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<I>Une lettre pour Laye</I> : Sydrome rwandais à Abidjan

Publié le vendredi 12 novembre 2004 à 07h29min

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Cher Wambi,

Comme tu le sais, la Côte d’Ivoire s’est embrasée de nouveau, depuis que notre grand cousin Gbagbo, rompant unilatéralement la trêve, s’est mis à bombarder Bouaké et le nord de la Côte d’Ivoire, comme s’il s’agissait d’un territoire ennemi.

Pire, il est allé jusqu’à priver d’eau et d’électricité les populations des régions concernées, les exposant aux risques d’épidémies, donc de mort qu’entrainent forcément de telles pénuries. Mais dans son escalade, Laurent va-t-en guerre a commis l’erreur qu’il ne fallait pas commettre, le bombardement du cantonnement des éléments Licorne.

En légitime riposte, Chirac, le grand chef blanc, cloua au sol ce qui lui conférait un semblant de supériorité et d’impunité vis-à-vis de ses protagonistes d’en face, à savoir sa force de frappe aérienne. Concernant cet épisode, bien sûr, les commentaires, cher Wambi, vont bon train entre ceux qui approuvent et légitiment la riposte, ce sont de loin les plus nombreux, et une minorité, qui la trouve disproportionnée.

Sont de ceux-là par exemple, ce fameux évêque auxiliaire ivoirien qu’on a entendu hier sur Radio France International (RFI), qui, rompant avec le sens de la mesure et de la prudence que devrait lui dicter son statut, s’est laissé aller comme ces enragés de "patriotes" qui écument les rues d’Abidjan depuis la semaine dernière. Que dire d’autre en effet quand on l’entend déclarer en avoir marre des forces Licorne et demander leur retrait du pays ? A-t-il seulement pensé à l’affreux bain de sang que la présence de ces forces a fait éviter à son pays ces deux dernières années ?

Vraiment, cher Wambi, plein de gens responsables sont devenus fous au bord de la lagune Ebrié, oubliant que Jupiter frappe de folie ceux qu’il veut perdre. Il ne nous reste plus, cher Wambi, qu’à appeler au secours toute la Sainte-Trinité pour que l’Eglise ivoirienne ne se rwandise pas.

Pour en revenir à l’escalade aérienne ordonnée par Koudou Laurent Gbagbo, j’ai entendu dire de sources dignes de foi que par-delà Bouaké, Korogho, notre cher beau frère avait comme objectif, l’extrême extrême nord ivoirien, entends la frontière burkinabè, et plus précisément le pont de la Léraba. Tout avait été, dit-on de mêmes sources, techniquement mis en œuvre pour augmenter l’autonomie de vol de ces Sukhoï, leur permettant d’effectuer une telle mission.

Si cette information, comme il est probable, est vérifiée, on en conclut, cher Wambi, que le sabordage de la flotte de Gbagbo par la Licorne, si faute il y a, a été une heureuse faute puisqu’autrement, un pays comme le nôtre aurait été entraîné malgré lui dans cette crise ivoiro-ivoirienne.

Restons sur le même sujet pour dire, cher Wambi, que mercredi une réunion de crise s’est tenue au Haut-commissariat du Houet entre les autorités ministérielles de la Sécurité, de la Santé, et de l’Action sociale, pour faire face à un éventuel retour massif de nos compatriotes de Côte d’Ivoire. Après la chasse aux Blancs, qui a conduit au rapatriement massif d’Occidentaux, il faut craindre que les communautés africaines ne soient pas elles non plus épargnées.

- Depuis quelque temps, Ouagadougou bruit d’une rumeur de remaniement ministériel. Si pour l’observateur de la scène politique nationale, la conjoncture ne se prête pas à pareil mouvement, ceux qui sont dans les secrets des dieux soutiennent qu’il s’agira plutôt d’un réajustement ministériel qui verra le départ du tout-puissant ministre d’Etat en charge de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques.

A ce qu’on dit, Blaise voudrait ménager son ombre, Salif Diallo, dans la perspective de la présidentielle de 2005. D’ores et déjà, on se demande si "Gorba" enfilera le manteau de directeur de campagne de l’enfant terrible de Ziniaré. Pour lui succéder auprès du monde paysan, le choix du grand sachem pourrait être porté sur Alphonse Bonou, qui pourrait, lui, céder son fauteuil actuel des Ressources animales à l’un de ses plus proches collaborateurs. L’événement dans ce réajustement pourrait être l’arrivée, au sein de l’équipe Paramanga, de la remuante Fatou Diendéré. Mais qui l’élue du Passoré viendra-t-elle remplacer à la table du Seigneur ?

Le Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO) a fermé ses portes le 6 novembre dernier. Si globalement le bilan de cette 9e édition est satisfaisant à en juger par l’affluence, ils sont nombreux les artisans qui en ont gardé un bien amer souvenir, et c’est peu dire. Est de ceux-là Djibril Compaoré, qui a dû passer 48 heures dans les locaux du commissariat central de police de Ouagadougou, et pour cause : comme tous les prétendants aux stands du SIAO, Djibril a déboursé en tout 250 000 FCFA en deux tranches de 125 000 F, respectivement le 30 juillet 2004 et 30 août 2004, pour un espace de 10 m2. Mais que proposait-il aux visiteurs ? Des tee-shirts frappés du logo du SIAO. Et il a dû payer 50 000 FCFA de taxe pour l’exploitation dudit logo. Quand le Salon ouvrit ses portes le vendredi 29 octobre, Djibril intégra son stand sans problème aucun, muni de toutes ses quittances et reçus de paiement. Tout semblait bien aller pour lui jusque-là quand, le 31 octobre, il reçut la visite d’une escouade d’agents de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) à trois reprises. Que lui voulaient-ils ?

Aux environs de 17h00, ils commencèrent à embarquer les étales de Djibril sans autre forme de procès. Celui-ci, voulant comprendre le pourquoi de cette intervention musclée, reçut un coup de tête, avant d’être bâtonné, menotté et déféré au commissariat central de police de Ouaga sous le regard ahuri de la foule. Ses marchandises, elles, seront emportées au camp de la CRS, où elle furent abandonnées dans la cour, battues par la pluie du mardi 2 novembre. Djibril, qui a recouvré la liberté au soir du lundi 1er novembre, gardera longtemps les séquelles des sévices des flics. Mais où les responsables du SIAO étaient-ils passés ?

Djibril, qui a tenté d’en savoir davantage auprès du délégué général du SIAO, M. Jean-Claude Bouda, s’est entendu dire par celui-ci : "Je n’ai pas le temps pour ça. J’ai d’autres chats à fouetter. Voulez-vous que j’abandonne les étrangers pour m’occuper de vous ?" Djibril savait maintenant la raison de sa misère, puisque son stand a purement et simplement été offert à une expatriée à son détriment, malgré les 250 000 FCFA qu’il a versés rubis sur l’ongle. Le jeudi 4 novembre, il se verra indiqué sur la place du SIAO un espace en plein air, où il pourrait rattraper le temps et les sous perdus. Comprends, cher cousin, que le SIAO venait de prendre fin pour lui, avec une perte qu’il ne pourra plus jamais combler, par la faute de flics zélés et d’affairistes invétérés.

- Cela dit, cher cousin, je t’invite, sous réserve, à la cérémonie coutumière de Naba Tigré de Lâ-Toden ce samedi 13 novembre. J’émets une réserve puisque prévue par les coutumes, la cérémonie du Soudunga a lieu chaque année pour inaugurer les nouvelles récoltes. Mais voilà que cette année, elle risque de ne pas avoir lieu. En tout cas jusqu’au moment où je t’écrivais cette lettre, l’administration n’avait pas encore accordé l’autorisation qu’il faut pour accomplir de telles cérémonies.

Tu te rappelles que depuis son intronisation le 2 août 2003 par le chef de Yako, Naba Tigré fait face à une sorte de rébellion qui lui conteste son trône. Favorisés en cela par la position sinon ambiguë, du moins passive de l’autorité administrative, les contestataires ont encore tenté de devancer le chef légitime pour empêcher la célébration du Soudunga. Un homme de tenue serait leur soutien, en plus d’opérateurs économiques. A ce rythme, il va falloir que le ministère chargé de l’Administration du territoire prenne un texte pour tirer au clair les conditions de succesion à la chefferie coutumière. Autrement dit, il faut en finir avec ces innombrables foyers de tension inutiles. Pour l’instant en tout cas, les partisans du Naba Tigré tiennent à ce que la cérémonie se déroule ce samedi à Lâ-Toden, quitte à l’amputer des activités indispensables du programme. Dans tous les cas, fais-y un tour.

- Notre capitale abritera dans quelque deux semaines le 10e Sommet de la Francophonie. Comme tu le sais, en marge de cet événement, il y aura de nombreuses manifestations, au nombre desquelles les 36es Assises de l’UPF et la 24e assemblée générale des maires francophones. Dans une ville à la capacité d’accueil limitée, les quelque trois milliers de participants se disputeront sans doute les couloirs des hôtels et des salles de conférences ; pendant que certains feront leurs valises, d’autres chercheront à s’installer. C’est ainsi que par exemple l’UPF fera place à la FILO à la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères. Il faut donc, cher cousin, que les machines soient bien huilées pour ne pas se gripper au moindre grain de sable. A Ouaga 2000 déjà, où doivent se dérouler la plupart des manifestations, les disputes pour l’occupation des salles ont commencé.

Tu te souviens qu’il y a bientôt un semestre, la Commission électorale nationale indépendante (CENI), dans le cadre de l’informatisation du fichier électoral, a installé dans deux salles l’équipe qui en a la charge. Les organisateurs de la Francophonie, par besoin d’espace, menacent de faire déguerpir l’équipe de l’institution de Moussa Michel Tapsoba. Laisse-moi te dire que la cellule d’informatisation du fichier électoral y a installé 80 ordinateurs, qui fonctionnent en réseau ; ces installations, faut-il le rappeler, sont très coûteuses.

Pour un pays qui compte généralement sur ses partenaires extérieurs pour organiser ses élections, s’il faut débrancher ces machines et les réinstaller, ce sera un véritable gâchis en finances et en temps. Courageusement, je voudrais dire aux organisateurs du sommet qu’il doit y avoir encore à Ouaga 2000 de la place où installer leurs secrétariats. Je pense que présentement l’attention des Burkinabè est plus focalisée sur les élections à venir que sur le Sommet de la Francophonie, qui ne durera d’ailleurs qu’au plus une semaine. C’est vrai que nous nous enorgueillissons de notre hospitalité, qu’on vante partout, mais entre la vie de notre Etat et le sommet, nous ne devons quand même pas donner notre natte et nous coucher par terre.

En attendant, cher cousin, feuilletons très rapidement le carnet secret de Tipoko l’Intrigante :

- La ville de Bouaké, qui abrite le quartier général des Forces nouvelles, a été bombardée le jeudi 4 novembre dernier pendant que le patron de celles-ci, Guillaume Soro, conduisait une délégation de l’ex-rébellion auprès du président togolais. Pour qu’ils rejoignent le bercail, le général Gnassingbé Eyadema a mis à leur disposition un avion, qui a conduit le "maître" du nord ivoirien à Bobo-Dioulasso le même 4 novembre vers 14h30. La suite du trajet aura été faite par voie terrestre.

-Ce week-end sera chaud dans la famille Bleu et Blanc. L’Etoile filante de Ouagadougou (EFO), la reine des stades, tient enfin son assemblée générale ordinaire maintes fois reportée. Cela signifie-t-il que tous les problèmes de cette reine malade de sa cour et de sa basse cour sont résolus ? Le Comité exécutif, présidé par l’ancien avant-centre Moïse Traoré Nignan, a été maintes fois annoncé démissionnaire, mais il est resté en place jusqu’à nos jours. Comment et pourquoi ? Dans les milieux proches de l’EFO, on lui attribue ces paroles fières et orgueilleuses : "je ne m’accroche pas, mais nul ne peut me chasser comme un vulgaire malpropre de l’EFO, surtout s’il vient de loin" Sacré Moshé ! Toujours le même, tenace ! Pari tenu. Reste à savoir comment on peut tenir sans les feuilles, véritable nerf de la guerre ailleurs comme dans le football. Les feuilles de l’EFO, on le sait, sont contrôlées par Salif Kaboré, (membre influent du CA) qui, selon certaines personnes, aurait voulu prendre sa revanche en asphyxiant son successeur. Ce dernier, apparemment, a réussi à s’en sortir. A l’AG, on en saura un peu plus sur les dessous des affaires. Il semble que ça va chauffer. Osera-t-on tout dire à cette assemblée générale, ou bien ce sera encore l’omerta ? En tout cas, les clans et tendances se préparent. Et nul n’ignore que les gourous au sein du club, dont dépendent les finances, sont les maîtres des lieux.

Qui succédera donc à l’actuel président du Comité exécutif ? Georges Raymond Marshall a été annoncé puis récusé. Ancien modèle, dit-on. Michel Ouédraogo de Sidwaya : trop jeune, il semblerait. Ses soutiens hésitent... Quel nom sortir du chapeau ? Komi Sambo Antoine réunirait beaucoup de suffrages à cause de son statut de magistrat. Mais est-ce suffisant en sport ? On parle aussi d’Amadé Ouédraogo pour assumer la fonction suprême des administrateurs, car Thiombiano Justin semble bien usé selon certains. Aux dernières nouvelles, un consensus semble avoir été trouvé. On verra bien demain ou après-demain le visage de ce consensus.

- Le directeur régional du ministère des Enseignements secondaire, supérieurs et de la Recherche scientifique des Hauts-Bassins serait actuellement dans la tourmente. Un mouton que lui avait confié un ministre qui était récemment en tournée dans l’Ouest est porté disparu depuis plusieurs jours. Pourtant le directeur avait pris le soin de garder l’animal chez lui à domicile, où il élève déjà des moutons.

- Malgré les prestations mi-figue mi-raison de notre équipe nationale de football, les Etalons, ils se vendent bien dans les championnats étrangers. En témoigne le nombre croissant des professionnels, pour ne pas dire d’expatriés burknabè . Le dernier en date serait Soumaïla Tassembédo, latéral droit et milieu offensif aussi bien de l’EFO que des Etalons, parti en Israël monnayer ses talents.

Tipoko l’Intrigante n’apprend rien d’elle-même, elle n’invente jamais rien. Tipoko l’Intrigante est un non-être. Elle n’est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l’intuition c’est la faculté qu’a une femme d’être sûre d’une chose sans en avoir la certitude..."

Ainsi va la vie.

Au revoir.

Ton cousin

Passek Taalé.

L’Observateur Paalga

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