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Reboisez, reboisez, mais pas chez Paul

Publié le jeudi 2 août 2012 à 00h15min

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Fier paysan de son état, Paul est un vieux cultivateur de la commune de bingo. Vous ne le connaissez pas et pourtant il le faudrait. Il a même eu l’occasion de se faire entendre par des autorités à un événement plus qu’important : Un reboisement.

Je vous explique. Le 21 juillet dans une de ses balades, Paul est surpris de se faire accoster par un jeune du village au comportement bizarre. Le jeune le félicite de quelque chose dont il n’est pas au courant. Paul, comment tu te prépares pour accueillir tes étrangers ? Il ne comprend rien. On lui explique que le lendemain, des étrangers viendront de la ville pour planter des arbres dans son champ. Comment ? Paul ne comprend pas. Encore une histoire d’autorités. Il se rappelle le goût amer que lui a laissé les lotissements dans la localité. Les champs qu’il a hérités de son père qui, lui aussi les avaient reçus de son père dans une chaîne de génération jamais encore brisée, ont été morcelés pour ne laisser que ces 2 hectares. Paul n’a pas confiance en ces gens de la ville qui n’hésiteront pas à lui prendre ce peu qui lui reste, à lui et ces 30 bouches à nourrir.

Il menace donc le village de punir quiconque s’aventurera sur ses terres. Le maire fut prévenu que le propriétaire du terrain qu’il a choisi n’est pas prêt pour une quelconque politique qui toucherait à son champ.

Une délégation est vite dépêchée pour demander pardon au vieux. Des étrangers arriveront le lendemain pour ériger le bosquet de la coopération. Des dizaines de diplomates étrangers, des ministres vont fouler ton sol ! Mais Paul se sent déshonoré. On aurait pu au moins l’informer et lui demander son avis. On lui assure qu’après la plantation des arbres et le départ des autorités, les arbres seront déracinés. Il se calme et rentre dormir. La nuit porte conseil. Mais Paul se réveille avec l’impression de s’être fait avoir. Alors il décide d’aller voir.

Effectivement, c’est une grande cérémonie avec chaises, micros et télévisions. Il décide donc de participer. A sa manière, il suit les diplomates planteurs d’arbres. Ils plantent, lui, il déracine. La police intervient et une lutte s’engage entre Paul et les Forces de l’ordre. On le croit fou et on le maîtrise. C’est là que le maire s’en approche et lui tend un billet de 1000fcfa. Paul se ré-enflamme. ..

Ont-ils déboisé ces 1500 plants mis sous sol ? Et bien jusqu’à l’heure où je vous parle le bosquet de la coopération vit toujours mais des pourparlers sont engagés entre le maire et Paul.

Pourquoi je vous parle de ça ? C’est simple, il faut qu’on reparle encore de cette manie de certains de nos dirigeants qui ne connaissent toujours pas le sens de la gouvernance participative et de la communication. Le sujet des changements climatiques est d’une telle importance qu’il faut prévoir de sensibiliser correctement ! Le paysan est le plus touché par ces phénomènes climatiques mais la méfiance et les réalités qu’ils rencontrent ne sont pas pour le rassurer sur ces thèses scientifiques. Voilà comment un vieux monsieur peut arriver à déraciner ce qui pourrait, ou devrait être son salut. Il a faim mais préfère sa dignité. Cela reste un sentiment fort burkinabè. Comment reboiser dans un champ sans expliquer au propriétaire des lieux, le premier bénéficiaire de cet acte. Pourquoi ne pas le prévenir ? Juste parce que c’est un vieux paysan qu’on ne respecte pas. Je comprends Paul.

Après cela, je ne m’étonne pas de voir des campagnes de reboisement stériles. Des bosquets déserts, des vergers sans plants, parce que la promesse faite de s’en occuper n’a pas été tenue. Il faut qu’on aille jusqu’au bout de nos politiques. Avant les cérémonies il faut prendre les choses en main et responsabiliser les communautés à la base. Si le bosquet de mon grand père tient, c’est bien parce que la révolution était passée par là. Je n’étais pas née mais je suis sûre qu’un sens de sacralité du monde vert était né.

Mais quand je rencontre aujourd’hui des paysans qui ont entretenus des vergers depuis cette époque, et qui aujourd’hui les perdent par l’action de certains maires peu scrupuleux, qui les divisent en parcelles à des fins pécuniaires, cela me blesse le cœur.

On va reboiser monsieur, mais ne venez pas dans quelques années nous traiter comme le vieux wendyam à Koudougou. On va reboiser monsieur mais quittez votre planète et communiquez avec le monde réel. On va reboiser monsieur parce qu’on a faim ! Enfin le mot est sorti.

D’ailleurs, si chacun pouvait planter un arbre chez lui, ce serait un bon début. Je ne parle pas de ces gazons superbement assoiffés qui tarissent les stocks de l’ONEA (de toute les manières j’en ai pas chez moi). Bonne plantation à tous !

Par Bendré

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