 F CFA qui n’a pas été payée. Finalement, ils sont en train de voir comment boucher ce trou. Et je trouve que ce n’est pas sérieux de la part d’une organisation comme la caravane des métiers. Des gens qui prétendent venir aider des pauvres gens mais qui les plongent dans des problèmes. Ce n’est pas du tout bien de la part des bureaux d’appui. La caravane est passée il y a de cela plusieurs mois. Les gens se sont endettés pour faire tout ce qu’on leur a demandé de faire. Pourquoi la somme n’est toujours pas versée à ces artisans ? Nous allons donc prendre des dispositions afin de rentrer en possession de ces fonds pour pouvoir payer les dettes contractées.

Dans votre intervention lors de l’AG, vous avez fait cas d’artisans qui seraient victimes d’une certaine presse. Pouvez-vous être explicite à ce sujet ?

Nous avons eu des accrochages avec le bureau des artisans. J’ai été élu comme président de l’Association des garagistes du Kadiogo (AGK) le 5 février 1998. Quand cette association a commencé à bien fonctionner, le Bureau des artisans est rentré dans notre milieu. Celui-ci a tout chamboulé et fait beaucoup de victimes dans nos rangs. Mécaniciens, menuisiers, tailleurs, couturiers, teinturiers, nous avons tous été victimes des malversations de ce Bureau des artisans. Maintenant qu’on retrouve encore ce bureau dans la caravane des métiers, nous avons pris peur car on se dit que les problèmes que nous avons connus vont resurgir. Mais bien avant cela, les artisans du Nahouri qui avaient appris que le bureau des artisans finançait les artisans, se sont rendus à Ouaga, espérant avoir ces aides ; les tailleurs surtout. Ils ont fait une délégation pour aller rencontrer le Bureau des artisans. Mais qu’est-ce que ce dernier leur a racontés ? Il leur a dit, au lieu de résoudre leur problèmes que j’ai volé l’argent des garagistes pour construire un centre de formation à Pô. Et que j’avais aussi volé l’argent avec la Coopération belge pour construire mon garage. Cela n’a pas du tout plu à mes frères du Nahouri. Immédiatement, ils m’ont invité à me rendre à Pô afin qu’on en parle. Ainsi avons-nous eu une réunion, juste avant la caravane. Je pense bien que j’ai même été quelqu’un qui a été sage, sinon, cette caravane n’allait pas se tenir à Pô, à cause des mensonges de certains membres de cette caravane à mon encontre. Les gens n’étaient pas contents mais nous avons ensemble convenu de laisser la caravane se dérouler. Tous ces faits nous ont conforté dans notre idée de nous regrouper, parce qu’on se dit que dans la caravane, il y a des mauvais esprits qui profitent des artisans durant des années et qui cherchent encore à regrouper les artisans des 45 provinces pour encore continuer à les exploiter. Pour cela, nous demandons aux bailleurs de fonds de venir directement vers les artisans au lieu de se confier à ces bureaux qui ne font rien pour ceux pour qu’ils sont là.

A quand la fin de ces querelles ?

Si vous recherchez le journal l’indépendant n°433 du 25 décembre 2001(ndlr : il nous a montré le journal en question ainsi que deux autres titres ; Le Pays n°2882 du 23 mai 2003 et l’Observateur n°5824 du 3 février 2003 qui ont traité de ses démêlés avec le B.A), vous aurez tous les détails de ce qui s’est passé. Ce n’est pas nous seuls qui nous plaignons des agissements du B.A. Et je profite de l’occasion pour féliciter les Allemands parce qu’ils ont beaucoup oeuvré pour la bonne marche de l’artisanat dans notre pays. Malheureusement, tous les fonds qu’ils ont injectés dans le secteur de l’artisanat sont restés dans les mains d’intellectuels à col blanc ; de l’argent qui ne nous est pas parvenu. Pour cela, nous souhaitons qu’à partir de maintenant, les bailleurs de fonds s’adressent directement aux artisans sans passer par des intermédiaires. Parce que nous sommes là pour lutter contre la pauvreté et non voir des gens s’enrichir de façon malhonnête sur le dos d’honnêtes citoyens. J’ai constaté que la répartition des fonds alloués au secteur artisanal n’étaient pas équitable. Et j’ai demandé des explications au président d’administration, un membre de la société civile, que nous avons pris pour des questions de transparence. Car il n’ y avait que 19% des fonds qu’ils ont réservés aux artisans et plus de 80% pour les charges du personnels du B.A et de leurs frais de fonctionnement. J’ai demandé alors que cette répartition soit révisée. Depuis que j’ai commencé à apprendre mon métier, je n’ai reçu aucun centime du BA, ni de mes collègues. Chacun s’est débrouillé pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Mais ce que nous constatons et dénonçons, c’est le fait qu’à chaque fois qu’une délégation des bailleurs de fonds vient rendre visite aux artisans du Burkina, les membres du B.A essaient d’identifier les garages, les ateliers, les maisons de couture qui sont bien structurés et font croire que c’est eux qui nous ont financés et formés. Ces individus se retrouvent dans la caravane des métiers et c’est de notre devoir de les dénoncer et ne plus nous laisser tromper. Toutefois, j’ai l’intime conviction qu’il ont l’aval de l’Etat. Sinon, comment comprendre que les bailleurs injectent pendant longtemps, des fonds dans un pays et l’on ne voit rien de concret. Nous demandons donc à l’Etat de veiller davantage à ce que ce genre de bureaux d’appui travaille convenablement . Dans le cas contraire, il faudrait les rayer des listes. Nous n’allons pas laisser ce genre de personnes venir nous diviser.

Que comptez-vous faire désormais ?

Je me défends car l’argent du contribuable, c’est pour développer et non détruire. Notre devoir de citoyens honnêtes, c’est de continuer à nous battre et démasquer ces individus. Nous, nous continuerons de nous battre au sein de notre fédération au Nahouri afin de montrer aux bailleurs de fonds nos capacités organisationnelles. Et ils sauront que tous ces bureaux qu’ils appuyaient ne sont pas pour le développement des artisans mais des bureaux qui empêchent le développement de ces artisans.

Propos recueillis par Nouffou ZONGA
Le Pays

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