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LES TRACES DE LA DÉCENTRALISATION : COMMUNE URBAINE DE MANGA : Des progrès en demi-teinte

Publié le mercredi 25 juillet 2012 à 23h19min

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A la faveur de la communalisation intégrale, la commune urbaine de Manga, chef-lieu de la province du Zoundwéogo, dans le Centre-Sud, initialement composée des 5 secteurs de la ville, s’est enrichie de 13 villages. Six années après, les acteurs du développement rencontrés, les 6 et 7 juillet 2012, lors d’une tournée, estiment qu’en dépit des progrès réalisés, des efforts restent à faire.

Lentement, mais sûrement, la commune urbaine de Manga, située à 100 kilomètres de Ouagadougou, se construit. Le comptable de la mairie, Paul Bouda, explique que les investissements ont été faits de façon méthodique. Selon lui, de 2006 à 2008, la plupart des financements ont porté sur l’équipement et l’aménagement du cadre de travail, en ce sens qu’à leur prise de service, la mairie ne comptait qu’un seul ordinateur. M. Bouda relève donc qu’il a fallu attendre 2009 pour que les chantiers ne commencent « véritablement ». Ce faisant, le comptable et des conseillers municipaux rencontrés, les 6 et 7 juillet 2012, arguent : « On ne peut pas satisfaire tout le monde en même temps. Les aspirations de tous les villages et les secteurs seront satisfaites les unes après les autres ».

Le responsable des conseillers de l’Alliance pour la démocratique et la fédération/ Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), Gilbert Ouédraogo, qui partage cette idée, confie que les projets sont bien répartis. Ainsi, la présidente de la Commission des affaires économiques et financières, Augustine Ouédraogo/ Guigma, pense que le conseil municipal a réalisé 50% de son programme communal de développement (PCD). En attendant les résultats d’un audit indépendant commandité pour faire le bilan de l’action communale, le bourgmestre de la cité de l’épervier, Jean Claude Bouda, annonce que les objectifs ont été globalement atteints. Il révèle que c’est dans le domaine de l’éducation de base que les progrès ont été les plus significatifs avec la dotation de tous les villages et secteurs, d’écoles. Le maire Bouda parle, entre autres, de la construction d’écoles primaires à Leongo, à Zanguin et au secteur n°2 de Manga, avant d’avancer que plusieurs établissements ont été normalisés.

En outre, il a rappellé l’érection de trois complexes scolaires aux secteurs n°3 et 4 de Manga et dans le village de Ganwoko, d’un Collège d’enseignement général (CEG) de quatre classes à Gastoega, une localité située à 15 kilomètres du chef-lieu de la commune.
A en croire le maire, le CEG profite aux élèves de Toula, Kira, Salkuilga, Mokin, Pouswoko qui se déplaçaient jusqu’à Manga, par le passé.

En attente de routes pour désenclaver les zones rurales

De plus, le deuxième adjoint au maire, Georgette Guigma, affirme que des Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) ont été réalisés à Zigla, Siltouko, Zaptenga et à Sakuilga. Le CSPS de Sakuilga n’est pas encore fonctionnel, mais celui de Siltouko, au secteur n°5 de Manga, est ouvert, mais pas officiellement inauguré, selon l’infirmier-chef de poste adjoint, Joachim Niébé. Pour lui, le centre de santé de Siltouko permet de rapprocher les habitants de la capitale régionale et des villages environnants des soins. Toutefois, il déplore que beaucoup de gens ignorent son existence. Ce qui fait, dit-il, qu’il est peu fréquenté par les populations qui le trouvent éloigné du centre de la ville. Il révèle que le dispensaire fonctionne grâce à l’énergie solaire et qu’il faut l’électrifier, le doter d’une adduction d’eau potable et construire une piste en vue de le désenclaver.

« S’il y a une chose que j’aurais voulu faire, ce sont les ouvrages de franchissement et les routes pour le désenclavent des zones rurales », note l’édile de la localité qui regrette de n’avoir pas bénéficié du soutien nécessaire. Néanmoins, il signale que des efforts ont été réalisés dans le domaine de l’hydraulique et de l’assainissement. Jean Claude Bouda déclare que presque tous les villages ont été dotés de forages, d’autant plus qu’il juge la question de l’eau fondamentale. De même, l’assainissement est une préoccupation pour le maire de Manga. C’est ainsi que deux caniveaux, d’environ 38 millions de francs CFA, respectivement longs de 800 mètres et de 300 mètres, ont été construits aux secteurs n°2 et 3 de la ville de Manga, pour évacuer les eaux en saison hivernale « afin que plus jamais Manga et le secteur n°2, en particulier, ne revivent les inondations du 1er septembre 2009 ».

Or, Francis Kaboré, un agent du ministère des Enseignements secondaire et supérieur (MESS), trouve que la ville manque de canalisation. « C’est dans une seule zone que les caniveaux ont été construits. Quand il pleut, les eaux débordent et les gens ont les pieds dans l’eau. Il faut en construire dans les autres quartiers », martèle Cyprien Compaoré, un commerçant de la localité.
Même si le maire Bouda signale que les caniveaux coûtent cher, il promet de les prolonger dans le cadre du budget supplémentaire.

Des efforts en vue pour la construction de caniveaux

Il fait savoir que la propreté de la ville préoccupe les autorités communales qui appuient les travaux d’hygiène des femmes organisées en associations pour le nettoyage des rues et du marché central. Il explique que l’association des veuves reçoit 150 000 FCFA par mois. « Sans compter que des brouettes, des râteaux, des dabas, des cache-nez, sont aussi souvent distribués aux associations de femmes », souligne le secrétaire général de la mairie, Salif Traoré. Le problème, c’est que le groupement Zak-la Yilguemdé, par la voix de sa présidente, Aimée Yaméogo/Bouda, déclare qu’elle n’a jamais reçu quelque chose de la mairie avec qui elle collabore depuis 2009. En tous les cas, le bourgmestre soutient que le conseil a remis un matériel de près d’un million de FCFA à la structure communale des femmes et qu’étant donné qu’il y a beaucoup d’associations féminines, il se pourrait que d’autres n’aient rien obtenu lors du partage. D’autre part, la présidente de la Commission des affaires économiques et financières, Augustine Ouédraogo/Guigma, avance que la municipalité a construit un abattoir de standard moderne avec une adduction d’eau et réhabilité le marché central de la ville.

Le président de l’association des commerçants de Manga, Joseph Roamba, reconnaît que huit (8) portails ont été chevillés aux entrées du marché, mais que certains n’ont pu résister et sont tombés à cause de la défectuosité de quelques raccordements. Il indique que cela permet aux animaux et aux voleurs d’avoir accès au marché, pour y commettre des dégâts. Raison pour laquelle, il invite les autorités communales à reprendre les travaux de réfection tout en augmentant le niveau du mur de l’enceinte du marché. Aussi souhaite t-il que le marché soit électrifié, que les toitures endommagées des boutiques soient réfectionnées pour éviter que l’eau de pluie ne détruisent les marchandises, que de nouvelles boutiques et des hagars soient construits pour resoudre le problème des commerçants installés anarchiquement.

L’incivisme fiscal plombe les recettes

Le comptable de la commune, Paul Bouda, de répondre : « Nous sommes conscients des difficultés que vivent les commerçants », avant de rassurer que l’entreprise LPD/ECGD va terminer les travaux de réfection, d’ici à la fin de l’année. Il laisse entendre que le conseil veut construire des boutiques de rue, mais ce sont les moyens qui font défaut. La raison selon lui, c’est que tous les commerçants ne s’acquittent pas de leurs obligations fiscales. La preuve est, dit-il : « nous récoltons 4 millions de FCFA au titre des droits de marché et 9 millions de FCFA pour les infrastructures marchandes par an ». Pour la deuxième adjointe au maire, Georgette Guigma, les recettes sont faibles à cause de l’incivisme fiscal. Elle souligne que la crise de 2011 a fait que les populations, ne craignant plus les forces de l’ordre et de sécurité, ne veulent plus payer les taxes.

Elle signifie que c’est l’une des raisons qui a poussé la mairie de Manga à recruter six (6) agents de police municipale, dont quatre (4) garçons et deux (2) filles, en cours de formation qui, espèret-elle, vont tous sortir cette année pour épauler le conseil municipal. Elle note que la population ne joue pas sa partition, qu’il y a des personnes qui ont des trous devant leur cour et qui demandent au maire de venir les boucher.

Et pourtant, certains pensent que la mairie ne s’intéresse pas à eux. « Je n’ai vu aucun conseiller venir me demander ce qui va, ce qui ne va pas », rouspète le retraité Siméon Sawadogo, habitant du secteur n°3 de la ville de Manga, qui déclare qu’il y a aussi souvent des lenteurs dans le traitement des dossiers. Il mentionne qu’il a dû patienter deux semaines pour obtenir un permis urbain d’habiter (PUH), à cause d’une signature. A cela, le bourgmestre rétorque que les dossiers ne traînent pas à son niveau, si ce n’est pour des cas exceptionnels. Il martèle qu’il faut que les gens cessent de croire que le maire est un « Ddeu », qu’il ne peut pas réussir tout et que l’action municipale doit être une œuvre collective. Il signale qu’il a délégué, par arrêté, des pouvoirs à ses adjoints ainsi que sa signature au secrétaire général de la mairie. Information confirmée par Salif Traoré qui regrette que les commissions spécialisées ne fonctionnent pas à merveille. La faute, selon lui, revient aux conseillers municipaux qui ne maîtrisent pas la plénitude de leurs responsabilités du fait du nombre élevé d’analphabètes dans leur rang.

Les difficultés ne manquent pas

Le secrétaire général révèle que 23 conseillers sur 35 sont analphabètes. Pourtant, il soutient que ce sont eux qui devaient réfléchir et proposer des solutions pour booster le développement de la ville en amenant les populations à être de véritables contributeurs. En plus de cette difficulté, il relève que des ministères et leurs services techniques ne se sentent pas encore concernés par la décentralisation. Il parle de la réticence des services techniques des ministères en charge de la Santé et des Finances qui ralentissent très souvent l’exécution de certains projets. Le directeur par intérim de la direction régionale du Trésor de la région du Centre-sud, Roger Ouédraogo, rétorque qu’on les accuse à tort.

Il se demande l’intérêt de son service à rejeter un dossier qui n’a pas de problèmes. Il précise que cela n’arrive que s’il y a des motifs qui vaillent d’éventuelles corrections. Pour le cas d’un cachet qui manque, il dit qu’il préfère appeler les intéressés pour qu’ils paraphent les documents sur place. En sus, il déclare qu’il y a des cadres de concertation institués par les supérieurs hiérarchiques en vue d’assurer la célérité dans le traitement des dossiers. Comme si cela ne suffisait pas, Salif Traoré demande que le transfert des compétences soit effectivement suivi de celui des ressources. Il recommande également que l’Etat crée une école de la décentralisation au profit des conseillers municipaux. Considérant que l’Etat seul ne peut pas tout faire, il appelle les Organisations de la société civile (OSC) à s’impliquer davantage dans le processus de décentralisation en menant, ne serait-ce que, des activités de sensibilisation. Le deuxième adjoint au maire pense que c’est à ce prix-là que la population va jouer sa partition, en s’acquittant de ses obligations fiscales.

« Le développement de la commune appartient à tous », renchérit le président de l’Association des jeunes pour le développement du Zoundwéogo, Ousmane Ilboudo, qui promet de s’impliquer un peu plus dans la gestion de la cité. Il certifie qu’il va apporter son soutien aux autorités communales pour qu’elles réalisent le maximum de projets à leur deuxième mandature. L’association des jeunes peut compter avec Jean Claude Bouda qui avoue que c’est maintenant qu’il commence à avoir des financements, grâce aux relations qu’il a tissées au niveau international. Dans cette dynamique, il dit avoir un projet de construction d’un complexe culturel, d’environ 250 millions de FCFA et un autre portant sur l’assainissement qu’il a soumis à l’Union européenne.

M. Bouda avance que si la population lui renouvelle sa confiance, il va entreprendre avec beaucoup plus de réussite, le développement de la cité de l’épervier.

Adama BAYALA (badam1021@yahoo.fr)


Les attentes des populations

Eric Kaboré, cultivateur au village de Nassamba : « Nous sommes satisfait du bilan du conseil municipal. Nous allons reconduire l’équipe actuelle, car elle a construit un centre d’alphabétisation et un CSPS, non encore fonctionnel dans mon village. Nous voulons qu’elle construise des pistes et des forages. Notre village ne dispose que de deux bornes-fontaines pour 50 concessions. C’est insuffisant ».

Francis Kaboré, fonctionnaire au MESS : « Moi, je ne vois pas ce que le conseil municipal a fait. Je ne peux pas dire s’il y a changement ou pas. Ce que je sais, c’est que la ville manque de caniveaux. Quand il pleut, l’eau pénètre dans les cours ».

Joanny Yerbanga, militaire à la retraite : « Je pense que le bilan du conseil municipal est positif, dans l’ensemble. Il a joué un rôle important dans le renforcement du tissu social et de la solidarité. A la mairie, les dossiers sont bien traités et vite. S’il y a lieu de voter le maire, nous allons le voter. Nous souhaitons que le maire crée des emplois pour les jeunes, fer de lance de la société. Nous voulons également qu’il mette l’accent sur la propreté de la ville. Nous voulons qu’on nettoie la cité, une ou deux fois par semaine ».

Ousmane Ilboudo, président de l’association des jeunes pour le développement du Zoudwéogo : « Le bilan du conseil est positif. On sent qu’il y a une évolution, même si ce n’est pas comme on le souhaitait. Notre structure a été impliquée dans les activités du conseil municipal. Nous avons participé à la rédaction du PCD, aux travaux de certaines commissions en matière d’assainissement et de la politique genre. Nous allons y nous impliquer davantage et demander des comptes aux autorités communales ».

Aimée Yaméogo/ Bouda, présidente de l’association Zak-la-Yilguemdé : « Je ne sais pas s’il faut reconduire l’équipe actuelle, mais moi je choisirai le candidat qui va répondre à nos attentes. La ville est sale, il n’y a pas d’eau courante, pas d’électricité partout, pas de routes. Depuis les lotissements de 2 000, il n’y a pas eu de voies dans les quartiers nouvellement loties. Que la nouvelle équipe inscrive tous ces domaines dans son programme ».

A. B.

Sidwaya

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